La Fondation Manuel Rivera-Ortiz propose un « Dress Code » à respecter

06 juillet 2022   •  
Écrit par Lou Tsatsas
La Fondation Manuel Rivera-Ortiz propose un « Dress Code » à respecter

Jusqu’au 25 septembre, la Fondation Manuel Rivera-Ortiz accueille Dress Code, une exposition collective déclinant les nombreuses fonctions du vêtement. Un récit complexe et nuancé habillant à merveille les nombreuses salles de l’établissement.

Lorsqu’on entre dans la Fondation Manuel Rivera-Ortiz durant les Rencontres d’Arles, il faut s’attendre à un dédale labyrinthique, où les séries fleurissent çà et là. Il faut inspecter chaque pièce des nombreux étages de l’établissement à la recherche de la perle rare. Car ici, les accrochages classiques disparaissent, au profit d’une scénographie mouvementée, singulière, qui épouse les recoins, les murs, les jeux de vue depuis les fenêtres ouvertes, ou même les différentes visions qu’offrent les escaliers de l’espace. De cet environnement atypique émergent souvent des récits choraux, des thématiques complexes, dont les nuances sont partagées de pièce en pièce. Et il ne reste au visiteur·ses que le soin de se perdre dans l’ampleur des regards, le temps d’une visite durant les Rencontres. Dress Code ne déroge pas à cette règle. Imaginée par le directeur artistique Florent Basiletti, l’exposition prend pour thématique principale le vêtement – et ses symboles. « L’habit est représentatif d’un aspect identitaire. Il peut susciter le désir en sublimant le corps humain, notamment par la parure, mais aussi être révélateur de codes et de normes. Ceux-ci permettent une intégration à la société, ou a contrario le rejet, l’émancipation, mais aussi la revendication », commente le commissaire.  Outil d’osmose et de fusion, de transe et d’appartenance, ou bien objet d’émancipation, voire de rejet des normes, le vêtement revêt ici tous ses styles avec fierté.

© Mathieu Richer-Mamousse© Sanne de Wilde & Benedicte Kurzen

© à g. Mathieu Richer-Mamousse, à d. Sanne de Wilde & Benedicte Kurzen

Convoquer les facettes de cet outil

Une quarantaine d’artistes se sont approprié·es ce sujet passionnant. Du Bénin à New York, de la sphère publique au jardin le plus secret, les photographes convoquent, dans chaque salle, une autre facette de cet outil. La visite débute dans la cour intérieure, où trônent les clichés de Mathieu Richer-Mamousse. Fasciné par les processions, l’auteur a voyagé aux quatre coins du monde pour capturer les défilés, les parades, les cultes religieux où le costume devient personnage principal. Une ode à la transe spirituelle sublimée par une lumière picturale. À l’étage trônent les réalisations de Sanne de Wilde et Bénédicte Kurzen, qui s’intéressent depuis plusieurs années à la mythologie des jumeaux au Nigéria. Couleurs surnaturelles et détails dorés ornent des portraits symétriques représentant à merveille la fascination que suscitent ces « êtres doubles ».

Non loin de là, au cœur d’une petite place, deux vidéos se font face. La première présente Ekifire de Frédéric Noy. Un projet au long cours sur les communautés LGBTQIA+ d’Afrique où résonnent des témoignages poignants de ces « demi-morts », comme les avait qualifiés le président ougandais Yoweri Musevini. Dans Elena, Jeanne Frank fait quant à elle le portrait d’une femme trans née à Sarajevo en 1951. Son genre considéré comme une maladie mentale, elle doit faire face à un combat quotidien pour s’affirmer tel qu’elle est. Ainsi, au détour de ces existences, le vêtement devient une seconde peau. Une manière de s’assumer, de revendiquer ce que nous sommes, ou de l’enfouir à l’intérieur, dans l’intime, pour survivre.

Impossible de manquer Fleurs de l’listhme, série de Delphine Blast mettant à l’honneur les femmes zapotèques du Mexique – des « reines » disposant d’un fort pouvoir économique. Parées de leurs plus beaux atours, elles règnent sur le marché de Juchitán, la ville des fleurs. Une atmosphère que l’autrice parvient brillamment à retranscrire : tapisseries bariolées, costumes ornés et regards fiers nous accueillent, dans un tourbillon immersif de couleurs et de grâce. Enfin, ne ratez pas les quelques images du collectif Tendance Floue, en partenariat avec FUJIFILM, ni l’insolite Sous les jupes de Robin Block de Friberg : une collection d’images inspirée par les téléphones placés stratégiquement par les pervers dans les transports en commun. Déconstruisant le genre associé à cet habit, l’artiste présente une mosaïque d’entrejambes en tous genres, accrochée sur un mur extérieur, et visible depuis une fenêtre de la Fondation. Une manière amusante de nous renvoyer à notre propre statut de voyeur·se !

© Jeanne Frank

© Jeanne Frank

© Manon Boyer© Frédéric Noy

© à g. Manon Boyer, à d. Frédéric Noy

© Alexandre Dupeyron

© Alexandre Dupeyron

© Daniel Castro-Garcia© Delphine Blast

© à g. Daniel Castro-Garcia, à d. Delphine Blast

© Ching Yuan

© Yuan Ching

© Sara Imloul© Michela Benaglia

© à g. Sara Imloul, à d. Michela Benaglia

© Flore Aelsurun / Tendance Floue© Tortsen Schumann

© à g. Flore Aelsurun / Tendance Floue, à d. Tortsen Schumann

© Liza Ambrossio

© Liza Ambrossio

© Ekatarina Kirtoka© Jenya Invasion

© à g. Ekatarina Kirtoka, à d. Yevheniia Kriuk

© Robin Block de Friberg

© Robin Block de Friberg

Image d’ouverture : © Robin Block de Friberg

Explorez
5 questions à Charlotte Abramow : le souvenir de Maurice
© Charlotte Abramow
5 questions à Charlotte Abramow : le souvenir de Maurice
Sept ans après la publication de son ouvrage Maurice, tristesse et rigolade, Charlotte Abramow rouvre les pages de l’histoire de son...
03 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Elise Jaunet : quand l’intime devient manifeste
© Elise Jaunet
Elise Jaunet : quand l’intime devient manifeste
À travers sa série Faire corps – Journal d’une métamorphose, l’artiste nantaise Elise Jaunet explore la traversée du cancer du...
01 novembre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Du pictorialisme au modernisme, la MEP célèbre l’œuvre d’Edward Weston
Edward Weston, Shells, 1927 © Center for Creative Photography, Arizona Board of Regents / Edward Weston, Adagp, Paris, 2025. Courtesy Wilson Centre for Photography
Du pictorialisme au modernisme, la MEP célèbre l’œuvre d’Edward Weston
Jusqu’au 21 janvier 2026, la Maison européenne de la photographie consacre une exposition exceptionnelle à Edward Weston. Intitulée...
30 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Hamza Ashraf : Démo d’amour
We're Just Trying to Learn How to Love © Hamza Ashraf
Hamza Ashraf : Démo d’amour
Hamza Ashraf navigue dans le fleuve des sentiments amoureux et compose We’re Just Trying to Learn How to Love, un zine, autoédité, qui...
30 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Écofemmes Fest : un rendez-vous pour créer, lutter, transmettre
Trenza, le lien qui nous unit, 2025 ©Gabriela Larrea Almeida
Écofemmes Fest : un rendez-vous pour créer, lutter, transmettre
Jusqu'au 9 novembre prochain, La Caserne, dans le 10e arrondissement de Paris, accueille la première édition d’Écofemmes Fest, un...
À l'instant   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Simon Vansteenwinckel remporte le prix Nadar Gens d’images 2025
© Simon Vansteenwinckel
Simon Vansteenwinckel remporte le prix Nadar Gens d’images 2025
Le nom du lauréat de la 71e édition du prix Nadar Gens d’images vient d’être annoncé : il s’agit de Simon Vansteenwinckel. Le jury l’a...
06 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
a ppr oc he : Rencontre au cœur de l’image
© Emile Gostelie
a ppr oc he : Rencontre au cœur de l’image
Dans cet espace pensé comme une exposition, un·e photographe et un·e commissaire croisent leurs regards. Pour cette première édition...
06 novembre 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche
Fisheye #74 sonde la notion d’éthique en photographie
© Stan Desjeux
Fisheye #74 sonde la notion d’éthique en photographie
Fisheye #74 sera disponible en kiosque ce samedi 8 novembre ! En ce mois consacré à la photographie, notre nouveau numéro s’intéresse à...
06 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet