« Late Night Tales » : science, rituels et poésie

10 octobre 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
« Late Night Tales » : science, rituels et poésie

La Galerie &co119 accueille, jusqu’au 26 octobre, Late Night Tales, une exposition regroupant trois séries de la photographe australienne Sophie Gabrielle. Un voyage somptueux dans un univers sombre et ritualiste.

« J’ai commencé la photographie à l’âge de 13 ou 14 ans, en empruntant le Fisheye d’un ami, et je n’ai jamais arrêté depuis. Je viens de Canberra. La capitale australienne est super lorsqu’on décide de prendre sa retraite, mais pas vraiment stimulante pour les jeunes. J’ai commencé à photographier des soirées disco là-bas, en me demandant : est-ce là tout ce que je vais faire de ma vie ? »

Les mots de Sophie Gabrielle, jeune artiste de 26 ans, résonnent dans la Galerie &co 119. À travers son récit, on devine une soif de liberté et un besoin intense de créer. Peu après cette époque, elle déménage à Melbourne, où elle étudie le 8e art et découvre l’univers du fine art. Un coup de foudre poétique qui la pousse à réaliser ses premières séries.

L’exposition Late Night Tales regroupe trois projets de Sophie Gabrielle, croisant les notions de rituels et d’ésotérisme, de psychologie et de surnaturel, entre autres. Dans un univers noir et blanc, la photographe nous invite à errer dans les méandres de l’esprit, et à contempler l’art pour mieux le comprendre. « La spiritualité et la psychologie sont liées. Une thérapie, par exemple, ne fonctionne que si l’on est prêt à l’accepter. Il faut apprendre à s’ouvrir – à l’art également », déclare-t-elle. Les travaux présentés, Worry for the fruits the birds won’t eat, WIP: Weeping Rock et BL_NK SP_CE, semblent ici dialoguer et sublimer les contrastes de chaque œuvre : le physique et l’invisible, les émotions qui effleurent la surface ou s’infiltrent en profondeur. Un ensemble délicieusement mystérieux.

© Sophie Gabrielle / Courtesy Galerie &co119© Sophie Gabrielle / Courtesy Galerie &co119

Science, poésie et art

C’est l’idée du rituel qui rassemble les images de l’artiste. Çà et là, ses thèmes et symboles fétiches apparaissent, comme des clins d’œil au sein d’une œuvre vaste. « Les mains, et les gestes que nous leur faisons faire, les yeux, les cercles et les trous, les plantes botaniques, qu’elles soient médicinales ou empoisonnées, la science… » énumère-t-elle. C’est d’ailleurs après avoir découvert l’IRM d’un cerveau de rat que Sophie Gabrielle a commencé à s’intéresser à l’imagerie scientifique, et à ses monochromes au grain organique. « J’adore mélanger la science, la poésie et l’art », déclare-t-elle. Dans chaque image, cette dimension obsessive se dévoile, révélant d’infimes détails. Pour réaliser sa série Worry for the fruits the birds won’t eat, composée de portraits et d’images d’archives documentant des expériences savantes du passé, la photographe a placé chaque image dans des plaques de verre, les laissant des semaines à plusieurs mois dans des endroits précis afin de récolter des peaux mortes de quelques passants – sa famille et ses amis et elle-même. Les débris créant une étrange atmosphère astrale. « Il pourrait s’agir de sortes d’autoportraits abstraits », s’amuse l’auteure.

WIP: Weeping Rock s’inspire de l’histoire d’un roi déchu, qui fut décapité ainsi que ses cinq fils, leurs corps sans tête ensuite portés jusqu’à un bassin pour les purifier. Aujourd’hui, ce thermes rempli de sulfure est reconnu pour ses vertus thérapeutiques, attirant des visiteurs qui viennent rincer leurs yeux dans l’eau afin de soigner leurs infections. Un geste aussi surréaliste que touchant. Sans se soucier du réel et de ses implications, Sophie Gabrielle s’attache à représenter l’attachement et la dévotion des hommes face à leurs croyances. Au cœur d’un conte visuel splendide, elle bouscule la réalité et invite l’onirisme dans un quotidien trop ennuyeux. Un voyage inoubliable dans des terres lointaines et imaginaires.

