Cette semaine, les coups de cœur #435, Louise Almar et Christine Kuzbinki, mêlent l’intime au contemplatif. L’une se plaît à raconter de petites histoires énigmatiques, quand l’autre cherche à aller à l’essence des émotions.
Christine Kuzbinski
Chargée de communication à temps partiel et photographe autodidacte, Christine Kuzbinski fait de sa curiosité expansive une force créatrice puissante. Attirée par le voyage et par tout ce qu’il offre, elle aime se laisser porter pleinement dans l’atmosphère voluptueuse d’un lieu afin d’y figer toutes les petites choses agréables qui s’y déposent. « Pendant de nombreuses années, la danse a été mon principal moyen d’expression laissant peu de place à toute autre forme de pratique artistique. Une blessure m’a obligée à arrêter complètement et je n’ai repris que de manière épisodique depuis… J’ai toujours aimé la photographie, car le champ des possibles est infini. C’est un médium qui est accessible à tous·tes. J’aime l’idée qu’il puisse s’exprimer sur des supports différents », avoue-t-elle. Inspirée par les beaux livres, les couleurs enivrantes de Sally Mann ou l’œuvre de Josef Koudelka, autant que par les visages de ses proches, parents et enfants, Christine Kuzbinski entend aller à l’essentiel, au cœur des émotions. Une mission qu’elle s’est également donnée dans son ouvrage autoédité (É)MOUVANCES, sorti en décembre 2022. Des gouttes d’eau sur un visage plongé dans ses pensées, une ombre de pas élancés, des linges accrochés au ciel… Sensible aux autres et cherchant à dévoiler l’intime sans trop s’épancher, l’artiste réalise des monochromes d’une poésie subtilement composée. « Le noir et blanc correspond à ce que j’ai envie d’exprimer : le temps qui passe, l’intimité. Le côté intemporel et nostalgique. Selon moi, il est plus simple de provoquer l’émotion. Il laisse la part belle à l’imagination de celui ou celle qui regarde et sublime à merveille la lumière, quelle qu’en soit l’intensité », conclut-elle.
© Christine Kuzbinski
Louise Almar
« Ma première photographie date de quelques mois après la naissance de ma fille, il y a 11 ans. Contre toute attente, la maternité m’a donné le courage de créer mes propres images, le besoin impérieux de m’exprimer alors que je me sentais amputée de mot. Les photographies m’ont aidée et chacune d’entre elles est une alternative formelle d’un témoignage du présent, tel un herbier. La photographie a aussi été « ma chambre à moi » et un biais pour transcender l’ordinaire. » Après un passage par les beaux-arts et des études d’édition, Louise Almar – un pseudonyme qu’elle s’est donné de façon à s’affranchir de toutes étiquettes identitaires –, dit fabriquer des images plus qu’elle n’en capture. Installée en Bretagne, l’artiste aime s’inspirer de ses lectures et des émotions qu’elles lui suscitent. Se croisent alors des influences diverses comme les écrivaines Annie Arnaux ou Joyces Carol Oates, mais aussi des artistes et photographes « jusqu’au-boutistes » telles que Lee Miller ou Nan Goldin. « Mon univers est un travail sur l’intime, le mien et celui des vies que je croise. Une tentative de connexion directe avec des émotions enfouies. Ce sont des témoignages avant tout, toujours nuancés, car les titres que je donne à mes images sont des pistes. Un parfum de solitude aussi, celle qui nous lie, mais ne nous rapproche pas. Une sorte de journal ou mes expériences sont épinglées par des images en forme d’illustrations. Travailler sur les résonnances entre les formes, les matières et les lumières me permet de transcender le sujet, de m’en extraire », confie-t-elle. Ainsi sont fabriquées des images telles des histoires à raconter, des petits morceaux de contes sordides qui titillent nos sens pour nous laisser avec plusieurs questions en suspens et dont les réponses resteront enfouies dans le noir.
© Louise Almar
Image d’ouverture © Louise Almar