Alors que les cinémas sont à peine sortis des ténèbres, le film Tout simplement noir de Jean-Pascal Zadi et John Wax a ramené une partie du public dans les salles obscures. En coulisse, Fisheye rembobine la trajectoire singulière du réalisateur au plus proche de lui. Cet article, rédigé par Camille Moulonguet, est à retrouver dans le dossier de notre dernier numéro.
Pour un self-made-man, toutes les occasions d’apprendre sont bonnes. La formation au cinéma de Jean-Pascal Zadi a commencé très tôt… dans le salon familial. Premier enfant d’une famille arrivée de Cote d’Ivoire, Jean-Pascal voit le jour à Bondy (Seine-Saint-Denis) en 1980. Pour ses parents, la France est un nouvel environnement auquel ils doivent s’adapter, intégrer les codes au plus vite même s’ils n’ont pas encore tout à fait conscience des classes sociales et de leurs plafonds de verre. C’est un nouveau départ avec un destin à construire, et les frères et les sœurs qui agrandissent la fratrie. Le dimanche soir, au milieu des cris d’enfants et des soucis des parents, Jean-Pascal Zadi découvre la magie du cinéma dans le poste de télévision. Le film commence, les problèmes s’évanouissent, le salon devient calme et chacun se serre l’un contre l’autre. La famille regarde la même histoire que partage la France entière au même moment. Belmondo, ses cascades et ses plaisanteries, fascine le jeune garçon, tout comme Eddie Murphy.
Ces moments de joie s’inscrivent dans la saga familiale, alimentée par les nombreuses cassettes VHS qu’on enregistre et qu’on se repasse sans fin, et celles venues de Cote d’Ivoire avec les Guignols d’Abidjan. Cette communion autour du cinéma populaire marquera durablement le jeune Jean-Pascal. Et puis le cinéma, c’est aussi l’accès à la connaissance et à l’histoire. Comme celle de l’esclavage à travers la série Racines, adaptée du roman d’Alex Haley, ou du film Crying Freeman, de Christophe Gans. Le 7e art célèbre aussi les cultures, comme dans Bal Poussière du réalisateur ivoirien Henri Duparc, qui rejoint les classiques familiaux, entre fascination pour les enfants et nostalgie pour les parents.
© Louis Adrien Le Blay
Jouer collectif
Plus tard, Jean-Pascal se passionne pour le football, il jouera même en équipe nationale des moins de 15 ans. Il apprend l’importance d’une équipe, l’intérêt de jouer collectif. Un peu comme au cinéma où la réussite d’un film tient à l’importance de chaque poste: image, son, décoration, costume, maquillage, montage, réalisation… Puis c’est le rap qui mène la danse et conduit le jeune homme vers de nouvelles aventures. Il découvre Tupac Shakur et comprend qu’il peut s’exprimer à travers des mots qui lui correspondent. Le combat continue, l’album du groupe de rap Idéal J, montre que c’est possible aussi en France, alors avec son cousin et un ami, il fonde son propre groupe, La cellule. Le rap indépendant implique d’écrire ses textes, d’enregistrer ses morceaux, de faire ses clips, de presser des CD… Jean-Pascal est un pur produit de cette culture où tout se fait en apprenant par soi-même. Le rap, c’est la découverte que l’on peut tout faire soi-même, ce qu’il transposera de la musique au cinéma, et qui constitue un moment charnière de son parcours.
Avec sa double casquette de footballeur et de rappeur, Jean-Pascal Zadi s’attèle à une nouvelle conquête : la réalisation, qu’il abord par les clips musicaux, mais très vite il produit ses propres films « comme on produirait un album de rap ». Il est dans son élément puisque Des halls aux bacs, son premier documentaire en 2006, parle du rap indépendant. Les films Cramé, en 2008, African Gangster, en 2010, et Sans pudeur ni morale, en 2011, sont vendus par le distributeur de musique Musicast, et présentés aux côtés des CD dans les rayons rap. La musique et le cinéma sont imbriqués dans ses premiers films aux bandes-son hypertrophiées, où les rappeurs sont des acteurs : Seth Gueko dans Cramé, Alpha 5.20 dans African Gangster. Et puis Sans pudeur ni morale marque une première collaboration avec le musicien Christophe Chassol. C’est à cette époque qu’il crée sa propre structure, Douze doigts productions, pour tourner ses films.
Cet article est à retrouver en intégralité dans Fisheye #43, en kiosque et disponible ici.
Photo : John Wax © 2020 GAUMONT / C8 FILMS
© Louis Adrien Le Blay
© Louis Adrien Le Blay
© Louis Adrien Le Blay
© 2020 GAUMONT / C8 FILMS
Image d’ouverture : © Louis Adrien Le Blay