Dans Le temps des grenadines, un ouvrage rassemblant quinze années de travail, le photographe Dan Aucante s’intéresse à l’enfance et au temps qui passe. Un projet sensible et symbolique.
Photographe français de 59 ans, Dan Aucante s’est tourné tardivement vers le 8e art, en entrant dans l’école de photographie Speos à 33 ans. En alternant commissions – projets socioculturels, spectacles de danse, ou encore portraits d’artistes pour la presse – et travaux personnels, l’artiste vit de ses créations. « Mes séries intimes sont plus vastes et traitent de thèmes existentiels. Elles forment un ensemble posé, artistique », commente l’auteur, qui aime réaliser des travaux au long cours, et laisser le temps à ses créations d’évoluer à leur rythme.
Le temps des grenadines, entamé en 2004, représente le projet le plus long de la carrière de Dan Aucante. Un récit intime et profondément personnel, mettant en scène ses deux fils, aujourd’hui âgés de 12 et 20 ans. « Il s’agit d’un travail sur l’enfance, mais aussi du temps qui passe, précise l’artiste. Mes séries commencent souvent par des jeux de hasard. J’utilisais à l’époque un boîtier Holga et j’ai commencé à photographier mon premier fils. Très rapidement, j’ai construit une série, de manière à organiser une exposition et un projet éditorial autour de ce sujet. » Quinze années condensées en une cinquantaine d’images, alternant onirisme et réalisme avec adresse.
Jeux, légèreté et nostalgie
Passé, présent et futur dialoguent au cœur de l’ouvrage. Un échange entre le père-photographe et ses enfants. Construit de manière chronologique et thématique, Le temps des grenadines dresse un portrait poétique de l’enfance, entre jeux, légèreté et nostalgie. « Le passé me représente. La présence humaine y est moins importante, et laisse place aux paysages, aux objets, aux silhouettes… Mes fils sont de plus en plus présents au fil du livre, jusqu’au dernier chapitre, traitant du futur, qui illustre le passage à l’adolescence », confie le photographe. Une histoire familiale rythmée par une complicité certaine. Les jeunes modèles échangent avec leur père, participant à la mise en scène de ces instants enfantins. « On espère toujours que le fruit du hasard va modifier les paramètres espérés », précise l’auteur, qui applaudit la créativité de ses garçons.
Dans un grain argentique et un noir et blanc intemporel, les images de Dan Aucante deviennent des métaphores, évoquant des souvenirs précis comme des idées universelles. On y retrouve la sorcière, symbole d’une peur irrationnelle, méchante des contes de notre jeunesse, mais aussi une girouette aux allures de danseuse, un déguisement de fantôme, et quelques masques. « Ces derniers représentent un transfert d’identité. À travers eux, j’habite le corps de mes enfants, et eux, le mien », explique le photographe. Des objets permettant de voyager entre plusieurs époques. Mystérieux, ils évoquent également le passage du temps, les rides se creusant sur un visage et, bien sûr, l’amour enfantin des déguisements. Un symbole puissant, apparaissant dès la couverture de l’ouvrage comme un totem à conserver précieusement.
Le temps des grenadines, éditions Bergger, 40 €, 96 p.
© Dan Aucante / Agence Révélateur