Leah Edelman-Brier : une autre beauté

28 mars 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Leah Edelman-Brier : une autre beauté

Dans Body Becoming, un projet intime mettant en scène sa propre famille, la photographe américaine Leah Edelman-Brier interroge notre relation au corps et à la beauté.

Artiste américaine, Leah Edelman-Brier s’est tournée très tôt vers la photographie. Une manière pour elle de « capturer ce qui [l’]entoure et examiner le résultat plus tard ». L’appareil photo est pour elle un outil ambigu, pouvant saisir des faits réels, comme des fictions. Un instrument complexe, qui l’aide à créer des séries chargées de symboles.

Pour réaliser Body Becoming, la photographe s’est intéressée à sa propre famille : sa mère et sa sœur. Un récit intime, documentant la peur universelle de « finir comme ses parents ». « Cette crainte, qu’elle soit liée au physique, au psychologique ou à l’émotionnel est un fardeau universel, explique la photographe. Elle affecte ma mère d’une façon, ma sœur d’une autre, et le regardeur d’une manière encore différente. » En dénudant ses deux modèles, la photographe place le corps au centre de sa réflexion. L’un vieillissant, malade et affaibli, et l’autre, jeune et lisse. À leurs côtés, des fruits, ouverts et pulpeux, évoquent à tour de rôle la sensualité, la fécondité, et le pourrissement. Un message fort et délicat.

Jeunesse et décrépitude

« Je suis attirée par la beauté, et je la trouve toujours dans des endroits improbables. En résultent des images que l’on pourrait considérer grotesques

. Le corps de ma mère est l’incarnation de ce que la société nous a appris à rejeter : sa taille, sa graisse, sa maladie. Mais lorsque mon corps a commencé à changer et à ressembler au sien, je me suis imaginée devenir comme elle, en vieillissant », raconte Leah Edelman-Brier. Inspirée par la psychanalyste Julia Kristeva – dont la trilogie, Le génie féminin : la vie, la folie, les mots, explore l’économie libidinale spécifique au sujet féminin, et met en lumière la singularité de chaque sujet – la photographe interroge les notions de beauté et d’abjection. Si Body Becoming représente la laideur avec honnêteté, la série humanise avec tendresse le déclin de la figure maternelle, et met en contraste jeunesse et décrépitude.

Pour la photographe, essayer de combattre la génétique revient à déclarer la guerre à la nature. Un acte futile et voué à l’échec. Ainsi, les corps des deux femmes ne s’opposent pas, mais se complètent, chacun menant un combat intérieur : l’un faisant face au futur, l’autre au regret. Une lutte intime et personnelle, à laquelle la vulnérabilité du nu fait écho. Une décision réfléchie pour Leah Edelman-Brier, qui précise : « Dans notre culture, beauté et désir sont devenus indissociables. Les femmes de ma série jouent avec les notions de séduction et de désir, mais aussi d’abjection. Dans cette mise en scène, une tension se crée – le désir et la beauté sont séparés, et le regardeur doit s’interroger sur ses propres réactions. » Une série psychologique et complexe, qui déconstruit les idéaux de notre monde, et propose une vision alternative de la « perfection ».

© Leah Edelman-Brier

© Leah Edelman-Brier© Leah Edelman-Brier
© Leah Edelman-Brier© Leah Edelman-Brier
collar hook 001
© Leah Edelman-Brier© Leah Edelman-Brier
Grapefruit Lens 001

© Leah Edelman-Brier© Leah Edelman-Brier© Leah Edelman-Brier

© Leah Edelman-Brier

Explorez
Flore Prébay : De deuil et de papier
Iceberg, de la série Deuil blanc © Flore Prébay
Flore Prébay : De deuil et de papier
Du 16 octobre au 30 novembre 2025, la Fisheye Gallery présente Deuil blanc, de Flore Prébay, dans le cadre des Rencontres photographiques...
09 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Polaraki : une collection de polaroids d'Araki sort d'un appartement parisien
Sans titre, Araki Nobuyoshi 1990 -2024 © Nobuyoshi Araki © Musée Guimet, Paris, Nicolas Fussler
Polaraki : une collection de polaroids d’Araki sort d’un appartement parisien
Jusqu'au 12 janvier 2026, le musée des arts asiatiques - Guimet accueille une collection foisonnant de polaroids, issue de l’œuvre du...
06 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #561 : Julie Brochard et Anna Prudhomme
© Anna Prudhomme
Les coups de cœur #561 : Julie Brochard et Anna Prudhomme
Julie Brochard et Anna Prudhomme, nos coups de cœur de la semaine, ont puisé l’inspiration dans la maison de leurs grands-parents. La...
06 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Grace Land : Nick Prideaux transcrit son expérience de la perte
© Nick Prideaux
Grace Land : Nick Prideaux transcrit son expérience de la perte
Dans le cadre d’une résidence artistique à la Maison de la Chapelle, au cœur de la Provence, Nick Prideaux a imaginé Grace Land. À...
04 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Jeu de Paume : Luc Delahaye, le monde en suspens
© Luc Delahaye
Jeu de Paume : Luc Delahaye, le monde en suspens
Luc Delahaye, ancien grand reporter devenu artiste, transforme le regard documentaire en une méditation silencieuse sur le monde. De ses...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Costanza Spina
Voyage au centre de la terre brésilienne
Périphérie de São Paulo, 2020 @Vincent Catala
Voyage au centre de la terre brésilienne
Comment représenter un pays de façon juste et nuancée, loin des clichés véhiculés autour de ce dernier ? L’impressionnant Île-Brésil de...
10 octobre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Prix Photographie & Sciences : Julien Lombardi et Richard Pak exposent à la Villa Pérochon
Inframundo, de la série Planeta, 2024 © Julien Lombardi
Prix Photographie & Sciences : Julien Lombardi et Richard Pak exposent à la Villa Pérochon
Du 11 octobre 2025 au 21 février 2026, la Villa Pérochon devient théâtre de sciences, présentant les travaux de Julien Lombardi, lauréat...
10 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
15 séries qui célèbrent l'automne
15 séries qui célèbrent l’automne
Le soleil se fait de plus en plus discret, les feuilles commencent doucement à changer de couleur, quitter sa couette le matin se fait de...
09 octobre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine