Des figures fantomatiques se succèdent, dans des photographies mystérieuses, mélangeant réel et imaginaire. Un monde monochrome fait d’ombres et de formes étranges. C’est l’univers photographique de Jean-Michel Fauquet, « le voyageur immobile », exposé à la Galerie Rouge jusqu’au 24 février.
L’œuvre de Jean-Michel Fauquet ne cesse de captiver, de par sa recherche obstinée autour de l’humain et de ses errances. Hypnotique et parfois inquiétant, son univers oblige à se tourner vers l’intérieur, vers l’inconscient. Jusqu’au 24 février, la Galerie Rouge accueille une rétrospective de l’œuvre de l’artiste, intitulée Le Voyageur Immobile. En effet, tout dans l’approche du photographe semble inciter au voyage, alors même que toutes ces mises en scène se déroulent dans l’espace exigu de son atelier. Par l’image photographique, l’artiste traverse la condition humaine et décrit ses errances. L’exposition, néanmoins, ouvre une fenêtre sur le travail de dessin et de sculpture, mais aussi de prise de vue, qui précède la photographie : autant d’étapes de création qui viennent accompagner la construction d’une œuvre et d’un monde. Ces structures en carton, que Fauquet s’emploie par la suite à photographier, font office de scènes de théâtre de décors énigmatiques. « Artiste inclassable, Jean-Michel Fauquet est une figure solitaire qui, depuis plus de quarante ans, s’emploie à faire émerger de l’ombre un monde imaginaire, écrivent les autrices et critiques d’art Coline Olsina et Agathe Cancellieri. De cette œuvre obscure, située entre rêve et cauchemar, surgit un univers parallèle, une réalité alternative. Celle d’un monde intérieur peuplé de ces visions étranges qui habitent en chacun de nous et que l’artiste fait apparaitre à la surface du tirage. »
Effacer l’effet photographique
« S’il y a de l’invisible dans le monde, comment trouver une forme pour l’incarner ? » écrit Jean-Michel Fauquet dans l’un de ses carnets. Dans ses créations, il tente de répondre à cette question, en donnant vie à des compositions qui allient sculpture, dessin et photographie. L’image photographique est, selon le photographe, bien trop factuelle pour incarner ce que l’on ne peut pas voir et il faut ainsi la détourner, la composer et la flouter pour qu’elle parvienne à ce but. Chacune de ses images est le fruit d’un long processus. « Ce qui est primordial pour moi, c’est d’effacer l’effet photographique, effacer ce que la photographie nous donne de trop visible, de trop réel » explique-t-il. Et pour « effacer » le réalisme de la photographie, l’artiste élabore un grand travail préparatoire, sur croquis. C’est au cœur de « cet espace intime le plus profond » qu’il donne vie aux personnages et aux figures fantomatiques qui peuplent ses mises en scène. Pour lui, le processus compte autant que la photographie finale. Pour parvenir à l’ultime transfiguration de la photographie, il lui faut « tuer l’image » afin de l’entrouvrir aux « mystères de l’invisible ». Comme l’expliquent Coline Olsina et Agathe Cancellieri, « le tirage est ainsi longuement retravaillé, rehaussé au crayon, à l’encre ou à l’huile avant d’être patiné à la cire pour en faire ce qu’il appelle des “estampes” ». Le photographe ne fournit aucune interprétation littérale des images. Libre à nous, les spectateurices, de laisser nos souvenirs se promener jusqu’aux recoins les plus insolites et insoupçonnés de notre inconscient, à la recherche d’un « temps primitif, lointain, comme si ces images provenaient d’une longue tradition orale transmise de génération en génération ».