« In Her Rooms » : journaux intimes de femmes en fleurs

18 janvier 2022   •  
Écrit par Ana Corderot
« In Her Rooms » :  journaux intimes de  femmes en fleurs

In Her Rooms de Maria Clara Macrì s’impose comme un ouvrage intime de mises à nue lyriques. À travers une série de photographies − accompagnées de poèmes, d’éléments naturels et de textes personnels −, l’autrice italienne clame avec délicatesse la libéralisation des corps, l’acceptation et le besoin primordial de se retrouver avec soi-même.

« Je crois que le journal d’une femme, c’est toujours celui de toutes les femmes ».

C’est en ces mots que Maria Clara Macrì ouvre sa réflexion sur son dernier ouvrage tendre et intimiste In Her Rooms. Pensé à la fois comme « un voyage, un témoignage, une fenêtre ouverte » sur les autres et sur elle-même, le projet de l’artiste italienne se lit comme une ode à soi, un coming out brut et authentique. Une œuvre où chaque femme, et personne se sentant femme est libre de se retrouver, à l’abri, dans sa chambre.

Tout commence de manière instinctive, comme un besoin brûlant de « recueillir des histoires vraies, de donner une image » à toutes les émotions diffuses que Maria Clara Macrì ressentait et notait sur ses « petits carnets ». Elle plonge ainsi dans une quête identitaire et décide de partir seule à la recherche de celles qui composeront plus tard les pages de son livre. De New York à Paris, en passant par Barcelone et Los Angeles, elle parcourt près de neuf pays. De ses rencontres fortuites aux comptoirs de bars ou dans des soirées d’inconnu·e·s, elle prend conscience que l’endroit où elle se sent le mieux n’est autre que sa « room ». 

Grâce à sa lecture parallèle de Une chambre à soi de Virginia Woolf, elle est alors certaine de vouloir faire le « portrait de femmes dans leurs espaces de solitude où elles peuvent se réaliser et être elles-mêmes ». Cette pièce − théâtre des plaisirs naturels et simples − sera le fil conducteur de sa série. Elle le sait, elle l’a toujours rêvé, elle dévoilera dans ce projet des histoires internationales, où une multiplicité de corps, de visages et de sensibilités interviendra.

© Maria Clara Macrì

© Maria Clara Macrì

Un huis clos cathartique

Des décors, des lieux empreints de vibrations et représentatifs des personnes que l’artiste a croisées durant son périple habillent les pages du livre. À chaque femme, sa décoration, ses affinités et ses couleurs. Installées dans leur chambre, seules ou accompagnées, ses modèles − qu’elle considère comme ses « sœurs » − se laissent porter par son objectif bienveillant et par sa façon de voir au-delà du genre, et de percer à jour l’aura.

Prises dans leur nudité subtile, ses sujets sont amenées à se dévoiler sans artifices et avec authenticité. Ce sont du lyrisme et de la douceur qui émanent du calme de ces moments privilégiés. Ici, les vulnérabilités et insécurités sont pleinement accueillies, sans mensonges, jugement, ni ressentiments. Au contraire, les hypersensibilités sont acceptées, voire embrassées. Au sein de ce cocon protégé, à l’abri des regards malveillants et du reste du monde les femmes s’acceptent en liberté. Loin des « attentes et des contraintes sociales », elles étreignent leurs défauts et épousent enfin leur féminité, ce que l’autrice définit comme une « énergie complexe et fluide, parfois impétueuse et sauvage comme la mer et le vent, parfois douce, délicate et fragile. C’est une étreinte, un soin, une créativité et une fantaisie, un sentiment de faire partie de la terre mère. La féminité coexiste aussi et surtout avec la masculinité ».

Peintres, dessinatrices, amoureuses, ambitieuses, émotives, rêveuses, lunaires, adolescentes, mères, abimées… autant de personnalités que la photographe dévoile, avec l’ambition globale de faire émaner leur « beauté essentielle ». Derrière le regard de Maria Clara Macrì, les protagonistes fleurissent au gré de leurs envies. En « constante évolution et révolution », mais définitivement fidèle à elle-même, l’artiste a le don de l’empathie et nous le témoigne avec soin. En tant que lecteur·rice·s nous sommes les invité·e·s d’honneur et spectateur·rice·s de l’épanouissement de ces femmes. Nous rentrons, avec lumière et bénédiction dans leurs pièces sacrées, là où tous leurs secrets sont gardés à jamais.

 

In Her Rooms, Postcart, 208 pages, 40 €. En vente à Paris chez Ofr. et à la nouvelle chambre claire.

 

© Maria Clara Macrì

 

© Maria Clara Macrì© Maria Clara Macrì

 

© Maria Clara Macrì

 

© Maria Clara Macrì© Maria Clara Macrì

 

© Maria Clara Macrì

 

© Maria Clara Macrì© Maria Clara Macrì

 

© Maria Clara Macrì

© Maria Clara Macrì

Explorez
Saint-Valentin : les photographes de Fisheye montrent d’autres visions de l’amour
© Nick Prideaux
Saint-Valentin : les photographes de Fisheye montrent d’autres visions de l’amour
Les photographes de Fisheye ne cessent de raconter, par le biais des images, les préoccupations de notre époque. Parmi les thématiques...
14 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Dans les songes dionysiaques de Hui Choi
© Hui Choi. The Swan's Journey.
Dans les songes dionysiaques de Hui Choi
Le photographe chinois Hui Choi traduit les contradictions des émotions humaines en images empreintes de lyrisme. S’inspirant de la...
14 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
13 séries photo qui offrent une vision moins idyllique de l’amour
© Nolwen Michel
13 séries photo qui offrent une vision moins idyllique de l’amour
Si les relations amoureuses font rêver les plus romantiques d’entre nous, pour d’autres, elles évoquent des sentiments bien moins joyeux....
13 février 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
La sélection Instagram #493 : aimer l'amour
© Giovanni Mourin / Instagram
La sélection Instagram #493 : aimer l’amour
Romance, amitié, famille, notre sélection Instagram de la semaine célèbre l’amour sous toutes ses formes, sous toutes ses expressions et...
11 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
Kara Hayward dans Moonrise Kingdom (2012), image tirée du film © DR
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
L'univers de Wes Anderson s'apparente à une galerie d'images où chaque plan pourrait figurer dans une exposition. Cela tombe à pic : du...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Cassandre Thomas
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
© Aletheia Casey
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
À travers A Lost Place, Aletheia Casey matérialise des souvenirs traumatiques avec émotion. Résultant de cinq années de travail...
21 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Javier Ruiz au rythme de Chungking
© Javier Ruiz
Javier Ruiz au rythme de Chungking
Avec sa série Hong Kong, Javier Ruiz dresse le portrait d’une ville faite d’oxymores. Naviguant à travers le Chungking Mansions et les...
21 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
© Karim Kal
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
Le photographe franco-algérien Karim Kal a remporté le prix HCB 2023 pour son projet Haute Kabylie. Son exposition Mons Ferratus sera...
20 février 2025   •  
Écrit par Costanza Spina