La nature mélancolique d’Antoni Benavente Barbero

La nature mélancolique d'Antoni Benavente Barbero

À travers ses clichés monochromes, le photographe espagnol Antoni Benavente Barbero dépeint une nature sauvage, empreinte d’une mélancolie imprécise. Une manière poétique de faire subsister l’éphémère.

« J’ai débuté ma carrière artistique dans les années 1980, d’abord en tant que peintre. Je me suis ensuite intéressé au 8e art en découvrant

Valparaíso, l’œuvre la plus emblématique de Sergio Larraín. Les images qu’il a réalisées dans cette ville portuaire du Chili sont surréalistes et pleines de mystère. Elles m’ont fait entrevoir les possibilités uniques de la photographie comme moyen d’expression », se souvient Antoni Benavente Barbero. Formé aux beaux-arts de Lérida, en Espagne, l’artiste s’est alors rendu compte qu’il pouvait créer au-delà des quatre murs de son studio. « Dès lors, mon boîtier est devenu l’outil idéal pour décrire la poésie contenue dans les moments et les choses simples de mon quotidien », ajoute-t-il.

Aujourd’hui âgé de 58 ans, Antoni Benavente Barbero aime à s’évader dans la nature, lieu commun de ses dernières créations. Inspiré par les paysages idéalisés des maîtres baroques hollandais, l’auteur est également fasciné par la Beat Generation. Les œuvres de Robert Frank, de Max Pam et de Bernard Plossu lui évoquent « des carnets de voyage intenses, authentiques et autobiographiques ». Quelques mots qui pourraient tout autant qualifier ses propres clichés. Chemins escarpés, végétation luxuriante, maisons isolées… La campagne et ses champs qui s’étendent à perte de vue éveillent en lui une sensation de quiétude qui le ramène à l’enfance. « C’est le paysage en arrière-plan de mes photos de famille », déclare-t-il songeur.

© Antoni Benavente Barbero

Un chemin illuminé par le soleil de la mélancolie

Les compositions d’Antoni Benavente Barbero se lisent comme des poèmes minimalistes. L’épure de la structure leur confère une intensité particulière qui célèbre l’essence même de ces petits riens du quotidien. Les beautés ignorées, immortalisées, évoquent des souvenirs qui s’étiolent au fil des jours. Seuls le cœur ou l’idée résistent aux aléas de la vie, dans la mémoire d’un instant fragile que l’on sait évanoui dans les affres du temps. « Plus que des histoires, je pense que mes photographies sont de sobres métaphores visuelles et autonomes. J’aime à croire que les ressources esthétiques du noir et blanc me rapprochent de l’esprit des choses, de ce qu’elles sont véritablement », précise l’artiste. Ces analogies monochromes simplifient ainsi la représentation du réel pour laisser place à l’imagination et ses récits infinis. Elles outrepassent l’enveloppe charnelle pour mieux s’emparer du sujet, dans toutes ses subtilités.

Au travers de ses créations, Antoni Benavente Barbero esquisse un chemin nimbé du soleil de la mélancolie imprécise. « Baigner mes clichés dans la douce lumière du jour leur confère une certaine proximité avec l’instant présent, une vie pérenne… » Les nuances parfois sépia complimentent ainsi le grain d’une image qui semble avoir fusionné avec la terre capturée. Cette promenade philosophique s’aventure alors aussi bien dans les méandres de la nature humaine que végétale. Les émotions – qui animent ses moindres tirages – dominent le discours, et l’évocation du passé volatile prend le pas sur l’objectivité. « D’une certaine manière, j’immortalise les détails du monde extérieur et leur assigne un esthétisme de la nostalgie. Mais je pense qu’il s’agit davantage d’imaginer des images hors du temps, sans repères géographiques, qui traduisent la fragilité et la fugacité de notre existence », conclut le photographe.

© Antoni Benavente Barbero© Antoni Benavente Barbero

© Antoni Benavente Barbero© Antoni Benavente Barbero© Antoni Benavente Barbero© Antoni Benavente Barbero© Antoni Benavente Barbero© Antoni Benavente Barbero

© Antoni Benavente Barbero

Explorez
Samuel Bollendorff : comment alerter sur la crise écologique ?
#paradise - curateur : Samuel Bollendorff.
Samuel Bollendorff : comment alerter sur la crise écologique ?
Le festival de photojournalisme Visa pour l’image revient pour sa 37e édition jusqu'au 14 septembre 2025. Parmi les 26 expositions...
12 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Les coups de cœur #557 : Jeanne-Lise Nédélec et  Stéphanie Labé
Respirer © Jeanne-Lise Nédélec
Les coups de cœur #557 : Jeanne-Lise Nédélec et Stéphanie Labé
Jeanne-Lise Nédélec et Stéphanie Labé, nos coups de cœur de la semaine, voient dans les paysages naturels un voyage introspectif, une...
01 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Inuuteq Storch : une photographie inuit décoloniale
Keepers of the Ocean © Inuuteq Storch
Inuuteq Storch : une photographie inuit décoloniale
Photographe inuit originaire de Sisimiut, Inuuteq Storch déconstruit les récits figés sur le Groenland à travers une œuvre sensible et...
30 août 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
FLOW, le nouveau rendez-vous photographique en Occitanie
© Chiara Indelicato, L'archipel, Bourses Ronan Guillou, 2024
FLOW, le nouveau rendez-vous photographique en Occitanie
Du 20 septembre au 30 octobre 2025, The Eyes inaugure, en Occitanie, la première édition de FLOW, un parcours inédit consacré à la...
27 août 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
La sélection Instagram #524 : espaces intimes
© Sara Lepore / Instagram
La sélection Instagram #524 : espaces intimes
La maison se fait à la fois abri du monde et porte vers le dehors, espace de l’intime et miroir de nos modes de vie. Les artistes de...
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Lucie Donzelot
5 coups de cœur qui témoignent d'un quotidien
I **** New York © Ludwig Favre
5 coups de cœur qui témoignent d’un quotidien
Tous les lundis, nous partageons les projets de deux photographes qui ont retenu notre attention dans nos coups de cœur. Cette semaine...
15 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 8 septembre 2025 : amour et déplacements
Couldn't Care Less © Thomas Lélu et Lee Shulman
Les images de la semaine du 8 septembre 2025 : amour et déplacements
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, l’amour et les déplacements, quels qu’ils soient, ont traversé les pages de Fisheye. Ceux-ci se...
14 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Annissa Durar : une cueillette visuelle de senteurs
The Rose Harvest © Annissa Durar
Annissa Durar : une cueillette visuelle de senteurs
La photographe américano-libyenne Annissa Durar a documenté, avec beaucoup de douceur, la récolte des roses à Kelâat M’Gouna, au sud du...
13 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger