Cette semaine, nos coups de cœur #438, Marine Raimbaud et Boyan LI racontent l’humain en poésie et douceur. L’une cherche à capturer les élans de vie, quand l’autre injecte beaucoup de malice dans ses créations.
Marine Raimbaud
« Je cherche la vie. Une émotion, un regard, un mouvement. J’aime beaucoup pratiquer à l’argentique pour ça, une seule prise de vue, et c’est dans la boite. J’aime la magie du grain aussi. Un paysage seul ne va pas spécialement m’inspirer, il me manque quelque chose. J’ai le besoin de mettre en lumière une personnalité. », avoue avec lucidité Marine Raimbaud. Installée à Saint Gilles Croix de Vie en Vendée – les fenêtres ouvertes sur l’océan atlantique –, elle s’est tournée vers le 8e art grâce à sa mère, grande amatrice de portraits, avant de le délaisser au profit de la peinture acrylique. Ce n’est qu’à partir de 2020, alors qu’elle se procure un Fujifilm xt4, qu’elle reprend goût à l’image et à sa capacité de construire avec la lumière autant que dévoiler l’humain. « Je suis une très grande fan de Xavier Dolan ! Les relations humaines sont au centre de son art et ça, j’adore. La complexité d’une relation. Sa façon de filmer, les gros plans sur certains détails physiques, les vêtements, accessoires, la couleur, les musiques… J’aime tout. J’ai dû visionner Mommy une dizaine de fois, surement l’un de mes préférés avec le splendide Laurence Anyways. Coloré et sombre à la fois », explique-t-elle. À l’instar de ses influences cinématographiques, ses images révèlent avec douceur des éléments à la simplicité rassurante. S’amusant des teintes, des effets de sous-exposions ou de surexpositions, Marine Raimbaud laisse les visages et les corps réagir, danser, s’émerveiller sans les déranger. Elle les encapsule dans leurs envolées, les dérobant au sommeil, en un clic. Et dans l’ensemble de son œuvre, une protagoniste revient assez naturellement, comme un liant à tout le reste. « Je me baigne toute l’année été comme hiver dans l’océan. C’est un véritable rituel, un temps pour déconnecter. Le lien avec l’eau est bien réel. J’ai beaucoup d’images à la mer, car je suis attirée par la photographie en extérieur accompagnée d’une lumière authentique. La mer est mon environnement, ma maison, alors c’est mon terrain de jeu. »
© Marine Raimbaud
Boyan LI
Né en Chine, et ayant clôturé ses études d’arts plastiques à la Sorbonne, Boyan Li – ou Simon, son surnom emprunté à un film français –, travaille désormais à Paris en tant que photographe, répondant à la fois à des commandes et à ses envies personnelles. C’est assez tôt qu’il se confronte au médium, d’abord à travers les albums de famille feuilletés avec son grand-père, puis plus tard alors qu’il photographie les alentours de la Cité interdite lors d’un voyage avec ses parents. De ces premiers tâtonnements artistiques, Boyan Li a bien muri, et son identité photographique avec. « Je photographie, je construis et je détruis. Chaque élément a toujours eu une signification claire, il n’existait pas de choses indicibles, tout était dit et résolu, comme dans la photo, en un “clic” : chose conclue et figée. C’est révolu et on n’en parle plus. On tourne la page. Quand je regarde dans ce passé à l’aide des photographies, la mémoire altérée forme des scènes de vie complètement autonomes par l’erreur et par l’imagination, ce qui me trouble. La photographie en tant que preuve d’un temps presque “physique” et “fictive” me fascine ». Caractérisé par ses ami·es de personne sarcastique, l’artiste se considère davantage comme un conteur d’émotions, qu’elles soient légères, ironiques ou oniriques, et se joue des idées préconçues. Inspiré par les beaux livres, les voyages et tout particulièrement par le symbolisme rimbaldien, Boyan Li part puiser dans son intuition et dans ses ressentis inconscients afin de composer des petites histoires fantasques. « Parfois, mes cauchemars sont source d’inspiration et m’incitent à réfléchir à ma propre existence. Par exemple, j’en ai fait un dans lequel je me trouvais au milieu de la salle des glaces du château de Versailles, sur le lit royal de Louis XIV, en train d’avoir des relations sexuelles avec un melon. Tout à coup, les miroirs se sont brisés et derrière, des milliers de journalistes me photographiaient avec des flashs flamboyants. Au réveil, ça m’a poussé à interroger la notion de “voir” et “d’être vu” », déclare-t-il amusé. Alors avec un brin de dérision et une couche d’esthétisme, il nous raconte des « récits parallèles » de notre monde réel.
© Boyan LI
Image d’ouverture © Boyan LI