Dans sa série Playboy series (untilted), Jule Ehlenz s’attaque par le collage à la représentation des femmes dans les magazines masculins. Une manière pour elle de dénoncer, par l’absurde, les diktats du patriarcat.
Jeune artiste de 23 ans, Jule Ehlenz commence la pratique du médium avec le réflex hérité de son grand-père. Étudiante en photographie, elle produit aujourd’hui une matière diverse avec un point d’ancrage : le corps. « L’image corporelle est un sujet particulièrement important pour moi, avec lequel j’ai lutté toute ma vie », confie-t-elle. Or, quel espace plus opposé à cette fragilité que le papier glacé d’un Playboy et leurs cortèges de silhouettes féminines standardisées ? Pour déconstruire – car, comme elle le précise, « de nombreuses histoires ne sont pas racontées, réduites au silence par des tabous ou des normes sociétales » – l’autrice s’est ainsi amusée à mélanger les formes pour juxtaposer les discours jusqu’au grotesque. « Le collage dissout l’objectivation extrême des femmes et souligne de manière critique l’absurdité de ces photographies. Je cherche à extraire l’essence de l’esthétique de la représentation féminine et à la présenter d’une manière plus digne. Pour ce faire, je la retire du contexte cliché et la place dans un nouvel environnement » peut-on lire sur son site internet. Entre avalanche de seins et gravures du 18e siècle, pin-up pissant l’Elbe d’une carte, appositions de regards masculins penchés sur un corps allongé, la série rigole, vocifère, dénonce. Elle tend même, pour ne garder que son discours à l’os, vers l’abstraction. Ainsi cette cage thoracique ornée d’yeux épars, ou cette silhouette dont le dos et les fesses sont remplacés par un visage attentif attrape le·a regardeur·se dans son avidité et lui rappelle qu’une paire de ciseaux peut toujours beaucoup contre son male gaze.