Les Rencontres d’Arles, en plus d’être le rendez-vous d’expositions photographiques de l’année, c’est aussi un déploiement des livres photo en tout genre. Entre Arles Book Fair qui s’est établi à l’ENSP et au Collège Saint-Charles, et Mirage, installé entre la librairie du Palais et la rue de Vernon, les maisons d’édition ont présenté des ouvrages aux récits visuels poignants, drôles ou étranges. La rédaction de Fisheye en a sélectionné quelques-uns rien que pour vous.
Father : Diana Markosian
Rouge, au velours délicat, incrusté de lettres d’or et d’une silhouette d’argent. Sous cette couverture intrigante se dévoile, au fil des pages, l’histoire singulière de Diana Markosian, dont l’exposition homonyme est actuellement déployée à l’espace Monoprix pour les Rencontres d’Arles. « Tout au long de ma vie, mon père n’a représenté qu’une silhouette dans l’album de famille », écrit l’artiste qui, dans cet écrin en édition limitée, retrace les années d’absence et les retrouvailles avec son père en Arménie après dix-huit ans de séparation. Celui-ci, découvrant la fuite abrupte de son ex-épouse avec ses deux enfants en 1996, passe sa vie à la recherche de sa fille et de son fils, envoyant des annonces dans la presse ou contactant ambassades et cabinets présidentiels. Pendant dix ans, Diana Markosian reconstruit la relation avec son père – un parfait inconnu –, lors de nombreuses visites en Arménie. Ces échanges intimes sont consignés dans cet ouvrage avec beaucoup de poésie et conduisent les lecteur·ices à se questionner sur le lien familial. Dans chacun des livres se trouve par ailleurs une enveloppe vide qui invite celles et ceux qui croisent sur le chemin ce recueil à partager leurs propres histoires de pertes ou de renouement.
Marie Baranger
144 pages
45 €
To tell my real intentions, I want to eat only haze like a hermit : Katherine Longly
Une barbe à papa arc-en-ciel sur un fond blanc épuré – douceur typique de Takeshita-dōri, dans le quartier fashion de Harajuku, à Tokyo – indique subtilement le territoire exploré dans ce livre signé Katherine Longly. Ce dernier, dont le titre, To tell my real intentions, I want to eat only haze like a hermit, interroge, est une œuvre collaborative mêlant recherche visuelle et textuelle sur notre rapport à la nourriture. « Manger n’est jamais seulement un acte technique », écrit-elle en ouverture. Composé d’un livret anthropologique annexe, d’archives personnelles de l’artiste, de collages pop et de témoignages intimes récoltés durant plusieurs résidences au Japon, l’ouvrage présente le rôle que l’alimentation joue dans nos vies autant par le prisme du plaisir, du contrôle ou de la connexion aux autres. Chaque personne interrogée a illustré elle-même sa relation à la nourriture à l’aide d’un appareil photographique jetable fourni par Katherine Longly. Parmi elles et eux, Yuki, Ren ou encore Mina confient aussi bien par l’image que par l’écrit des récits profondément sincères sur les troubles de l’alimentation, les recettes de cuisine d’un parent disparu, les goûts de l’enfance et les diktats de la minceur.
Marie Baranger
Livre : 224 pages
Livret : 40 pages
49 €
Le Bruissement entre les murs : Clara Chichin et Sabatina Leccia
Les impressions que suscitent certains ouvrages laissent une trace pérenne dans notre esprit. C’est le cas du Bruissement entre les murs de Clara Chichin et Sabatina Leccia. Prenant les murs à pêches de Montreuil pour sujet, il s’impose comme un véritable objet d’art et de savoir-faire, qui a notamment été sélectionné pour le prix unique du livre et le prix du livre d’auteur aux Rencontres d’Arles 2025. À mesure que les pages se tournent, les sens s’éveillent. Des inserts imprimés en risographie sont glissés çà et là. Le lecteur peut les saisir et les contempler autrement en les plaçant dans les rais de lumière. Les quelques exemplaires en édition limitée se distinguent davantage par leur couverture en washi, ce délicat papier japonais réalisé à la main. La flore immortalisée reprend des couleurs grâce à des encres végétales tandis que la surface de l’image est piquée à l’aiguille. Publié chez Sun/Sun, ce fin volume de 104 pages invite ainsi à éprouver la matière du bout des doigts. Il évoque tout autant la senteur des fleurs et le souffle du vent entre les feuilles des arbres. À travers ce projet, les deux artistes proposent un voyage au cœur de la nature ou une pause bienvenue dans le tumulte du quotidien.
Apolline Coëffet
104 pages
À partir de 65 €