Il était une fois Bialowieza

18 septembre 2019   •  
Écrit par Eric Karsenty
Il était une fois Bialowieza

Devenue photographe après des études de géographie, Andréa Mantovani rend compte des enjeux environnementaux dans la dernière forêt primaire d’Europe, en Pologne. Loin du photojournalisme, ses images s’aventurent sur le terrain du conte.

« Il paraît qu’on peut juger d’une époque à la manière dont elle traite ses forêts »

, rappelle Andréa Mantovani, citant Être forêts – Habiter des territoires en lutte du philosophe militant Jean-Baptiste Vidalou. Car c’est bien une lutte qui a sensibilisé la photographe, il y a deux ans, quand elle a commencé ce travail pour rendre compte du conflit opposant les forestiers de l’État polonais aux écologistes.

Il faut se rappeler que le site de Bialowieza, en Pologne, abrite la dernière forêt primaire de plaine d’Europe. Terrain de chasse privilégié du tsar Alexandre II de Russie au XIXe siècle, cet espace a été laissé en l’état durant la Seconde Guerre mondiale, avant d’être classé au patrimoine mondial de l’Unesco en 1979. Et quand une partie des arbres ont été décimés par la prolifération du scolyte de l’épicéa, un redoutable parasite, le ministère de l’Environnement polonais s’est lancé dans une vaste campagne de déforestation censée préserver ce patrimoine. Mais les environnementalistes, redoutant la perte du caractère naturel de cette forêt quasi originelle, ont tenu à ne pas bouleverser l’ordre des choses. Leur opposition s’est manifestée par des camps éphémères, des mini-ZAD, et toute une série d’actions destinées à protéger cette réserve de biodiversité.

© Andréa Mantovani

Deux visions du monde

Une situation plus compliquée qu’il y paraît, précise Andréa Mantovani : « Au cœur de cette “dernière forêt primaire”, deux visions du monde s’opposent: celle des anciens pays communistes, traditionnelle, conservatrice ; et celle de la démocratie, libérale, citoyenne, écologique et hyperconnectée. » Le conflit a évolué avec le dossier déposé par les activistes devant la Communauté européenne, cette dernière ayant fini par porter plainte contre le gouvernement polonais en le menaçant de lourdes sanctions financières s’il poursuivait ses campagnes de déforestation. Les coupes ont été stoppées, et les écologistes ont fini par avoir gain de cause. Afin de rendre compte de cette histoire, Andréa Mantovani s’est éloignée du photojournalisme pour faire une incursion dans le domaine du conte. Associant des images de paysages où se déploie cet « espace mystérieux et fascinant » à d’autres photos plus métaphoriques des relations ambivalentes entre hommes et nature, l’artiste à la formation de géographe nous propose une autre lecture du territoire. Un territoire auquel elle s’est profondément attachée, envisageant de retourner sur place afin de développer de nouvelles approches, plus plastiques peut-être. Une manière très personnelle de redistribuer les cartes de la représentation.

 

Le Chant du cygne / Bialowieza Forest d’Andréa Mantovani


Du 27 septembre au 27 octobre 2019

Fisheye Gallery, 2 rue de l’Hôpital-Saint-Louis, 75010 Paris

© Andrea Olga Mantovani

© Andréa Mantovani© Andréa Mantovani
© Andréa Mantovani© Andréa Mantovani

© Andréa Mantovani

© Andréa Mantovani

Explorez
Focus #81 : l’autodéfense écologique selon Chloé Azzopardi 
06:05
Focus #81 : l’autodéfense écologique selon Chloé Azzopardi 
C’est l’heure du rendez-vous Focus ! Au cœur du secteur Émergence de Paris Photo, Chloé Azzopardi dévoile, du 13 au 16 novembre 2025, Non...
Il y a 4 heures   •  
Écrit par Lou Tsatsas
La sélection Instagram #531 : dans le brouillard
© Francesco Topino / Instagram
La sélection Instagram #531 : dans le brouillard
Le ciel s’assombrit, les températures chutent. La vision se brouille. Alors que l’automne nous enveloppe dans une brume quotidienne, les...
04 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Pooya Abbasian remporte la 3e édition du prix Art & Environnement
Oxalis (détail), 2024 © Pooya Abassian
Pooya Abbasian remporte la 3e édition du prix Art & Environnement
Lee Ufan Arles et la Maison Guerlain ont annoncé hier, à la Guerlain Academy, le nom du troisième lauréat de leur prix Art &...
08 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
La sélection Instagram #527 : l'être-nature
© Tetsuo Kashiwada / Instagram
La sélection Instagram #527 : l’être-nature
Trop souvent l’être humain s’est pensé extérieur au monde naturel. Capitalisme et mondialisation en sont en partie responsables. Si la...
07 octobre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Focus #81 : l’autodéfense écologique selon Chloé Azzopardi 
06:05
Focus #81 : l’autodéfense écologique selon Chloé Azzopardi 
C’est l’heure du rendez-vous Focus ! Au cœur du secteur Émergence de Paris Photo, Chloé Azzopardi dévoile, du 13 au 16 novembre 2025, Non...
Il y a 4 heures   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Paris Photo 2025 célèbre la photographie au Grand Palais
© Chloé Azzopardi / Fisheye Gallery
Paris Photo 2025 célèbre la photographie au Grand Palais
Du 13 au 16 novembre 2025, les yeux des amateurs de photographie seront tournés vers Paris Photo. La foire internationale se tiendra de...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Laura Menassa : Beyrouth comme corps et paysage
© Laura Menassa
Laura Menassa : Beyrouth comme corps et paysage
Entre journal intime visuel et témoignage collectif, le travail de Laura Menassa explore la fragilité et la résilience au cœur de...
04 novembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
La sélection Instagram #531 : dans le brouillard
© Francesco Topino / Instagram
La sélection Instagram #531 : dans le brouillard
Le ciel s’assombrit, les températures chutent. La vision se brouille. Alors que l’automne nous enveloppe dans une brume quotidienne, les...
04 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger