
Dans sa série Kípatsi, réalisée dans l’Amazonie péruvienne, Grégoire Beraud met en lumière la communauté Matsigenka, sa relation à la nature et son mode de vie. Il y croise images documentaires poignantes et témoignages avec une approche plastique et artisanale qu’il conçoit avec la population locale.
En Amazonie, Grégoire Beraud fait la connaissance du peuple Matsigenka, installé dans la forêt au sud-est du Pérou. « Je voulais savoir plus en détail comment les gens vivent, quelle est leur relation avec la nature », confie le photographe. Sans tomber dans une couverture documentaire classique du territoire, il s’immerge et conduit des entretiens avec chaque personne du village – de la guérisseuse aux jeunes. « Ils étaient accessibles, car c’est une communauté très ouverte et très impliquée au niveau public et institutionnel du Pérou, précise-t-il. Protéger la forêt et leurs traditions est leur motivation principale. » L’artiste découvre un peuple engagé et porté par l’artisanat. « Je pense qu’ils se sont confiés à moi et à la photographie, puisqu’ils ont une culture artisanale très développée. Ils font beaucoup de musique, travaillent le tissu, le bois ou encore la pierre. Pour eux, l’image était une autre forme d’artisanat », remarque-t-il. L’auteur brosse ainsi le portrait des habitant·es, des arbres, de la rivière et des plantes. Il fait de la nature le conteur de cette histoire, nommée Kípatsi, qui signifie « terre » en langue Matsigenka. « Dans cette forêt, il y a de grands arbres géants qui, selon nous, ont une âme. Nous croyons en l’un d’entre eux appelé lupuna. Lorsque vous êtes seul ou que vous vous sentez troublé, il peut venir à vous et vous enchanter, comme s’il s’agissait d’une personne », raconte Terri, un Matsigenka, à Grégoire Beraud.


Révéler l’invisible de l’Amazonie
Les oiseaux volent dans un ciel brûlant, la forêt tropicale respire. Grégoire Beraud saisit cet environnement délicat qu’il transforme en images tangibles faites de camaïeu de couleurs – du vert, du mauve, du jaune. Ces teintes sont issues de pigments végétaux que le photographe a réalisés en collaboration étroite avec les Matsigenkas. « J’ai récolté, travaillé, cultivé les racines, les fruits, les feuilles et les écorces avec eux. Ils m’ont expliqué l’utilisation de chaque pigment dans leur quotidien, de la teinture au maquillage, jusqu’aux soins », explique-t-il. Une fois les nuances obtenues, Grégoire Beraud colore du papier japonais sur lequel il tire ses clichés. « J’ai fait ce que j’appelle des impressions imagineku, c’est un mot matiguenka qui signifie “images de ses rêves”. L’idée, c’était d’avoir des photographies sur un matériau organique, mais surtout qui provient de savoir-faire locaux », poursuit l’auteur. Ce faisant, il ouvre les portes du monde invisible de l’Amazonie. Il révèle des passages inaccessibles de cette jungle abondante, qui regorge de cosmogonies, rituels et pratiques, œuvrant à la préserver.







