Les envolées telluriques de Léna Maria

29 décembre 2021   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Les envolées telluriques de Léna Maria

À travers sa pratique photographique, Léna Maria fait de la nature un espace poreux, où s’immiscent songes, croyances et aventures. Une œuvre organique à la croisée des sciences et de la poésie.

« Comme un prélude à ma pratique photographique, enfant, je collectionnais des images. Je construisais mes premières expérimentations sous la forme de carnets. J’étais envoutée par le potentiel narratif de la photographie, et je lui donnais un caractère magique »,

se souvient Léna Maria. Née à Perpignan en 1985, la photographe a grandi entre les Pyrénées et la Méditerranée. Un environnement qui forge son imaginaire, et infuse – encore aujourd’hui – sa pratique artistique. C’est après avoir étudié l’anthropologie et la géographie que l’autrice se tourne vers le médium, forte de son expérience du territoire. « Mes connaissances ont été déterminantes, j’ai appris les postures de décentrement, d’observation, puis la connexion à la matière, à la terre, à toutes ces espèces d’espaces dont parle Perec », précise-t-elle.

Pour Léna Maria, la création d’images est « une exploration, une traversée, une quête méditative, aussi ». Jouant avec les frontières – physiques comme oniriques – elle construit un monde où l’étrange s’invite dans le réel, distille des nuances surréelles, pour mieux relier les différentes fibres du vivant. Une manière pour elle de questionner la temporalité, les êtres, comme le paysage, en représentant un espace hors de tout, arpenté seulement par les éléments, et quelques braves âmes en errance. « Mais tout part du vivant. Qu’importe le support, je peux être embarquée par toutes sortes d’expériences du sensible », ajoute l’autrice.

© Léna Maria

Des archipels imaginaires

Les corps dénudés, flous, figés dans une transe, les courbes sombres des racines, les rivages ocre et les montagnes dorées composent les clichés de l’artiste. Un ensemble organique où les paysages et leurs arpenteurs se mélangent dans une osmose poétique. Une harmonie qu’elle parvient à créer à l’aide d’une palette de couleurs singulières. « En fonction des sensations que je veux transmettre, je vise des tonalités tantôt crépusculaires et nocturnes, tantôt solaires ou fauves. Avec la couleur, j’explore le côtoiement entre onirisme, magie et mythe. Mes photographies en noir et blanc sont quant à elles souvent réservées aux apparitions : celles d’individu·e·s ou de corps », explique Léna Maria. Un véritable langage qui, au-delà de l’explicite, parvient à insuffler au spectateur les fragments nécessaires à la compréhension de son conte.

Car dans ses séries, nos héritages, nos influences chavirent les uns dans les autres, pour former un univers cosmopolite où les flous demeurent et appellent au rêve. « J’aime la porosité au sens organique du terme, celle des regards, des échelles. Je souhaite susciter un déplacement dans nos représentations en parcourant nos croyances, nos cosmogonies géographiques, nos mythologies personnelles. Celles qui définissent nos relations à l’ici et à l’ailleurs. Mon lieu est un espace vécu au caractère tellurique fort, en connexion avec le monde minéral, végétal et animal. Je crois que j’entends avant tout protéger ce rapport de complicité que j’entretiens avec lui. Il provoque des sensations chez moi, qui finalement restent un peu mystérieuses. Et j’ai besoin de ce mystère-là », complète-t-elle. Nourrie par les écrits d’Orwell, de Tolkien, de Barjavel ou encore de Jules Verne – dont les aventures rythmaient son enfance – comme par les œuvres de Sarah Moon, Harry Gruyaert, Gabrielle Duplantier et Alisa Resnik, Léna Maria capture alors sa propre immersion dans la nature. Une plongée brute et totale dans un territoire sauvage, où l’inconnu imprègne l’atmosphère, où les sens prennent le dessus pour enfin révéler le « caractère sacré, souverain du lieu ». « Nos récits sont comme des sédiments, et l’on peut trouver dans leurs interstices des archipels imaginaires », conclut l’artiste.

© Léna Maria

© Léna Maria© Léna Maria

© Léna Maria© Léna Maria

© Léna Maria© Léna Maria
© Léna Maria© Léna Maria
© Léna Maria© Léna Maria
© Léna Maria© Léna Maria

© Léna Maria

© Léna Maria

Explorez
Dans l’œil de Juliette-Andréa Élie : éprouver le paysage qui se transforme
© Juliette-Andréa Élie, œuvre réalisée dans le cadre d'une résidence au musée Nicéphore Niépce
Dans l’œil de Juliette-Andréa Élie : éprouver le paysage qui se transforme
Cette semaine, plongée dans l’œil de Juliette-Andréa Élie. Au moyen de diverses techniques, la photographe et plasticienne compose des...
22 juillet 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Dans l’œil de Massimiliano Corteselli : l’inextinguible feu du mont Chimère
© Massimiliano Corteselli
Dans l’œil de Massimiliano Corteselli : l’inextinguible feu du mont Chimère
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de Massimiliano Corteselli, auteur de la série Contrapasso. Dans ce projet au long cours, dont nous...
15 juillet 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Change à la Galerie Triangle : six histoires de ravage et d'espoir
© Dana Tentea / Courtesy of Galerie Triangle
Change à la Galerie Triangle : six histoires de ravage et d’espoir
Du 1er au 14 juillet, dans le cadre des Rencontres d’Arles, la Galerie Triangle consacre une exposition à la cause environnementale, et...
28 juin 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Une photographie contemporaine 100% nature à l’Abbaye de l’Épau
© Myrto Papadopoulos
Une photographie contemporaine 100% nature à l’Abbaye de l’Épau
Jusqu’au 3 novembre, l’Abbaye de l’Épau présente Dans les herbes hautes, une série d’expositions contemplatives qui ont lieu dans son...
27 juin 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Jeux olympiques : ces séries de photographies autour du sport
© Cait Oppermann
Jeux olympiques : ces séries de photographies autour du sport
Ce vendredi 26 juillet est marqué par la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. À cette occasion, nous vous...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Transcendance par Kyotographie : promenade contemporaine au Japon
© Iwane Ai. A New River series, 2020. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Transcendance par Kyotographie : promenade contemporaine au Japon
À l’occasion des dix ans du Festival, Kyotographie investit les Rencontres d’Arles pour la première fois. L’exposition...
Il y a 11 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
© Jules Ferrini
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
À travers deux séries, Noires sœurs et Modern Sins, Jules Ferrini plie la lumière et le temps pour faire vibrer l’obscurité d’un...
26 juillet 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Robin de Puy : partout, l’eau au centre du paysage
© Robin de Puy
Robin de Puy : partout, l’eau au centre du paysage
L'exposition Waters & Meer - Robin de Puy revient sur deux séries de la photographe néerlandaise. Un hommage aux populations rurales...
25 juillet 2024   •  
Écrit par Costanza Spina