Sujets insolites ou tendances, faites un break avec notre curiosité de la semaine. La photographe Claudia Corrent mélange images d’archive et paysages contemporains. Une façon pour elle de construire un monde imaginaire idéal.
Après avoir étudié la philosophie à l’université, Claudia Corrent, photographe italienne de 39 ans, plonge dans le 8e art. « Pour être honnête, je suis intéressée par ce média depuis le jour où mon père a rapporté un boîtier à la maison, lorsque j’étais adolescente. J’ai toujours été fascinée par les images, et je me souviens que je réarrangeais sans cesse les clichés de nos albums de famille lorsque j’étais jeune », se souvient-elle.
D’abord intéressée par les reportages, l’artiste s’est ensuite tournée vers la photographie de paysage et d’archive. Deux esthétiques qu’elle fusionne grâce à une vision profondément humaniste. Dans Per te, per ricordarti spesso (Pour toi, pour que tu te souviennes souvent d’elle), un projet hybride, mêlant passé et présent, symbolisme et réalisme, Claudia Corrent place ses sujets dans un environnement intemporel. « Tout a commencé lorsqu’on m’a confié les photographies d’une femme nommée Mirta, née dans les années 1920 à Trento, à quelques kilomètres de chez moi » raconte l’artiste. En parallèle, l’auteure collectait des clichés d’une petite fille appelée Doris. Des trésors qu’elle dénichait dans des marchés aux puces. « Sans connaître ces femmes, je pouvais deviner des bribes de leurs vies, imaginer leurs souvenirs en comparant ma vie à la leur », confie l’artiste. Une introspection lui permettant de réunir ces inconnues dans un même récit.
Objets puissants
Trois générations se rencontrent ainsi au cœur de Per te, per ricordarti spesso – une légende inscrite au dos d’une des images récoltées : Mirta et Doris, la tante et le père de Claudia Corrent, puis ses cousines et ses sœurs. Un projet complexe entrelaçant les notions de famille, de mémoire et d’imaginaire. « Il s’agit d’une sorte de paysage de l’esprit. Un panorama qui change en fonction de mon ressenti, de mes émotions », confie l’auteure, qui perçoit les images d’archive comme des créations insensibles au passage du temps. Pour elle, les clichés, loin d’être futiles ou fragiles, deviennent des objets puissants, des icônes existant à leur façon.
Des créations si précieuses qu’elles permettent de refermer les failles du passé. « Cette série provient d’un besoin personnel de mettre à plat certains détails de ma vie. Il y a quelques années, j’ai découvert un concept venu de la culture juive, Tikkun, qui m’a fascinée : cela signifie réparer », explique la photographe. Un voyage dans le temps métaphorique, effaçant les erreurs de son « moi » antérieur. En intervenant sur ces images d’archive, Claudia Corrent invente une vérité alternative et change l’histoire. Elle construit alors un univers où archaïsme et modernité se mêlent, efface les démons de l’avant et imagine un après paisible, idéal et presque palpable.
© Claudia Corrent