« Ce n’est pas une copie du clip, mais plutôt une réponse, une prolongation. Comme si l’on entrait dans l’état mental qu’il provoque, comme si on le regardait les yeux fermés. »
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de Jonathan Chandi, photographe autodidacte belge. L’artiste réinterprète avec une grande délicatesse et une vision novatrice des clips musicaux depuis sa campagne natale. Ici, il revisite, dans un camaïeu de bleu dilué, Hundred Reasons, du rappeur sud-coréen HAON et nous baigne dans les méandres mentaux des sentiments qui se jouent dans la vidéo originelle.
Tout est parti d’un défi initié par @cquoilesbaye en 2024 : le Netflix Art Challenge. L’objectif était de réinterpréter un film de manière visuelle dans un délai imparti. « Cela nous a stimulés, remis dans une ambiance d’exploration libre, sans pression », soutient Jonathan Chandi, photographe autodidacte qui s’est formé durant le confinement, et qui aujourd’hui vit de son art. Inspiré par ce concept créatif, il décide de se l’approprier en y incorporant sa propre touche : réinterpréter les clips, les défilés ou les campagnes de mode. « J’en ai fait un format régulier sur ma page Instagram, une sorte de laboratoire visuel où je teste des idées, des atmosphères, des directions artistiques. À chaque fois, je pars d’un détail, d’un plan ou d’un son qui me parle, puis je déconstruis, je transforme, je réinvente », explique-t-il. S’affranchissant des règles, il expérimente à la retouche, jouant sur les déformations, les textures, les effets, la lumière ou les couleurs, et dévoile des tableaux oniriques, qui semblent tout droit sortis d’un monde parallèle.
Fragments d’émotions
« Ces images sont des réinterprétations libres du clip Hundred Reasons, de HAON, un rappeur sud-coréen que je suis depuis ses débuts. J’ai échangé avec lui et il m’a laissé carte blanche. Il est souvent surpris de ce que je fais de ses vidéos musicales. C’est ce dialogue créatif qui me motive, car on s’approche petit à petit d’une future collaboration.
Le clip original est posé, introspectif, presque cinématographique. On y ressent une grande pudeur émotionnelle, une tension retenue et des silences qui en disent long. C’est une œuvre visuelle à la fois brute et poétique. Mais mes images prennent un autre chemin. J’ai voulu capter des fragments d’émotions, des instants suspendus, les détachant de toute narration. Les visages sont flous, les silhouettes se diluent dans les textures troubles et granuleuses. Ce n’est pas une copie du clip, mais plutôt une réponse, une prolongation. Comme si l’on entrait dans l’état mental qu’il provoque, comme si on le regardait les yeux fermés.
Je l’imagine comme une fusion entre l’univers de HAON et le mien. Je ne l’illustre pas, je l’interprète. Je ne cherche pas la clarté, je suis à la poursuite des sensations et des émotions. Ce flou, cette lenteur, cette mélancolie sourde, c’est ma manière de traduire ce que ses images déclenchent en moi. Ce genre de travail n’est pas seulement un exercice de style. Il me permet de proposer autre chose, d’ouvrir une nouvelle dimension à une œuvre déjà existante. »