 

Late Night Tales

Jusqu’au 26 octobre 2019

Galerie &co119

119 rue Vieille du Temple, 75003 Paris

© Sophie Gabrielle / Courtesy Galerie &co119© Sophie Gabrielle / Courtesy Galerie &co119
© Sophie Gabrielle / Courtesy Galerie &co119© Sophie Gabrielle / Courtesy Galerie &co119
© Sophie Gabrielle / Courtesy Galerie &co119© Sophie Gabrielle / Courtesy Galerie &co119

© Sophie Gabrielle / Courtesy Galerie &co119

© Sophie Gabrielle / Courtesy Galerie &co119

Explorez
Mouche Books édite son premier livre photo-poésie Selfportraits
© Lena Kunz
Mouche Books édite son premier livre photo-poésie Selfportraits
La revue Mouche, qui fait dialoguer le 8e art avec la poésie depuis quatre ans, lance sa maison d’édition Mouche Books avec comme premier...
27 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Corps, catch et injonctions : la séance de rattrapage Focus
©Théo Saffroy / Courtesy of Point Éphémère
Corps, catch et injonctions : la séance de rattrapage Focus
Les photographes des épisodes de Focus sélectionnés ici révèlent les corps et dénoncent les injonctions que nous leur collons. Ils et...
26 novembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Dans l’œil de Naïma Lecomte : rendez-vous au bord de l’eau après les cours
© Naïma Lecomte / Planches Contact Festival
Dans l’œil de Naïma Lecomte : rendez-vous au bord de l’eau après les cours
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Naïma Lecomte. Jusqu’au 4 janvier 2026, l’artiste présente Ce qui borde à Planches...
24 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #566 : Lalitâ-Kamalâ Valenta et Kordélia Phan
© Lalitâ-Kamalâ Valenta
Les coups de cœur #566 : Lalitâ-Kamalâ Valenta et Kordélia Phan
Lalitâ-Kamalâ Valenta et Kordélia Phan, nos coups de cœur de la semaine, documentent des univers spécifiques. La première s’intéresse à...
24 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les coups de cœur #567 : Himanshu Vats et Grant Harder
© Grant Harder
Les coups de cœur #567 : Himanshu Vats et Grant Harder
Himanshu Vats et Grant Harder, nos coups de cœur de la semaine, explorent la nature, et les liens qu’elle entretient avec les humains. Le...
Il y a 3 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 24 novembre 2025 : héritage, métamorphose et nature
Anish © Arhant Shrestha
Les images de la semaine du 24 novembre 2025 : héritage, métamorphose et nature
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye vous parlent d’héritage et de métamorphoses, et vous offrent même une autre...
30 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
5 événements photo à découvrir ce week-end
Rikka, la petite Balinaise, Fernand Nathan, Paris, 1956 © Dominique Darbois, Françoise Denoyelle.
5 événements photo à découvrir ce week-end
Ça y est, le week-end est là. Si vous prévoyez une sortie culturelle, mais ne savez pas encore où aller, voici cinq événements...
29 novembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Fury, l'univers « crépusculaire » de Marie Quéau
Sans titre #90, Campus Univers Cascades, 2023, extrait de la série Fury, Courtesy Galerie Les filles du calvaire, Paris © Marie Quéau / ADAGP, Paris, 2025
Fury, l’univers « crépusculaire » de Marie Quéau
Jusqu’au 8 février 2026, Marie Quéau, cinquième lauréate du prix Le Bal/ADAGP de la Jeune Création, présente Fury. Dans cette exposition...
29 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger