L’enfance en trois temps

27 août 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
L’enfance en trois temps

Dans Le temps des grenadines, un ouvrage rassemblant quinze années de travail, le photographe Dan Aucante s’intéresse à l’enfance et au temps qui passe. Un projet sensible et symbolique.

Photographe français de 59 ans, Dan Aucante s’est tourné tardivement vers le 8e art, en entrant dans l’école de photographie Speos à 33 ans. En alternant commissions – projets socioculturels, spectacles de danse, ou encore portraits d’artistes pour la presse – et travaux personnels, l’artiste vit de ses créations. « Mes séries intimes sont plus vastes et traitent de thèmes existentiels. Elles forment un ensemble posé, artistique », commente l’auteur, qui aime réaliser des travaux au long cours, et laisser le temps à ses créations d’évoluer à leur rythme.

Le temps des grenadines, entamé en 2004, représente le projet le plus long de la carrière de Dan Aucante. Un récit intime et profondément personnel, mettant en scène ses deux fils, aujourd’hui âgés de 12 et 20 ans. « Il s’agit d’un travail sur l’enfance, mais aussi du temps qui passe, précise l’artiste. Mes séries commencent souvent par des jeux de hasard. J’utilisais à l’époque un boîtier Holga et j’ai commencé à photographier mon premier fils. Très rapidement, j’ai construit une série, de manière à organiser une exposition et un projet éditorial autour de ce sujet. » Quinze années condensées en une cinquantaine d’images, alternant onirisme et réalisme avec adresse.

Jeux, légèreté et nostalgie

Passé, présent et futur dialoguent au cœur de l’ouvrage. Un échange entre le père-photographe et ses enfants. Construit de manière chronologique et thématique, Le temps des grenadines dresse un portrait poétique de l’enfance, entre jeux, légèreté et nostalgie. « Le passé me représente. La présence humaine y est moins importante, et laisse place aux paysages, aux objets, aux silhouettes… Mes fils sont de plus en plus présents au fil du livre, jusqu’au dernier chapitre, traitant du futur, qui illustre le passage à l’adolescence », confie le photographe. Une histoire familiale rythmée par une complicité certaine. Les jeunes modèles échangent avec leur père, participant à la mise en scène de ces instants enfantins. « On espère toujours que le fruit du hasard va modifier les paramètres espérés », précise l’auteur, qui applaudit la créativité de ses garçons.

Dans un grain argentique et un noir et blanc intemporel, les images de Dan Aucante deviennent des métaphores, évoquant des souvenirs précis comme des idées universelles. On y retrouve la sorcière, symbole d’une peur irrationnelle, méchante des contes de notre jeunesse, mais aussi une girouette aux allures de danseuse, un déguisement de fantôme, et quelques masques. « Ces derniers représentent un transfert d’identité. À travers eux, j’habite le corps de mes enfants, et eux, le mien », explique le photographe. Des objets permettant de voyager entre plusieurs époques. Mystérieux, ils évoquent également le passage du temps, les rides se creusant sur un visage et, bien sûr, l’amour enfantin des déguisements. Un symbole puissant, apparaissant dès la couverture de l’ouvrage comme un totem à conserver précieusement.

 

Le temps des grenadines, éditions Bergger, 40 €, 96 p. 

© Dan Aucante / Agence Révélateur© Dan Aucante / Agence Révélateur
© Dan Aucante / Agence Révélateur© Dan Aucante / Agence Révélateur

© Dan Aucante / Agence Révélateur

© Dan Aucante / Agence Révélateur© Dan Aucante / Agence Révélateur
© Dan Aucante / Agence Révélateur© Dan Aucante / Agence Révélateur

© Dan Aucante / Agence Révélateur

© Dan Aucante / Agence Révélateur

Explorez
Les images de la semaine du 15.07.24 au 21.07.24 : le feu des souvenirs
© Pascal Sgro
Les images de la semaine du 15.07.24 au 21.07.24 : le feu des souvenirs
Cette semaine, les photographes de Fisheye s’intéressent aux différents aspects du feu, et ce, de manière littérale comme figurée.
21 juillet 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Looking at my brother : mes frères, l’appareil et moi
© Julian Slagman
Looking at my brother : mes frères, l’appareil et moi
Projet au long cours, Looking at My Brother déroule un récit intime faisant éclater la chronologie. Une lettre d’amour visuelle de Julian...
09 juillet 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Rafael Medina : corps libres et désirés 
© Rafael Medina
Rafael Medina : corps libres et désirés 
En double exposition, sous les néons des soirées underground, Rafael Medina développe un corpus d'images grisantes, inspirées par les...
27 juin 2024   •  
Écrit par Anaïs Viand
Pierre et Gilles, in-quiétude et Cyclope : dans la photothèque de Nanténé Traoré
© Nanténé Traoré, Late Night Tales, 2024 / Un ou une artiste que tu admires par-dessus tout ?
Pierre et Gilles, in-quiétude et Cyclope : dans la photothèque de Nanténé Traoré
Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les auteurices publié·es sur les pages de Fisheye reviennent sur...
26 juin 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Jeux olympiques : ces séries de photographies autour du sport
© Cait Oppermann
Jeux olympiques : ces séries de photographies autour du sport
Ce vendredi 26 juillet est marqué par la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. À cette occasion, nous vous...
Il y a 11 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Transcendance par Kyotographie : promenade contemporaine au Japon
© Iwane Ai. A New River series, 2020. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Transcendance par Kyotographie : promenade contemporaine au Japon
À l’occasion des dix ans du Festival, Kyotographie investit les Rencontres d’Arles pour la première fois. L’exposition...
26 juillet 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
© Jules Ferrini
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
À travers deux séries, Noires sœurs et Modern Sins, Jules Ferrini plie la lumière et le temps pour faire vibrer l’obscurité d’un...
26 juillet 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Robin de Puy : partout, l’eau au centre du paysage
© Robin de Puy
Robin de Puy : partout, l’eau au centre du paysage
L'exposition Waters & Meer - Robin de Puy revient sur deux séries de la photographe néerlandaise. Un hommage aux populations rurales...
25 juillet 2024   •  
Écrit par Costanza Spina