Dans les images et les peintures de Juan Borgognoni, l’histoire se dessine au fil de ses inspirations. Avec créativité, il invente des contes fabuleux se voulant proches de notre réalité.
Artiste indépendant, photographe de mode, peintre amateur et fervent défenseur de l’art conceptuel, Juan Borgognoni vagabonde entre spontanéité et perfectionnisme. En faisant dialoguer ses origines latino-américaines et européennes au sein de son œuvre, il tente de dévoiler toute « sa vérité intérieure ». Car dans son approche artistique, l’acte créatif est spirituel. C’est un moment d’accalmie salvateur où le corps semble être en parfaite harmonie avec l’esprit. « Mon univers photographique est un amas d’idées, de sensations qui fusent au moment même où je réalise mes œuvres. La créativité me guérit. C’est quelque chose de très instinctif qui exige tout de même un voyage vers l’intérieur. Le médium photographique fait le pont entre mon intellect et mon cœur. C’est un dialogue perpétuel avec l’extérieur », explique-t-il. Conçues comme des extensions de son imaginaire foisonnant, ses créations photographiques et picturales se lisent comme des contes pop et rocambolesques, théâtres d’émotions pures.
La théâtralité de la réalité
Dans ses images aux couleurs chatoyantes, Juan Borgognoni nous raconte des histoires inventées, parfois inspirées de celles de ses amies ou encore d’expériences personnelles. Malgré une technique et un processus artistique s’approchant de la perfection, le photographe laisse une place primordiale à l’impromptu, comme un acteur sur une scène ouverte. « Dans mon travail personnel, j’improvise beaucoup. Parfois, les idées me viennent d’histoires que quelqu’un m’a racontées. D’autres fois, l’inspiration émane d’un endroit qui a attiré mon attention, ou bien elle provient de la relation que j’entretiens avec les objets. D’une certaine manière, ce sont eux qui me dictent le chemin des images. Ils sont pareils à des autels dans lesquels j’organise mes pensées », dévoile-t-il.
Et dans cet espace libre d’inventions, les protagonistes de ses images se mettent en scène en se fondant dans des rôles bien écrits. Ici, les moues et visages semblent exagérés, parfois grimés, mais tentent néanmoins de dévoiler leur propre vérité. Selon l’auteur, chaque image est un miroir faussement stéréotypé de notre réalité. « J’aime nommer le concept de mes images : “théâtralité de la réalité”. Ces photos vous proposent des morceaux de récits, aussi bien humains que culturels ou universels », ajoute-t-il. C’est notamment la sensation qu’un de ses clichés − représentant deux jumelles face à face − lui procure. « Dans leurs yeux, j’ai ressenti de l’extase puisque j’ai compris que nos reflets n’avaient rien à voir avec notre essence, que rien ne nous appartenait vraiment et que notre vision du réel était tout à fait subjective », exprime-t-il. Véritable pratique cathartique, l’art de figer l’instant et les entités prend tout son sens pour Juan Borgognoni – tout comme le dessin.
© Juan Borgognoni
La créativité, envers et contre tous
D’une énergie créatrice inépuisable, l’artiste brille dans diverses disciplines artistiques. Le dessin et la peinture apparaissent comme une continuité de son œuvre, voire comme des fulgurances de son inventivité. « Parfois, j’ai l’impression que la photographie en moi est usée ou brouillée, cela fait de nombreuses années que je crée à partir de ce que je ressens, mais parfois, je pense que l’immédiateté des peintures me garantit beaucoup plus de plaisir, d’authenticité et d’instantané que le 8e art », avoue-t-il. Pareilles à des émanations de son inconscient, ses œuvres picturales se dessinent au gré de ses pulsions sur le pinceau et lui procurent un air de renouveau. Il y a, dans ses compositions peintes, le besoin d’une reconnexion à soi, la nécessité de trouver un équilibre qui se fait sentir. Un élan que Juan Borgognoni concrétise en liant créations picturales et photographiques entres-elles. « Il me semble que je fais des peintures pour dire à mes images comment elles devraient être », ajoute-t-il avec amusement. Comme happé dans un flux continu de production artistique, l’artiste nourrit le feu de sa créativité pour ne jamais le consumer.
© Juan Borgognoni