Les coups de cœur #430

27 février 2023   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Les coups de cœur #430

Images d’archives, collages, superpositions… Nos coups de cœur #430 expérimentent avec le médium afin de se connecter à un temps passé. Alors que Safia Delta perce les mystères de sa famille qui lui est presque inconnue, Rossana Battisti plonge dans ses propres souvenirs avec rêverie et mélancolie.

Safia Delta

Dans My mother is a stranger (And I love her), Safia Delta désire percer le mystère de la figure maternelle. « En 2017, j’ai ressenti un besoin croissant de me plonger dans les photos de famille, un des derniers liens physiques qui me relient à une partie immergée de mon histoire. Avec ces archives, je décide de tisser un sentiment d’appartenance à travers une série de manipulations impliquant des éléments issus de l’environnement immédiat de ma mère, point de départ de mon questionnement », introduit l’artiste visuelle établie à Marseille. C’est ainsi qu’elle commence à associer du papier d’une boucherie arabe ou du film alimentaire aux photos de ses nièces et de ses parents. Par cette démarche artistique, la photographe explore les questions d’identité et de mémoire. Enfant unique, Safia Delta a grandi loin de son pays d’origine. En fouillant ses albums de famille, elle réalise un véritable « deuil de liens familiaux qui n’ont pas pu s’établir en raison de frontières géographiques et émotionnelles, influencées par le passé colonial de la France et les solutions que le pays a apportées à ce pan de son histoire et aux communautés concernées ». Principal matériau de création de l’artiste, l’archive se transforme en outil de compréhension, mais surtout en une possibilité de voyager dans un temps passé sans devoir se confronter au réel. Les vertus protectrices de ce procédé permettent à Safia Delta de résoudre des mystères familiaux tout en exposant l’esthétique du souvenir. Depuis 2021, dans un objectif de transmission et du partage des savoirs, Safia Delta s’implique au sein du programme de mentorat Tilawin. Un engagement féministe qui souligne la quête de représentation présente dans cette série et les autres projets de l’artiste. 

© Safia Delta© Safia Delta
© Safia Delta© Safia Delta
© Safia Delta© Safia Delta

© Safia Delta

Rossana Battisti

Passionnée par les vieilles images, l’odeur de l’ombre, du passé et de l’abandon, Rossana Battisti compose des visuels qui la rassurent et « font taire le bruit de la vie d’aujourd’hui ». Photographie argentique, écriture manuscrite, peinture, collage… L’artiste italienne expérimente le médium en intégrant de multiples procédés artistiques. Même sans appareil photo dans les mains, elle aime capturer mentalement des détails, des visages et des petites choses avec précision. Définissant sa pratique comme une « photographie émotionnelle », l’autrice ne cherche pas à photographier un objet, mais à saisir l’émotion, le sentiment que renvoie cet élément aux spectateurices. « Ma photographie est crépusculaire. Elle se promène dans le silence des parcs, entre les statues et l’odeur de la pluie en utilisant des objets éphémères et symboliques qui évoquent une mélancolie active », précise-t-elle. Ayant grandi entre les villes de Pérouse et Bergame, en Italie, la photographe s’imprègne de son enfance et son adolescence pour créer des images embuées de souvenirs. Elle se remémore, avec nostalgie, un temps passé : « On pouvait voir les escargots sortir en grand nombre les jours de pluie ; des prairies non cultivées où l’on peut cueillir des fleurs et sauver les scarabées du bord de la route pour ne pas être écrasés par les voitures. » Rêveuse et créative, Rossana Battisti s’inspire des films muets et du cinéma surréaliste qui utilisent une imagerie irrationnelle et la symbolique du rêve. « Je crois profondément au pouvoir salvateur de la beauté, je crois à la purification par la nature, je crois au mysticisme et je crois que l’art est la seule réponse à notre vie stérile », conclut l’artiste. 

© Rossana Battisti© Rossana Battisti

© Rossana Battisti

© Rossana Battisti© Rossana Battisti

© Rossana Battisti

© Rossana Battisti

Image d’ouverture : © Rossana Battisti

Explorez
Les coups de cœur #564 : Lycien-David Cséry et Ana da Silva
© Ana da Silva
Les coups de cœur #564 : Lycien-David Cséry et Ana da Silva
Lycien-David Cséry et Ana da Silva, nos coups de cœur de la semaine, prêtent attention aux détails. Le premier observe les objets et les...
03 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 27 octobre 2025 : communautés et rétrospectives
Jennifer et Saba, de la série We're Just Trying to Learn How to Love © Hamza Ashraf
Les images de la semaine du 27 octobre 2025 : communautés et rétrospectives
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, nous vous parlons de différentes communautés, de sentiments amoureux et de rétrospectives...
02 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Du cauchemar aux monstres : des séries photo pour Halloween
© Diego Moreno, ABISMOS, from the series Malign Influences, 2020
Du cauchemar aux monstres : des séries photo pour Halloween
Des peurs les plus enfouies aux allégories d'une minorité opprimée, des croyances étranges aux expérimentations en chambre noire pour...
31 octobre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Peinture, coulée d'or et sculpture : la séance de rattrapage Focus
Zoé Bleu Arquette. Une nuit étoilée, 2025 © Rose Mihman
Peinture, coulée d’or et sculpture : la séance de rattrapage Focus
Les photographes des épisodes de Focus sélectionnés ici proposent de découvrir la photographie à travers différentes techniques...
29 octobre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Laura Menassa : Beyrouth comme corps et paysage
© Laura Menassa
Laura Menassa : Beyrouth comme corps et paysage
Entre journal intime visuel et témoignage collectif, le travail de Laura Menassa explore la fragilité et la résilience au cœur de...
04 novembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
La sélection Instagram #531 : dans le brouillard
© Francesco Topino / Instagram
La sélection Instagram #531 : dans le brouillard
Le ciel s’assombrit, les températures chutent. La vision se brouille. Alors que l’automne nous enveloppe dans une brume quotidienne, les...
04 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
5 questions à Charlotte Abramow : le souvenir de Maurice
© Charlotte Abramow
5 questions à Charlotte Abramow : le souvenir de Maurice
Sept ans après la publication de son ouvrage Maurice, tristesse et rigolade, Charlotte Abramow rouvre les pages de l’histoire de son...
03 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #564 : Lycien-David Cséry et Ana da Silva
© Ana da Silva
Les coups de cœur #564 : Lycien-David Cséry et Ana da Silva
Lycien-David Cséry et Ana da Silva, nos coups de cœur de la semaine, prêtent attention aux détails. Le premier observe les objets et les...
03 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger