Fondée en 1996 par Stéphane Magnan dans le Marais à Paris et historiquement située au 17 rue des filles du calvaire, la galerie Les filles du calvaire est une institution de la photographie française qui accueille des artistes issu·es d’univers différents et riches. En 2023, la galerie annonce l’ouverture d’un nouvel espace au 21 rue Chapon et l’entrée de quatre auteurices au sein de son foisonnant catalogue. Parmi elleux ? Frances Goodman, qui questionne la notion de beauté traditionnellement attribuée aux femmes, Jérémie Cosimi, peintre et dessinateur donnant vie aux statues. Levi van Veluw, sculpteur, fige quant à lui les expressions du religieux à partir de plusieurs supports : installations, photographies, films, sculptures, peintures et dessins. Parmi les quatre nouvelles recrues, figure aussi Maya Inès Touam, photographe qui explore ses origines algériennes en bâtissant des ponts entre les deux rives de la Méditerranées. Avec un regard acéré, elle se penche sur la question décoloniale avec une puissance particulière. Une exposition présentant les univers des artistes débutera le 4 février.
© Maya Inès Touam
Maya Inès Touam, voix de la diaspora nord-africaine
Née en France de grand-parents algérien·nes, Maya Inès Touam se nourrit de son expérience de fille et petite-fille d’émigré·es pour interroger les notions de mémoire, de déracinement, d’intimité et d’étrangeté. Car autour des rives de la Méditerranée, les identités se rencontrent tout autant qu’elles se séparent. La photographe incarne une génération d’artistes qui abordent la question de la diaspora de plusieurs points de vue, qu’il s’agisse de celle nord-africaine ou de celle sub-saharienne. Son travail reprend des codes de l’art occidental pour les enrichir et les détourner en les mélangeant à ceux de l’art algérien. Diplômée des Beaux-arts de Paris depuis 2013, elle mène une recherche à la fois anthropologique et onirique, à partir de différents supports – photographie, dessin, sculpture – en utilisant des objets personnels comme symboliques. Dans l’exposition collective à venir, elle présentera sa série Icar, le revenant, réalisée en 2020. Dans ce travail, elle se réapproprie à sa guise l’univers d’Henri Matisse. « Icar est une œuvre iconique et très énigmatique. Ce corps ondulant perdu entre ciel et mer, me rappelle le poème l’Albatros de Baudelaire, mais également la cérémonie Egungun découverte au Bénin, explique la photographe sur Instagram. En observant la torsion du personnage central, j’ai immédiatement pensé aux danses transcendantales vaudou. Les costumes confectionnés pour l’occasion font également référence à des figures d’animaux à l’image du déploiement de ces bras arrondi aux aires d’ailes d’oiseau. »
Dans la série, la photographe insère ce personnage au sein de l’univers du peintre, comme une métaphore : Icare est un exilé perdu dans un moment figé. Un travail poignant, qui célèbre et honore la mémoire des défunt·es, à l’image des rituels vaudou auxquels l’artiste se rattache. « Icar, Le revenant questionne les histoires liées aux déplacements, ce que ces gens quittent et ce qu’ils ramassent pour se reconstruire mais cette photo met aussi en lumière celles et ceux qui ne peuvent plus rien dire, perdu·es en mer », conclut l’artiste.
© à g. Jérémie Cosimi, à d. Frances Goodman
© à g. Maya Inès Touam, à d. Levi van Veluw
Image d’ouverture : © Maya Inès Touam