Jens Juul : « Six degrees of Copenhagen »

22 octobre 2020   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Jens Juul : « Six degrees of Copenhagen »

Portrait de ville ? C’est ce que semble indiquer le titre, énigmatique, Six Degrees of Copenhagen. Depuis 2011, le Danois Jens Juul s’est consacré à photographier des individus, de tous sexes et de tous âges, dans sa ville, Copenhague. Cet article, signé Christian Caujolle, est à retrouver dans notre dernier numéro.

Généralement seuls, parfois à deux, le second pouvant être un animal. Jens Juul a inventé un titre qui se fonde sur la théorie, développée dans les années 1930 par l’écrivain, philosophe et poète hongrois Frigyes Karinthy selon laquelle il suffirait de cinq intermédiaires pour que deux personnes soient mises en relation. Reprise et développée par le psychologue social américain Stanley Milgram, cette analyse a aidé le photographe à imaginer un dispositif combinant surprise, liberté, et rigueur.

Le photographe aborde ainsi dans la rue, un lieu public, ou un café, une personne qui l’attire ou l’intrigue. Il a envie d’en savoir davantage, se fait suffisamment convaincant pour photographier la personne chez elle, et lui demande de le mettre en relation avec une de ses connaissances pour continuer son enquête. Un travail intense de rencontres, qui durent quelques instants ou plusieurs heures, et aboutiront à chaque fois à la sélection d’une seule image. « Je crois sincèrement que ce qui me rend capable de prendre les photos que je fais, c’est ma capacité – et surtout mon désir ! – de parler, de poser des questions, et d’écouter beaucoup. Rencontrer des gens que je ne connais pas et apprendre à raconter généreusement leur histoire, leur vécu, me touche vraiment. »

Faits de chair, de peau et de poils

Les photographies sont directes, cadrées au scalpel, tranchant dans les corps, les visages, associant bêtes et humains, rappelant l’animalité de l’homme. Contrastées, ne dissimulant rien, terriblement nettes sous l’effet du flash et de tirages implacables, elles ne trichent pas. Elles donnent à voir. Elles obligent à voir que nous sommes faits de chair, de peau et de poils. La nudité n’est en rien séduction – juste nécessité d’acceptation –, elle n’est pas érotique : elle est. Restent des regards, des mains, des gestes esquissés ou appuyés, des chats. De la plénitude des jeunes corps aux flétrissures des épidermes distendus s’impose non une description, mais un état des corps. On imagine l’intensité des rencontres qui doivent être simples. « Vous leur posez des questions, ils vous préparent une tasse de thé. Moi, je suis un touriste dans leur vie », résume le photographe. Un touriste dont les photos souvenirs, à l’intensité noire, nous renvoient non pas à une tradition de la photographie documentaire humaniste et sociale, mais à un questionnement plus profond de la nature humaine et du sens – il y a là un choix éthique, de philosophe – de cette humanité. Comme un écho au voisin suédois Ingmar Bergman « dont le génie cinématographique explique si clairement le désespoir de la vie, la confusion, et finalement l’humanisme existentiel sombre (mais beau) », comme le dit notre explorateur de Copenhague (…)

 

Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #43, en kiosque et disponible ici.

© Jens Juul© Jens Juul

 

 

 

 

© Jens Juul© Jens Juul

© Jens Juul

Explorez
Les photographes montent sur le ring
© Mathias Zwick / Inland Stories. En jeu !, 2023
Les photographes montent sur le ring
Quelle meilleure façon de démarrer les Rencontres d’Arles 2025 qu’avec un battle d’images ? C’est la proposition d’Inland Stories pour la...
02 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Volcan, clip musical et collages : nos coups de cœur photo d’août 2025
© Vanessa Stevens
Volcan, clip musical et collages : nos coups de cœur photo d’août 2025
Expositions, immersion dans une série, anecdotes, vidéos… Chaque mois, la rédaction de Fisheye revient sur les actualités photo qui l’ont...
29 août 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Contenu sensible
Focus #80 : Sofiya Loriashvili, la femme idéale est une love doll
06:31
© Fisheye Magazine
Focus #80 : Sofiya Loriashvili, la femme idéale est une love doll
C’est l’heure du rendez-vous Focus ! Alors que sa série Only You and Me se dévoilera prochainement sur les pages de Sub #4, Sofiya...
27 août 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
La sélection Instagram #521 : monstres et merveilles
© Jean Caunet / Instagram
La sélection Instagram #521 : monstres et merveilles
Les monstres, les créatures étranges et hors normes sont souvent associés au laid, au repoussant. Les artistes de notre sélection...
26 août 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Nicole Tung, ultime lauréate du Prix Carmignac !
Diverses espèces de requins, dont certaines sont menacées d'extinction, tandis que d'autres sont classées comme vulnérables, ont été ramenées à terre à l'aube par des pêcheurs commerciaux au port de Tanjung Luar, le lundi 9 juin 2025, à Lombok Est, en Indonésie. Tanjung Luar est l'un des plus grands marchés de requins en Indonésie et en Asie du Sud-Est, d'où les ailerons de requins sont exportés vers d'autres marchés asiatiques, principalement Hong Kong et la Chine, où les os sont utilisés dans des produits cosmétiques également vendus en Chine. La viande et la peau de requin sont consommées localement comme une importante source de protéines. Ces dernières années, face aux vives critiques suscitées par l'industrie non réglementée de la pêche au requin, le gouvernement indonésien a cherché à mettre en place des contrôles plus stricts sur la chasse commerciale des requins afin de trouver un équilibre entre les besoins des pêcheurs et la nécessité de protéger les populations de requins en déclin © Nicole Tung pour la Fondation Carmignac.
Nicole Tung, ultime lauréate du Prix Carmignac !
La lauréate de la 15e édition du Prix Carmignac vient d’être révélée : il s’agit de la photojournaliste Nicole Tung. Pendant neuf mois...
Il y a 3 heures   •  
Écrit par Lucie Donzelot
RongRong & inri : « L'appareil photo offre un regard objectif sur le sentiment amoureux »
Personal Letters, Beijing 2000 No.1 © RongRong & inri
RongRong & inri : « L’appareil photo offre un regard objectif sur le sentiment amoureux »
Le couple d’artiste sino‑japonais RongRong & inri, fondateur du centre d’art photographique Three Shadows, ouvert en 2007 à Beijing...
04 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les expositions photo à ne pas manquer en 2025
Sein und werden Être et devenir. FREELENS HAMBURG PORTFOLIO REVIEWS © Simon Gerliner
Les expositions photo à ne pas manquer en 2025
Les expositions photographiques se comptent par dizaines, en France comme à l’étranger. Les artistes présentent autant d’écritures que de...
03 septembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Les Femmes et la mer : mondes liquides
© Louise A. Depaume, Trouble / courtesy of the artist and festival Les Femmes et la mer
Les Femmes et la mer : mondes liquides
Cette année, le festival photographique du Guilvinec, dans le Finistère, prend un nouveau nom le temps de l'été : Les femmes et la mer....
03 septembre 2025   •  
Écrit par Milena III