Sujets insolites ou tendances, faites un break avec notre curiosité de la semaine. En créant des images absurdes et chaotiques, le photographe américain Pelle Cass s’amuse à déconstruire la réalité.
« Un ami de mes parents m’a offert un boîtier lorsque j’avais treize ans. Je devais avoir l’air de m’ennuyer, tout seul. Si la photographie a soigné l’ennui, elle n’a rien pu faire contre la solitude »,
déclare Pelle Cass. Peut-être est-ce la raison pour laquelle les créations du photographe américain venu du Massachusetts sont saturées par des foules étranges… Ce n’est que récemment que l’auteur est devenu « artiste à plein temps », prenant du plaisir à développer des séries surréalistes, transformant le réel en un théâtre absurde.
« En 2015, un magazine m’a engagé pour shooter l’équipe de basket Atlanta Hawks. Je n’avais jamais photographié le sport avant, mais j’aimais capturer les gens en mouvement, leurs expressions. Dès les premières images, j’ai su qu’il me fallait creuser ce sujet », raconte le photographe, qui n’aime pas voir ses créations comme de simples collages. « J’aime fabriquer des choses. Passer des heures sur Photoshop me donne l’impression de réaliser des travaux manuels. Pourtant, mon approche – malgré son esthétique chaotique – reste ancrée dans le réel », précise-t-il. En partant d’un décor presque vide, l’artiste choisit ensuite quoi ajouter, quoi effacer, sans modifier les positions de ses sujets, « pas même un pixel ! » s’amuse-t-il. De ses œuvres émerge un désordre fascinant, nous invitant à reconsidérer notre vision du monde.
Un chaos rythmique
Car dans ce « chaos rythmique », comme il le définit, Pelle Cass s’amuse à dévoiler l’inquiétante étrangeté de notre quotidien. S’il ne reproduit que le réel, la masse des corps, figés dans des positions incongrues, évoque pour lui une « dimension dionysiaque ». Le sport, d’ordinaire si ordonné devient imprévisible, forçant le regardeur à observer les joueurs, extraits de leur narration. Un univers insensé où les pires débordements peuvent se dérouler, en tout anonymat. Doit-on être pris de panique, face à cette foule agitée ? Ou voir, dans ces tableaux, une illustration de la consommation de masse, ou de la surpopulation ?
Pour le photographe, ces images n’entendent pas dénoncer, mais simplement contraster avec la normalité. Une folie qui l’attire irrésistiblement. « J’aime cependant l’idée que le spectateur songe à ces enjeux, je pense qu’il s’agit d’une interprétation raisonnable face à ce genre de situation. Ce chaos pourrait bien se trouver aux frontières de la guerre et de l’orgie », confie-t-il. Une ambiguïté sournoise, alimentant nos émotions : du rire à l’effroi, de l’absurde à la saturation. Dans cette marée humaine, les règles semblent exister pour être transgressées, et tout débordement est encouragé.
© Pelle Cass