Le désir de chute, ou l’ivresse du danger

30 avril 2021   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Le désir de chute, ou l’ivresse du danger

Exposée à Circulation(s), Anne-Sophie Auclerc capture, avec Il est déconseillé de se baigner dans un lac lors d’un orage, les sauts à l’élastique d’inconnus. Une expérience ludique, évoquant, selon elle, notre désir – presque obsessionnel – d’abandon. Rencontre en vidéo avec l’artiste.

Visages en extase, pupilles dilatées, bouches béantes… Dans Il est déconseillé de se baigner dans un lac lors d’un orage, série de la photographe Anne-Sophie Auclerc présentée au festival Circulation(s), le corps humain devient l’allégorie de l’abandon. Dialoguant avec des natures mortes et autres images abstraites, il n’est plus qu’une enveloppe renfermant l’âme, qui tente par tous les moyens de se sentir exister. Diplômée des arts graphiques et de photographie, l’artiste française de 28 ans développe, depuis quelques années, une approche à la fois documentaire et expérimentale, interrogeant, à travers des projets savamment édités, les éclats de vie, les nuances qui composent l’Homme. « Le contexte de mes images n’est souvent pas évident. J’aime cette confrontation, qui pousse chacun à développer ses propres narrations », précise-t-elle.

Flirter avec la mort

Shootés à l’arrivée d’un saut à l’élastique – une chute libre de 180 mètres de haut – les modèles d’Anne-Sophie Auclerc se laissent happer par l’adrénaline. Ailleurs, extasiés par leur expérience, ils dévoilent, face à son objectif, les marques corporelles d’une aventure marquante. Inspirée par le « désir de chute » de l’écrivain Milan Kundera, « la voix du vide au-dessous de nous, qui nous attire », la photographe fait de ce saut une métaphore de notre fascination pour le danger. Une ivresse qui survient lorsque l’on flirte avec la mort. « J’ai moi-même failli me noyer dans un lac lors d’un orage, confie-t-elle. Ce moment où j’y suis entrée est né d’un besoin d’intensité, de me sentir pleinement incarnée et vivante. » Et, en capturant ces personnages, la photographe parvient, d’une certaine manière, à nouer des liens entre des inconnus, à mettre en lumière une sensation étrange, presque inavouable, et pourtant ressentie par tous. Imprimées sur un papier brillant, et placées au contact du sol, les images de la série incarnent ce désir de glissement vers le périlleux, cette attraction pour l’exaltation. Un travail métaphysique illustrant une lubie universelle.

 

Le Festival Circulation(s) est accessible jusqu’au 2 mai 2021 de manière numérique

© Lucas Hauchard

© Anne-Sophie Auclerc© Anne-Sophie Auclerc
© Anne-Sophie Auclerc© Anne-Sophie Auclerc
© Anne-Sophie Auclerc© Anne-Sophie Auclerc

© Anne-Sophie Auclerc

Explorez
Wolfgang Tillmans revient sur sa carte blanche au Centre Pompidou
Wolfgang Tillmans à la Bpi, janvier 2025 © Centre Pompidou
Wolfgang Tillmans revient sur sa carte blanche au Centre Pompidou
Le Centre Pompidou lui donne carte blanche jusqu’au 22 septembre 2025, dernier accrochage avant la fermeture du bâtiment pour cinq ans de...
03 juillet 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Marco Dos Santos fait feu de tout bois
© Marco Dos Santos
Marco Dos Santos fait feu de tout bois
Mais peut-il seulement tenir en place ? Depuis plus de vingt ans, Marco Dos Santos trace une trajectoire indocile à travers les scènes...
02 juillet 2025   •  
Écrit par Milena III
Pentax x Nation Photo x Fisheye : trois visions du surréalisme à Arles
© Melina Barberi
Pentax x Nation Photo x Fisheye : trois visions du surréalisme à Arles
À l’occasion des Rencontres d’Arles 2025, Fisheye Magazine, en collaboration avec Pentax et Nation Photo, a lancé un concours de...
01 juillet 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche
La sélection Instagram #513 : les yeux dans les yeux
© Miriana Corabi / Instagram
La sélection Instagram #513 : les yeux dans les yeux
À travers des autoportraits, des photographies de leurs proches et d'inconnu·es, les artistes de notre sélection Instagram de la...
01 juillet 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 30 juin 2025 : sur les cimaises
Lesbians Unite, Revolutionary Women’s Conference, Limerick, Pennsylvanie, octobre 1970 © Donna Gottschalk, Courtesy de l’artiste et de Marcelle Alix
Les images de la semaine du 30 juin 2025 : sur les cimaises
Cette semaine, dans les pages de Fisheye, les images s’accrochent sur les cimaises de divers espaces d’expositions à Paris et ailleurs...
Il y a 7 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Arles 2025 : à la Galerie Triangle, la jeunesse a le dernier mot
© Nicolas Serve
Arles 2025 : à la Galerie Triangle, la jeunesse a le dernier mot
À l’occasion des Rencontres de la photographie d’Arles 2025, la Galerie Triangle revient avec GÉNÉRATION, un événement dense et...
05 juillet 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
L'été photographique de Lectoure : rassembler par l'image
Parce que. Ici., 2021-2025 © Anne Desplantez & les enfants du Sarthé
L’été photographique de Lectoure : rassembler par l’image
« Ensemble », l’édition 2025 de L’été photographique de Lectoure, met à l'honneur le collectif. Du 12 juillet au 21 septembre 2025, la...
04 juillet 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Nous autres, une ode à l'amitié et à la mémoire queer
Autoportrait avec JEB, E. 9th Street, New York, 1970 © Donna Gottschalk, Courtesy de l’artiste et de Marcelle Alix
Nous autres, une ode à l’amitié et à la mémoire queer
Avec Nous Autres, Donna Gottschalk et Hélène Giannecchini avec Carla Williams, présentée jusqu’au 16 novembre 2025, le Bal signe une...
04 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger