Exposée à Circulation(s), Anne-Sophie Auclerc capture, avec Il est déconseillé de se baigner dans un lac lors d’un orage, les sauts à l’élastique d’inconnus. Une expérience ludique, évoquant, selon elle, notre désir – presque obsessionnel – d’abandon. Rencontre en vidéo avec l’artiste.
Visages en extase, pupilles dilatées, bouches béantes… Dans Il est déconseillé de se baigner dans un lac lors d’un orage, série de la photographe Anne-Sophie Auclerc présentée au festival Circulation(s), le corps humain devient l’allégorie de l’abandon. Dialoguant avec des natures mortes et autres images abstraites, il n’est plus qu’une enveloppe renfermant l’âme, qui tente par tous les moyens de se sentir exister. Diplômée des arts graphiques et de photographie, l’artiste française de 28 ans développe, depuis quelques années, une approche à la fois documentaire et expérimentale, interrogeant, à travers des projets savamment édités, les éclats de vie, les nuances qui composent l’Homme. « Le contexte de mes images n’est souvent pas évident. J’aime cette confrontation, qui pousse chacun à développer ses propres narrations », précise-t-elle.
Flirter avec la mort
Shootés à l’arrivée d’un saut à l’élastique – une chute libre de 180 mètres de haut – les modèles d’Anne-Sophie Auclerc se laissent happer par l’adrénaline. Ailleurs, extasiés par leur expérience, ils dévoilent, face à son objectif, les marques corporelles d’une aventure marquante. Inspirée par le « désir de chute » de l’écrivain Milan Kundera, « la voix du vide au-dessous de nous, qui nous attire », la photographe fait de ce saut une métaphore de notre fascination pour le danger. Une ivresse qui survient lorsque l’on flirte avec la mort. « J’ai moi-même failli me noyer dans un lac lors d’un orage, confie-t-elle. Ce moment où j’y suis entrée est né d’un besoin d’intensité, de me sentir pleinement incarnée et vivante. » Et, en capturant ces personnages, la photographe parvient, d’une certaine manière, à nouer des liens entre des inconnus, à mettre en lumière une sensation étrange, presque inavouable, et pourtant ressentie par tous. Imprimées sur un papier brillant, et placées au contact du sol, les images de la série incarnent ce désir de glissement vers le périlleux, cette attraction pour l’exaltation. Un travail métaphysique illustrant une lubie universelle.
Le Festival Circulation(s) est accessible jusqu’au 2 mai 2021 de manière numérique.
© Lucas Hauchard
© Anne-Sophie Auclerc