Pauline Köhlen et Ryan Young, nos coups de cœur de la semaine, s’intéressent à une forme d’ancrage. La première interroge notre relation à l’espace-temps tandis que le second capture les contours d’un territoire familier.
Pauline Köhlen
C’est après avoir travaillé sur l’héritage des traumatismes que Pauline Köhlen a eu l’idée de concevoir Odyssée. De fait, cette précédente série lui a permis de prendre du recul, de s’intéresser à la manière dont les êtres se construisent à partir de leur environnement et d’adopter, in fine, une approche bien plus abstraite. « [J’ai] dépla[cé] mon attention du fragile continuum corps-esprit vers une vision du soi existant dans un triangle d’espace, de temps et de corps. Le projet soulève les interactions entre ces éléments qui se façonnent les uns les autres. En utilisant la photographie, je peux manipuler le temps et modifier la perception d’un lieu. Grâce à de longues expositions, des traces autrement invisibles se révèlent, et je deviens l’outil qui permet d’examiner l’espace », assure-t-elle. Puisant dans les concepts du géographe Yi-Fu Tuan, les toiles de Lee Kun-Yong et les différentes œuvres d’Ana Mendieta, de Rebecca Horn et de Richard Long, l’artiste allemande compose ainsi des monochromes parsemés de lueurs, pensés à la manière de performances l’incitant à prendre toujours plus de risques. « Cette approche facilite un dialogue qui met l’accent sur le sens du soi et de l’échelle. J’emploie des images qui exsudent l’immobilité et d’autres qui émergent à travers le mouvement. Mon objectif est de repousser les limites du médium, en l’utilisant non seulement comme un outil de documentation, mais aussi comme un moyen d’exploration et d’expression personnelle », conclut-elle.
Ryan Young
Ryan Young a fait de l’identité son thème de prédilection. « Tout au long de ma carrière, je me suis attaché à raconter visuellement l’histoire d’individus de tous horizons, qu’il s’agisse de stars montantes de la NBA, de sans-abris le long des côtes californiennes, de personnes travaillant dans les élevages du Dakota du Nord ou dans les entreprises technologiques de la Silicon Valley. L’élément unificateur est les conséquences uniques que mes sujets ont sur leurs communautés, que ce soit par leur métier, leur sport ou leur mode de vie », indique-t-il. Dans le corpus qu’il nous présente aujourd’hui, ce natif de San Francisco a rassemblé des clichés réalisés dans la région d’East Bay. Ceux-ci se révèlent comme les fragments d’un territoire traversé par les souvenirs. « Je travaille souvent sur des missions plus structurées, souligne le photographe de commande. Il est donc rafraîchissant de se libérer de ces contraintes et d’être simplement présent, en capturant un endroit qui me semblera toujours être chez moi. Documenter la vie de mes proches, de leur famille grandissante et la mienne est un projet que je ne me vois pas terminer. C’est une chronique permanente faite de liens, de changements et de racines qui s’approfondissent avec le temps. »