Julie de Sousa capture les étreintes des couples polyamoureux

23 mars 2021   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Julie de Sousa capture les étreintes des couples polyamoureux

Dans Nouvelles amours, Julie De Sousa photographie des relations atypiques, et des corps qui s’enlacent. Une invitation à découvrir une autre intimité, une autre manière d’envisager l’amour.

Polyamoureux, libertins, monogames… Dans les images de Julie De Sousa, les étreintes se veulent singulières. Unis par un filtre monochrome, les corps photographiés s’approchent, s’apprivoisent, s’enlacent, dans une intimité décomplexée, et oublient, l’espace d’un instant, l’objectif et son rôle de témoin. C’est là la finesse de l’autrice parisienne de 26 ans. « J’aime créer un cadre intimiste avec mes sujets, je veux qu’ils se sentent en confiance, comme avec une amie. D’ailleurs, il m’arrive souvent de partir faire des photos et de revenir sans – parce que c’est trop tôt, ou que je ne me suis pas sentie à l’aise », confie-t-elle.

Ancienne danseuse, la photographe a toujours perçu le corps comme « une composante essentielle de l’identité ». Un élément structurant qui influence, détermine notre relation à l’autre, et à l’environnement. « Le corps incarne, exprime, guide, trompe. Il n’est pas qu’une enveloppe qui s’adresse à la sensibilité esthétique, il est également une médiation – la plus naturelle et la plus intime aux émotions », précise-t-elle. Capturant les silhouettes d’ami·e·s, de nouvelles rencontres, ou même la sienne, Julie De Sousa raconte des histoires. Des témoignages charnels où la parole cesse d’exister, pour donner voix au physique.

© Julie De Sousa

Une volonté de vivre librement

Dans Nouvelles amours, la photographe s’intéresse aux couples atypiques, aux relations plurielles – qu’elles soient éphémères ou durables. « Je souhaitais vivre, sans aucun jugement normatif, ces histoires d’amour. Les capturer, loin des caricatures qui leur collent souvent à la peau », explique-t-elle. Fidèle à sa volonté de connaître ses modèles, l’artiste ne précipite jamais la prise de vue. « Je les rencontre principalement sur des groupes Facebook destinés aux PolyA. J’y partage mon projet, et je laisse les intéressés venir vers moi », confie-t-elle. Parmi eux, un couple anonyme libertin de 27 ans, qui se laissent tenter par l’expérience – une première pour eux. Une manière de se dévoiler, et de partager leur vision du couple au public, tout en gardant leur identité secrète. « Je pense que le bonheur réside dans le mien et celui de l’autre. Je le laisse donc vivre et rencontrer les personnes qu’il veut, ensemble ou séparément. La seule limite est l’amour », déclare la jeune femme, après avoir posé pour Julie De Sousa. « J’aime vivre des aventures longues, revoir souvent les personnes et lier des liens forts. Je suis très séducteur avec mes amis, aussi bien avec les hommes qu’avec les femmes. J’aime beaucoup le jeu et la tension que cela apporte. Je ne vois pas le sexe comme une finalité, mais comme un plaisir ajouté à mes relations amicales. J’aime intégrer d’autres gens dans ma relation, autant pour me faire plaisir, que pour contenter ma copine », ajoute son compagnon.

Pour l’autrice, ces confessions sont précieuses. Elles témoignent d’une volonté de vivre librement, tout en respectant l’autre. Une vision du polyamour encore peu diffusée. « Chacun a sa vision de la relation et invente ses propres règles. Pour certains, le lien à(aux) l’autre(s) est primordial, et implique le désir de construire ensemble, mais aussi la jalousie, la peur de perdre l’autre… Pour d’autres, il s’agit d’abord d’une liberté au niveau individuel, qui se pose comme une condition non négociable. Je crois que tout est une histoire de choix. Il ne faut pas voir l’autre comme un frein à sa liberté, mais comme un partenaire pour la conquérir », explique-t-elle.

