Jeux de mains aux Douches La Galerie

21 mai 2021   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Jeux de mains aux Douches La Galerie

Jusqu’au 31 juillet, Les Douches La Galerie présente L’éloge de la main, exposition collective faisant honneur à un sujet photographique récurrent. Entre visions réalistes et projections hallucinatoires, l’événement révèle la richesse symbolique de cette partie du corps.

Représentation charnelle, membre sensuel, symbole de liberté, outil de communication… La main fascine les artistes. Peintres, sculpteurs, poètes vantent sa forme et les métaphores qu’elle inspire. Dans le 8e art, la main ancre d’abord les portraits dans le réel – car lorsqu’ils ouvrent leurs premiers ateliers, les photographes ont pour seules références les toiles des maîtres, et la partie du corps s’impose comme un détail permettant, en plus du visage, d’individualiser chaque cliché. Au fil des années, le motif, pourtant, perdure, et se charge d’autres significations. Imaginée en plusieurs chapitres – La main créatrice, La main fantasmagorique, La main communicante, La main sensuelle, La main chimérique et La main portrait – l’exposition accueillie par Les Douches La Galerie en révèle certaines. Un ensemble donnant à voir la diversité du motif, des années 1920 jusqu’à aujourd’hui.

Initiée il y a environ deux ans, L’éloge de la main a été construite grâce au fonds photographique de la galerie. « Dans la collection d’œuvres, le sujet était développé chez de nombreux photographes, de manières très différentes, précise Françoise Morin, directrice des Douches. Il s’agit d’un thème presque facile à décliner, c’est pourquoi chaque image doit être forte. »

© Estate Jean-Philippe Charbonnier / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

© Estate Jean-Philippe Charbonnier / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

Comme une série d’échos

Des empreintes de mains sur une porte, évoquant l’art pariétal (les peintures préhistoriques réalisées par l’Homme sur les parois des grottes) à la représentation d’une main déshumanisée, animée par la machine, en passant par la photographie d’œuvre d’art – ici le détail d’une sculpture de Rodin – révélant la main de Dieu, l’exposition joue avec nos sens et nous guide au cœur d’un récit aux multiples lectures. Quatre portraits de Bruce Wrighton font des mains des signes distinctifs, révélateurs de l’état d’âme des sujets. Dans ses images, ces derniers joignent leurs doigts, peu assurés face à l’objectif. Une collection dialoguant avec des clichés de Sabine Weiss, capturant des mains nouées dans le dos, devenues elles-mêmes sujets à part entière de l’artiste. Plus loin, au cœur d’un triptyque – l’une des rares touches colorées de l’accrochage – Arlene Gottfried parvient à saisir des étreintes, des moments de tendresses guidés par les mains des personnages, et fait de ces membres des acteurs initiateurs du geste affectif.

Val Telberg joue avec la double exposition pour donner à la partie du corps une dimension dramatique, dans un cliché évoquant le cinéma expressionniste allemand. Pierre Boucher, quant à lui, arrache le bras à son corps pour le représenter, figure surréaliste et inquiétante, flottant dans l’eau. Une image fantasmagorique, plongeant le visiteur dans le monde des rêves. André Steiner, Roger Catherineau ou encore Thierry Balanger dématérialisent eux aussi la main, symbole, pour la photographie surréaliste, d’une psyché libérée, se jouant de la logique. Une figure reprise par le poète André Breton : « Je pris cette main dans la mienne : l’élevant à mes lèvres, je m’aperçus qu’elle était transparente, et qu’au travers on voyait le grand jardin où s’en vont vivre les créatures divines les plus éprouvées » (Poisson soluble, 1924). Passage obligé pour tout apprenti créateur, motif classique de l’art du portrait, ou portail vers toutes les expérimentations, la main se démultiplie, au cœur de la scénographie. Pièce maîtresse ou vision hallucinatoire, elle passe de cadre en cadre et se transforme sous nos yeux. Comme une série d’échos tantôt réalistes tantôt abstraits, L’éloge de la main reprend ce sujet mythique pour mieux révéler sa pluralité.

 

L’éloge de la main

Jusqu’au 31 juillet 2021

Les Douches la Galerie, 5 rue Legouvé, 75010 Paris

© Ernst Haas Estate / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

© Ernst Haas Estate / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

© Estate of Bruce Wrighton / Courtesy Les Douches la Galerie, ParisRoger Schall © Madame Schall / Courtesy les Douches la Galerie

© à g. Estate of Bruce Wrighton, à d. Roger Schall / Madame Schall / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

Hervé Guibert © Christine Guibert / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

Hervé Guibert © Christine Guibert / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

Denise Bellon / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris© Estate of John Baldessari / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

© à g. Denise Bellon, à d. Estate of John Baldessari / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

© Val Telberg Estate / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

© Val Telberg Estate / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

Pierre Boucher © Jean-Louis Boucher / Courtesy Les Douches la Galerie, ParisAndré Steiner © Nicole Steiner Bajolet / Courtesy les Douches la Galerie

© à g. Pierre Boucher / Jean-Louis Boucher, à d.  André Steiner / Nicole Steiner Bajolet / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

© Arlene Gottfried Estate / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

© Arlene Gottfried Estate / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

Image d’ouverture : © Arlene Gottfried Estate / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

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