Ici ou ailleurs : les peaux de chagrin de Lisa Sartorio

11 janvier 2024   •  
Écrit par Eric Karsenty
Ici ou ailleurs : les peaux de chagrin de Lisa Sartorio
© Lisa Sartorio, courtesy Galerie Binome
© Lisa Sartorio, courtesy Galerie Binome

Lisa Sartorio n’est pas une photographe au sens traditionnel du terme. Elle travaille avec des images qu’elle prend sur internet. Elle travaille ces images parce que ces images la travaillent. C’est cette expérience qu’elle nous donne à voir à travers différents procédés qui s’incarnent dans des objets éminemment sensibles. Des œuvres épidermiques qui nous bouleversent, comme la série Ici ou ailleurs. L’artiste y a sélectionné des photos de conflits apparus depuis sa naissance, en 1970. 

Formée aux arts plastiques, en particulier à la sculpture, Lisa Sartorio a très tôt senti les limites des images de guerre qu’elle voyait au travers d’écrans de télé ou d’ordinateur. « Ces images documentaires désincarnées et lissées par la diffusion médiatique, j’ai eu envie de m’en emparer et d’en faire mon expérience, d’agir dessus, précise l’artiste, qui a un sens aigu de l’Histoire. J’ai eu envie de faire émerger quelque chose dans un travail de réactivation. Tous les conflits ont leurs racines dans l’Histoire. Il est impossible de regarder le présent sans regarder la mémoire. Et la mémoire des images de guerre, c’est l’Histoire, évidemment. »

© Lisa Sartorio, courtesy Galerie Binome
© Lisa Sartorio, courtesy Galerie Binome
© Lisa Sartorio, courtesy Galerie Binome
© Lisa Sartorio, courtesy Galerie Binome

Réactiver l’histoire

Commencée en 2018 avec un cliché pris à Bagdad, la série Ici ou ailleurs rassemble des photos de ruines sans présence humaine, caractéristiques des stéréotypes des clichés de guerres. Prises au Vietnam, au Liban, au Yémen, en Syrie, en Tchétchénie, en Yougoslavie, en Érythrée, en Ukraine ou à Gaza, ces images sont imprimées un papier kozo à la texture fibreuse, sur lequel Lisa Sartorio intervient à mains nues. « Je cherche à quitter l’espace figé de la ruine pour arriver au moment de la destruction. Je réactive l’Histoire pour la mettre au présent, afin que le spectateur soit témoin de l’action en train de se faire. Je brouille la chronologie pour faire disparaître l’image. Je la défigure pour la refigurer autrement : je la transfigure, analyse l’artiste. Le type d’intervention dépend de l’image, mais aussi du moment où je ressens les choses, ce que j’ai lu, entendu, ressenti… C’est l’histoire d’un moment qui conjugue deux états : celui de l’image et le mien. C’est une recherche autour de l’histoire d’un moment et un moment de l’Histoire qui ici est une fiction. Je ne peux évidemment pas m’exclure de l’incarnation de ces guerres. » 

Cet article est à retrouver dans son intégralité dans le dernier numéro de Fisheye.

À lire aussi
Terres scarifiées
Terres scarifiées
Le 24 février dernier marquait le premier anniversaire de l’invasion russe en Ukraine. Avec Topographies II Ukraine – Donbass, une série…
27 avril 2023   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Dans l'œil de Toni Monné Campañà : porter l’espoir dans le chaos de la guerre civile
Milicienne sur une barricade au carrefour des Ramblas et de la Calle Hospital, 25 juillet 1936 © Arxiu Campañà
Dans l’œil de Toni Monné Campañà : porter l’espoir dans le chaos de la guerre civile
Cette semaine, plongée dans l’œil de Toni Monné Campañà, petit-fils du photographe Antoni Campañà. Jusqu’au 24 septembre 2023, le…
14 août 2023   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Explorez
Raymond Depardon, l’éloge du passage
© Raymond Depardon
Raymond Depardon, l’éloge du passage
La Galerie Magnum présente Raymond Depardon : Passages, une rétrospective visible jusqu'au 26 juillet 2025. À travers une...
18 juin 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Le palmarès du prix Picto de la Mode 2025 : la mode au croisement des enjeux contemporains
Symbiose © Arash Khaksari
Le palmarès du prix Picto de la Mode 2025 : la mode au croisement des enjeux contemporains
À l’occasion de la 27e édition du prix Picto de la Photographie de Mode, la cour du Palais Galliera s’est transformée en un lieu...
16 juin 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Alex Bex révèle la sensibilité des cowboys texans
Intermission (Big Foot, Texas), de la série Memories of Dust © Alex Bex, France, 3rd Place, Professional competition, Documentary Projects, Sony World Photography Awards 2025.
Alex Bex révèle la sensibilité des cowboys texans
Avec sa série Memories of Dust, le photographe franco-texan Alex Bex ébranle les codes de la masculinité dans les ranchs de cowboys au...
13 juin 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
18 séries photo à découvrir aux Rencontres d'Arles 2025
Extrait de Father (Atelier EXB Paris, 2024) © Diana Markosian
18 séries photo à découvrir aux Rencontres d’Arles 2025
Alors que la 56e édition des Rencontres de la photographie d’Arles approche à grands pas, la rédaction de Fisheye vous invite à...
11 juin 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Nos derniers articles
Voir tous les articles
23 séries de photographies qui prennent vie en musique
Les membres originaux du groupe Oasis, Japon, 1994 © Dennis Morris
23 séries de photographies qui prennent vie en musique
En ce premier jour de l’été, partout en France, la musique est à l’honneur. À cet effet, nous vous avons sélectionné une série de...
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Que reste-t-il après le feu ? : des images, des voix, des actifs
Tour immersive en forêt © Alexandre Dupeyron
Que reste-t-il après le feu ? : des images, des voix, des actifs
À l’Écomusée de Marquèze, jusqu’au 28 septembre 2025, l’exposition 600° La forêt après le feu du collectif LesAssociés, pose une...
19 juin 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche
Archevêché by Fisheye : une 2e édition haute en couleur
© Marie Meister
Archevêché by Fisheye : une 2e édition haute en couleur
Du 7 au 12 juillet 2025, Fisheye investit la cour de l’Archevêché, lieu de rendez-vous incontournable du ()ff des Rencontres d’Arles, au...
19 juin 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Bouche : l'épiderme selon Lucile Boiron
Bouche © Lucile Boiron
Bouche : l’épiderme selon Lucile Boiron
Avec sa série Bouche, Lucile Boiron, formée à l'École nationale supérieure Louis-Lumière, s'intéresse de près à la peau, aux fluides et...
19 juin 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas