Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les auteurices publié·es sur les pages de Fisheye reviennent sur les œuvres et les sujets qui les inspirent particulièrement. Aujourd’hui, c’est Juan Brenner qui nous emporte dans son œuvre, nourrie par le poids de l’histoire. Dans les montagnes du Guatemala, il illustre les multiples couches qui forment une société et sublime, à l’aide de la lumière, la richesse d’un territoire nuancé. Une source d’inspiration sans fin, qu’il nous partage aujourd’hui.
Si tu devais ne choisir qu’une seule de tes images, laquelle serait-ce ?
Cette image d’un terrain de foot dans les hautes terres du Guatemala. C’est un bel hommage au paysage guatémaltèque : on y croise les signes d’une vie quotidienne, le sport, les montagnes et la rivière. Cette dernière a été souillée par le sang lors l’invasion espagnole du Guatemala, il y a 500 ans. Cette vallée est d’ailleurs à l’endroit exact de la bataille ayant causé le plus de mort·es, durant la Conquête. Cette photo convoque donc différentes couches d’histoire, de rapports au territoire que j’essaie d’illustrer.
La première photographie qui t’a marqué et pourquoi ?
L’autoportrait de Joel Peter Witkins où il porte un masque avec Jésus Christ dessus. Cette photo m’a permis de comprendre cet artiste, de mettre enfin un visage sur mon héros. C’était avant l’arrivée d’internet, nous n’avions pas accès aux banques de données que nous avons l’habitude d’utiliser maintenant.
Un modèle pour un shooting rêvé ?
Une personne que j’admire. Une personne qui va changer ma perception d’elle dès les premiers instants où l’on commence à construire son portrait. Une personne prête à ce qu’on passe du temps ensemble pour trouver des idées d’images.
Un ou une artiste que tu admires par-dessus tout ?
Je déteste cette question ! (Rires) Depuis quelque temps, j’apprécie beaucoup le travail de Margarita Azurdia. C’est une artiste multidisciplinaire qui a joué un rôle clé dans le développement du mouvement moderniste guatémaltèque, dans les années 1960.
Une émotion à illustrer ?
Je ne suis pas sûre qu’on puisse qualifier cela d’émotion, mais le concept d’« humeur égale » est quelque chose que je recherche activement. Notamment pour m’aider dans ma manière de fonctionner quand trop de choses arrivent en même temps.
Un genre photographique, et celui ou celle qui le porte, selon toi ?
Je vais répondre de manière très clichée, mais je ne crois pas que quiconque incarne la notion de « photographie couleur » comme le fait William Eggleston. Son approche de la technique est magistrale, la plus simple et vraie que j’ai jamais vue.
Un territoire – imaginaire ou réel – à capturer ?
Depuis six ans, mon cœur appartient aux hauts plateaux du Guatemala. Depuis que je m’y rends, je découvre et comprends de plus en plus ce territoire, et je suis persuadé qu’il définit pleinement notre nation et identité.
Une thématique que tu aimes particulièrement aborder et voir aborder ?
J’aimerais voir des projets autour du génocide silencieux qui se déroule, encore aujourd’hui, au sein de la République démocratique du Congo. C’est tellement triste qu’on peut à peine entrevoir l’ampleur et la noirceur de la situation dans cette région.
Un événement photographique que tu n’oublieras jamais ?
L’exposition de Tomas Struth au MET en 2002 a complètement révolutionné mon idée de la photographie. La manière dont un concept peut être étiré, manipulé de plein de superbes manières. Je n’avais jamais vu d’images si grandes et descriptives auparavant.
Une œuvre d’art qui t’inspire particulièrement ?
Les 400 coups, de François Truffaut. Il y a tellement de belles choses dans ce film, c’est l’une de ces œuvres d’art qui me procure de la joie et de l’espoir à chaque fois que je la regarde.