Jan Groover : renouveler l’éphémère

29 novembre 2022   •  
Écrit par Ana Corderot
Jan Groover : renouveler l’éphémère

Après quelques mois de travaux, la Fondation Henri Cartier-Bresson ouvre les portes d’un nouvel espace au sous-sol. En parallèle, Jan Groover, Laboratoire des formes, une rétrospective inédite sur l’artiste américaine est dévoilée. Virée dans un univers surréaliste où rien n’est laissé au hasard. Une exposition à découvrir jusqu’au 12 février 2023.

La Fondation s’agrandit ! Après l’annonce de l’arrivée de Clément Chéroux – nouveau directeur – un espace de 100 m2 situé au sous-sol s’ouvre au public. À l’occasion de son inauguration, le Tube présente une exposition des travaux de Martin Parr et d’Henri Cartier Bresson sur l’Angleterre des années 1960 et celle d’aujourd’hui. Accompagnée d’un court-métrage avec des interventions d’Henri Cartier Bresson, et d’un beau livre, Réconciliation, Henri Cartier-Bresson et Martin Parr est un véritable exercice de style. Mettant en regard deux écritures divergentes, elle dévoile pour autant des images assez similaires dans le ton et le sujet.

Après ce détour liminaire et documentaire, le passage s’impose dans l’espace du Cube, où une rétrospective inédite sur Jan Groover est accueillie. Artiste américaine décédée en 2012, Jan Groover a eu un impact considérable sur « la reconnaissance de la photographie couleur ». Retraçant toutes les évolutions de l’artiste, l’exposition présente des épreuves vintages en noir et blanc et en couleurs, ainsi que des carnets préparatoires et quelques Polaroïds. Rendue possible grâce à la donation des archives de l’artiste à Photo Élysée en 2017, Jan Groover, Laboratoire des formes, nous projette dans les élans créatifs d’une artiste singulière.

© Jan Groover / Photo Elysée Fonds Jan Groover© Jan Groover / Photo Elysée Fonds Jan Groover

© Jan Groover / Photo Elysée Fonds Jan Groover

Un art essentiel

« Tout est à réinventer. »

Tel un leitmotiv, ces quelques mots résonnent tout au long de l’exposition. Diplômée d’arts plastiques, Jan Groover s’est progressivement tournée vers le médium photographique pour créer un univers hybride. De ses premiers diptyques, en passant par ses polyptyques en couleurs, jusqu’à ses natures mortes picturales, l’exposition file à mesure que les images s’assemblent et se disloquent. Dans ce choeur photographique à la sensibilité profonde, une obsession pour les choses se dessine. D’abord le va-et-vient des voitures, puis les ustensiles de cuisine, et enfin les corps et le vivant. Désireuse d’approfondir ses créations, de creuser les sujets qu’elle observe pour en dévoiler toutes leurs potentialités, Jan Groover façonne un visuel didactique, une sorte de sémantique du détail. Embarqué·e·s dans cette recherche conceptuelle de l’environnement, on se plaît à jouer au jeu des sept erreurs, à déceler les différences, à capter l’absence d’un élément ou sa disparition au profit d’un autre.

À l’instar de l’artiste qui « fabrique sa propre vision », nos interprétations subjectives sont les bienvenues. Le regard s’attarde sur la minutie de ses peintures photographiques, ou sur ses vanités délicates. Puisqu’en effet, chez Jan Groover la nature morte réveille et révèle le passage de la vie ou de celle d’existences invisibles. Des traces de doigts sur une pelle à tarte, une louche recouverte de plantes exotiques, des mains qui s’effleurent et se touchent avec pudeur, un chat étendu au milieu de légumes verts… L’artiste laisse un espace considérable à la tendresse, et cherche à multiplier les procédés de création. Fruit d’un imaginaire surréaliste, et d’un travail expérimental, ses compositions minutieuses revendiquent son influence majeure sur l’art pictural au sein du 8e art. Polyvalente et curieuse, Jan Groover a fait de son quotidien un laboratoire de créativité, et a conféré à l’éphémère le droit de se réinventer.

 

© Jan Groover / Photo Elysée Fonds Jan Groover

 

© Jan Groover / Photo Elysée Fonds Jan Groover© Jan Groover / Photo Elysée Fonds Jan Groover

 

© Jan Groover / Photo Elysée Fonds Jan Groover

 

© Jan Groover / Photo Elysée Fonds Jan Groover

 

© Jan Groover / Photo Elysée Fonds Jan Groover© Jan Groover / Photo Elysée Fonds Jan Groover

© Jan Groover / Photo Elysée Fonds Jan Groover

Explorez
La sélection Instagram #471 : oiseaux de nuit
© Gardner Mounce / Instagram
La sélection Instagram #471 : oiseaux de nuit
Dans notre sélection Instagram de la semaine, les artistes s’aventurent au plus profond de la nuit. Ciels étoilés, rues éclairées, danses...
10 septembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
J’aime la vie : l’ode à la légèreté de Tropical Stoemp
© Patrick Lambin
J’aime la vie : l’ode à la légèreté de Tropical Stoemp
Le 6 septembre est sorti le nouveau numéro de la revue photo collaborative Tropical Stoemp, créée par les éditions Le Mulet. Un opus...
07 septembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Les souvenirs occasionnels de Tatjana Danneberg 
© Tatjana Danneberg
Les souvenirs occasionnels de Tatjana Danneberg 
Pour la première fois en France, la Maison européenne de la photographie accueille Something Happened, une exposition de l'artiste...
06 septembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Nika Sandler : amitié et boules de poils
© Nika Sandler. My Nonhuman Friends.
Nika Sandler : amitié et boules de poils
Dans son livre auto-édité My Nonhuman Friends, Nika Sandler et ses chats se partagent la narration d’une histoire d’amitié. Leur dialogue...
06 septembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Winning africa : frères de sueur
© Guillaume Landry
Winning africa : frères de sueur
Loin des clichés, Guillaume Landry, photographe professionnel depuis 2005, fait émerger des corps en mouvement, des corps au sport. Avec...
14 septembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Joanna Piotrowska mêle l’étrange à la mémoire de l’intime
© Joanna Piotrowska, courtesy of the artist and Marian Goodman Gallery
Joanna Piotrowska mêle l’étrange à la mémoire de l’intime
Jusqu’au 5 octobre 2024, la Galerie Marian Goodman consacre une exposition à Joanna Piotrowska dans son espace parisien du 66, rue du...
13 septembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Dans Fisheye, les photographes japonais·es écrivent des histoires au féminin
© Sakiko Nomura
Dans Fisheye, les photographes japonais·es écrivent des histoires au féminin
Enjeux sociétaux, crise environnementale, représentation du genre… Les photographes publié·es sur Fisheye ne cessent de raconter, par le...
13 septembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
The Season : Giulia Vanelli et l’étrangeté des lieux familiers
© Giulia Vanelli
The Season : Giulia Vanelli et l’étrangeté des lieux familiers
Quelque part dans un village côtier de la Méditerranée, la photographe italienne Giulia Vanelli nous invite à prendre une dernière pause...
13 septembre 2024   •  
Écrit par Agathe Kalfas