© Julie De Sousa

Désirer et être désiré·e

Une ouverture d’esprit qui lui permet de s’approcher au plus près de ses sujets. Car durant les prises de vue, les corps ne mentent pas. Nu·e·s, les protagonistes s’adonnent à leur désir, et oublient, l’espace d’un instant, la présence intrusive de l’appareil photo – au point que, parfois, les modèles se laissent emporter par leur envie et passent à l’acte. « La première fois où cela m’est arrivé, ma réaction a été de me diriger vers la porte. Après un moment d’hésitation, je leur ai demandé s’ils voulaient que je sorte, et ils m’ont invitée à rester avec eux dans la chambre », confie la photographe. Voyeuse ou simple témoin ? Pour Julie De Sousa, tout est question d’égalité. En instaurant une confiance dès les premiers instants, sa présence devient presque bénéfique – elle met en lumière les questionnements, les incertitudes, et les plaisirs d’une union.

Mais comment les modèles réagissent ? La prise de vue devient-elle un fantasme ? L’appareil est-il un simple outil permettant de figer l’action, ou devient-il acteur, à part entière, d’une histoire à plusieurs ? « Ce qui m’intéresse, c’est le désir. Le moment où se noue cette émotion érotique. Même lorsque je réalise des autoportraits, j’éprouve un certain plaisir à séduire celui qui regarde, car, même si nous ne nous rencontrerons probablement jamais, j’ai conscience de son regard », confie la photographe. Et il en va de même pour ses sujets. Sensuelle, Nouvelles amours, ne se lit pas simplement comme une étude des relations humaines, mais avant tout comme un besoin de désirer et d’être désiré·e. Sans jugement aucun, l’autrice construit un univers intime, fusionnel, où les silhouettes se rejoignent et inventent, sans limites, de nouvelles histoires. Alors que la crise sanitaire prive le monde entier de contact charnel, la série de Julie De Sousa s’impose comme une incitation à la liberté, aux plaisirs les plus instinctifs.

© Julie De Sousa

 

© Julie De Sousa

 

© Julie De Sousa

 

© Julie De Sousa

 

© Julie De Sousa

© Julie De Sousa

Explorez
Les images de la semaine du 15.07.24 au 21.07.24 : le feu des souvenirs
© Pascal Sgro
Les images de la semaine du 15.07.24 au 21.07.24 : le feu des souvenirs
Cette semaine, les photographes de Fisheye s’intéressent aux différents aspects du feu, et ce, de manière littérale comme figurée.
21 juillet 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Looking at my brother : mes frères, l’appareil et moi
© Julian Slagman
Looking at my brother : mes frères, l’appareil et moi
Projet au long cours, Looking at My Brother déroule un récit intime faisant éclater la chronologie. Une lettre d’amour visuelle de Julian...
09 juillet 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Rafael Medina : corps libres et désirés 
© Rafael Medina
Rafael Medina : corps libres et désirés 
En double exposition, sous les néons des soirées underground, Rafael Medina développe un corpus d'images grisantes, inspirées par les...
27 juin 2024   •  
Écrit par Anaïs Viand
Pierre et Gilles, in-quiétude et Cyclope : dans la photothèque de Nanténé Traoré
© Nanténé Traoré, Late Night Tales, 2024 / Un ou une artiste que tu admires par-dessus tout ?
Pierre et Gilles, in-quiétude et Cyclope : dans la photothèque de Nanténé Traoré
Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les auteurices publié·es sur les pages de Fisheye reviennent sur...
26 juin 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Jeux olympiques : ces séries de photographies autour du sport
© Cait Oppermann
Jeux olympiques : ces séries de photographies autour du sport
Ce vendredi 26 juillet est marqué par la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. À cette occasion, nous vous...
Il y a 11 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Transcendance par Kyotographie : promenade contemporaine au Japon
© Iwane Ai. A New River series, 2020. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Transcendance par Kyotographie : promenade contemporaine au Japon
À l’occasion des dix ans du Festival, Kyotographie investit les Rencontres d’Arles pour la première fois. L’exposition...
26 juillet 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
© Jules Ferrini
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
À travers deux séries, Noires sœurs et Modern Sins, Jules Ferrini plie la lumière et le temps pour faire vibrer l’obscurité d’un...
26 juillet 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Robin de Puy : partout, l’eau au centre du paysage
© Robin de Puy
Robin de Puy : partout, l’eau au centre du paysage
L'exposition Waters & Meer - Robin de Puy revient sur deux séries de la photographe néerlandaise. Un hommage aux populations rurales...
25 juillet 2024   •  
Écrit par Costanza Spina