Jusqu’au 28 septembre 2025, le festival Portrait(s) accueille une rétrospective d’Isabel Muñoz, grande figure de la photographie espagnole, à Vichy. Corps hybrides, tirages au platine et récits d’altérité composent une œuvre sensible et puissante. Le parcours s’étend jusqu’à l’esplanade du lac avec une exposition en plein air.
À Vichy, la photographie prend corps, au sens propre comme au figuré. Pour sa nouvelle édition, Portrait(s) investit les murs de l’ancien établissement thermal avec une rétrospective saisissante consacrée à Isabel Muñoz, figure majeure de la photographie espagnole. À ses côtés, le festival déploie un parcours sensible et pluriel, fidèle à son ADN. Meyer invite une trentaine de Vichyssoises à « léviter » dans les cieux de la ville, pour un hommage poétique aux rêves suspendus, avec une série titrée Les rêves des femmes volantes. Namsa Leuba, avec son approche flamboyante, célèbre la diversité culturelle des étudiant·es du CAVILAM-Alliance française, venu·es du monde entier. Patrick Tourneboeuf, lui, poursuit sa mise en lumière du patrimoine européen avec un regard élégant porté sur Karlovy Vary, cité thermale de République tchèque.
Le festival poursuit aussi sa mission de transmission, essentielle depuis sa création. À travers des ateliers en milieu scolaire, des cartes blanches sonores comme La voix du regard ou encore le dispositif Des mots pour voir, les images entrent en résonance avec les récits du territoire. Cette année, les habitant·es de Vichy livrent leur lecture des œuvres de Valérie Jouve, dans une captation sensible et collective. « Nous voulons que chaque image soit une rencontre, un moment partagé, affirme Fanny Dupêchez, directrice du festival. Portrait(s) n’est pas qu’un espace d’exposition : c’est un lieu de conversation entre les artistes, les publics et les villes. » Pour la directrice artistique, Portrait(s) n’est pas un simple festival de photographie. C’est un manifeste vivant pour une esthétique de l’attention, une éthique du regard. Un lieu où l’on se rencontre, à travers les images, les sons, les voix. Et où, peut-être, on se transforme un peu soi-même.
Isabel Muñoz : la dignité du vivant sous toutes ses formes
Avec La Main gauche de la nuit, Vichy propose un regard d’ampleur sur le parcours d’Isabel Muñoz, à travers plus de 80 œuvres qui traversent quatre décennies de création. De ses premières images captées en Espagne dans les années 1980 à ses plus récentes recherches autour des corps technologiquement modifiés, l’exposition dévoile une œuvre habitée par les tensions du désir, de l’isolement et de la transformation. En choisissant le titre d’un roman d’Ursula K. Le Guin, elle affirme aussi son inscription dans un imaginaire visionnaire, où les frontières de l’identité et du genre sont sans cesse redéfinies. Le lien qu’Isabel Muñoz tisse avec celles et ceux qu’elle photographie est d’une intensité rare, mêlant force expressive et profonde écoute. Pour François Cheval, co-commissaire, elle révèle « une forme de beauté qui ne craint ni la douleur, ni le vertige ».
L’exposition est une immersion puissante dans plus de trente ans d’un travail viscéral, charnel, traversé par les enjeux du corps, du genre et de l’altérité. « Isabel Muñoz n’enferme jamais ses sujets, elle les révèle, explique Fanny Dupêchez. Ce qu’elle donne à voir, c’est la dignité du vivant sous toutes ses formes, dans un dialogue constant entre puissance et vulnérabilité. » Photographe de l’intime et du politique, Isabel Muñoz livre un véritable manifeste visuel. Tirages au platine, corps en mutation, êtres cyborgs et danses ancestrales composent une œuvre futuriste, grave et libre. « Ce sont des œuvres qui portent une mémoire, une vibration unique. Elles ne se contentent pas de représenter : elles incarnent », souligne la directrice du festival.