Dans les mégalopoles surpeuplées du monde, ou dans les régions rurales où le conflit règne, la complexité des rapports humains prend racine dans les psychologies individuelles. Une réalité traduite en images par Bas Losekoot et Azaan Shah, nos coups de cœur #341.
Bas Losekoot
« Comment nous présentons-nous dans la rue ? Révélons-nous vraiment qui nous sommes, ou cachons-nous quelque chose aux autres et à nous-mêmes ? »
Cette interrogation est au centre des recherches visuelles de Bas Losekoot. Avec Out of place, et depuis 2011, le photographe hollandais a parcouru les mégalopoles du monde entier pour étudier le comportement humain dans les villes les plus densément peuplées du monde. New York, São Paulo, Séoul, Mumbai, Hong Kong, Londres, Lagos, Istanbul et Mexico, autant de théâtres immenses et bouillonnants où se cristallisent les tensions humaines. « Je photographie les gens afin de les voir réellement, d’étudier les petits gestes significatifs qui révèlent leur personnalité et l’expérience urbaine contemporaine », poursuit l’artiste. En utilisant une rapide vitesse d’obturation, et un flash puissant, Bas Losekoot apporte son studio dans la rue pour figer des fractions de vie dans le paysage urbain. Et de ses mises en scène dramatiques se dégage une infinité de relations humaines.
© Bas Losekoot
Azaan Shah
Installé au Cachemire, le photographe Azaan Shah réalise des œuvres documentaires teintées d’un mysticisme obscur. « La vie est comme la terre qui bouge sur son axe. On est toujours en mouvement et pourtant on ne disloque pas », explique-t-il. Avec Hiraeth, l’artiste signe des images nostalgiques qui traitent d’un certain mal de pays – un sentiment de non-appartenance. De ses immersions il récolte des scènes de vie incertaines, où l’interprétation s’impose toujours comme à double tranchant. D’abord sombres et terrifiantes, ses images apparaissent alors subtilement comme des lueurs d’espoir, calmes et fragiles. « La rotation de la vie, d’un nid à un autre, projette un voile d’obscurité mais aussi de lumière », avance-t-il. Entremêlées dans des compositions au noir et blanc intense, ces multiples nuances révèlent les complexes réalités qui s’agencent devant l’objectif de l’artiste et se reflètent dans son esprit. Avec une écriture proche du nouveau documentaire, l’auteur saisit celles et ceux qui trouvent le salut dans les sanctuaires soufis de sa région d’adoption – administrée par l’Inde, et ravagée par la guerre. Voie spirituelle et mystique de l’Islam, le soufisme se présente comme un havre de paix dans un territoire de conflits et de souffrances. Une fracture certaine, retranscrites dans les clichés délicats d’Azaan Shah. Hiraeth exhibe le monde extérieur comme le reflet visuel d’un mal-être spirituel.
© Azaan Shah
Image d’ouverture : © Azaan Shah