Déferlante de livres photo à Arles : ceux dans le viseur de la rédaction

Déferlante de livres photo à Arles : ceux dans le viseur de la rédaction
To tell my real intentions, I want to eat only haze like a hermit © Katherine Longly
Image d'une lettre retournée à son expéditeur
Extrait de Father (Atelier EXB Paris, 2024) © Diana Markosian

Les Rencontres d’Arles, en plus d’être le rendez-vous d’expositions photographiques de l’année, c’est aussi un déploiement des livres photo en tout genre. Entre Arles Book Fair qui s’est établi à l’ENSP et au Collège Saint-Charles, et Mirage, installé entre la librairie du Palais et la rue de Vernon, les maisons d’édition ont présenté des ouvrages aux récits visuels poignants, drôles ou étranges. La rédaction de Fisheye en a sélectionné quelques-uns rien que pour vous.

Father : Diana Markosian

Rouge, au velours délicat, incrusté de lettres d’or et d’une silhouette d’argent. Sous cette couverture intrigante se dévoile, au fil des pages, l’histoire singulière de Diana Markosian, dont l’exposition homonyme est actuellement déployée à l’espace Monoprix pour les Rencontres d’Arles. « Tout au long de ma vie, mon père n’a représenté qu’une silhouette dans l’album de famille », écrit l’artiste qui, dans cet écrin en édition limitée, retrace les années d’absence et les retrouvailles avec son père en Arménie après dix-huit ans de séparation. Celui-ci, découvrant la fuite abrupte de son ex-épouse avec ses deux enfants en 1996, passe sa vie à la recherche de sa fille et de son fils, envoyant des annonces dans la presse ou contactant ambassades et cabinets présidentiels. Pendant dix ans, Diana Markosian reconstruit la relation avec son père – un parfait inconnu –, lors de nombreuses visites en Arménie. Ces échanges intimes sont consignés dans cet ouvrage avec beaucoup de poésie et conduisent les lecteur·ices à se questionner sur le lien familial. Dans chacun des livres se trouve par ailleurs une enveloppe vide qui invite celles et ceux qui croisent sur le chemin ce recueil à partager leurs propres histoires de pertes ou de renouement. 

Marie Baranger

couverture de Father de Diana Markosian
Atelier EXB
144 pages
45 €
Un père prend en photo sa fille qui lit le journal à la table du petit déjeuner
Extrait de Father (Atelier EXB Paris, 2024) © Diana Markosian
collage d'une femme en kimono
To tell my real intentions, I want to eat only haze like a hermit © Katherine Longly

To tell my real intentions, I want to eat only haze like a hermit : Katherine Longly

Une barbe à papa arc-en-ciel sur un fond blanc épuré – douceur typique de Takeshita-dōri, dans le quartier fashion de Harajuku, à Tokyo – indique subtilement le territoire exploré dans ce livre signé Katherine Longly. Ce dernier, dont le titre, To tell my real intentions, I want to eat only haze like a hermit, interroge, est une œuvre collaborative mêlant recherche visuelle et textuelle sur notre rapport à la nourriture. « Manger n’est jamais seulement un acte technique », écrit-elle en ouverture. Composé d’un livret anthropologique annexe, d’archives personnelles de l’artiste, de collages pop et de témoignages intimes récoltés durant plusieurs résidences au Japon, l’ouvrage présente le rôle que l’alimentation joue dans nos vies autant par le prisme du plaisir, du contrôle ou de la connexion aux autres. Chaque personne interrogée a illustré elle-même sa relation à la nourriture à l’aide d’un appareil photographique jetable fourni par Katherine Longly. Parmi elles et eux, Yuki, Ren ou encore Mina confient aussi bien par l’image que par l’écrit des récits profondément sincères sur les troubles de l’alimentation, les recettes de cuisine d’un parent disparu, les goûts de l’enfance et les diktats de la minceur.

Marie Baranger

Three Books Publishing
Livre : 224 pages
Livret : 40 pages
49 €
Vue d'un livre avec une photo d'une verre
To tell my real intentions, I want to eat only haze like a hermit © Katherine Longly
Vue d'un livre avec une gazinière
To tell my real intentions, I want to eat only haze like a hermit © Katherine Longly
Photographie piquetée de Clara Chichin et Sabatina Leccia montrant les murs à pêches de Montreuil
© Clara Chichin et Sabatina Leccia / Lucie Pastureau

Le Bruissement entre les murs : Clara Chichin et Sabatina Leccia

Les impressions que suscitent certains ouvrages laissent une trace pérenne dans notre esprit. C’est le cas du Bruissement entre les murs de Clara Chichin et Sabatina Leccia. Prenant les murs à pêches de Montreuil pour sujet, il s’impose comme un véritable objet d’art et de savoir-faire, qui a notamment été sélectionné pour le prix unique du livre et le prix du livre d’auteur aux Rencontres d’Arles 2025. À mesure que les pages se tournent, les sens s’éveillent. Des inserts imprimés en risographie sont glissés çà et là. Le lecteur peut les saisir et les contempler autrement en les plaçant dans les rais de lumière. Les quelques exemplaires en édition limitée se distinguent davantage par leur couverture en washi, ce délicat papier japonais réalisé à la main. La flore immortalisée reprend des couleurs grâce à des encres végétales tandis que la surface de l’image est piquée à l’aiguille. Publié chez Sun/Sun, ce fin volume de 104 pages invite ainsi à éprouver la matière du bout des doigts. Il évoque tout autant la senteur des fleurs et le souffle du vent entre les feuilles des arbres. À travers ce projet, les deux artistes proposent un voyage au cœur de la nature ou une pause bienvenue dans le tumulte du quotidien.

Apolline Coëffet

Éditions Sun/Sun
104 pages
À partir de 65 €
Photographie partiellement colorée de Clara Chichin et Sabatina Leccia montrant les murs à pêches de Montreuil
© Clara Chichin et Sabatina Leccia / Lucie Pastureau
À lire aussi
Rencontres d'Arles 2025 : les coups de cœur de la rédaction
Montagne de Corte, Corse, 2022. © Jean-Michel André. Avec l’aimable autorisation de l’Institut pour la photographie / Galerie Sit Down.
Rencontres d’Arles 2025 : les coups de cœur de la rédaction
En parallèle de ses articles sur la 56e édition des Rencontres d’Arles, qui se tient jusqu’au 5 octobre 2025, la rédaction…
12 juillet 2025   •  
Nan Goldin, lauréate du prix Women in Motion 2025, présente Syndrome de Stendhal
Jeune amour, 2024 © Nan Goldin. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Gagosian.
Nan Goldin, lauréate du prix Women in Motion 2025, présente Syndrome de Stendhal
Ce mardi 8 juillet, Nan Goldin a reçu le prix Women in Motion au Théâtre Antique d’Arles, qui affichait complet. À cette occasion…
11 juillet 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
18 séries photo à découvrir aux Rencontres d'Arles 2025
Extrait de Father (Atelier EXB Paris, 2024) © Diana Markosian
18 séries photo à découvrir aux Rencontres d’Arles 2025
Alors que la 56e édition des Rencontres de la photographie d’Arles approche à grands pas, la rédaction de Fisheye vous invite à…
11 juin 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Explorez
Maryam Firuzi : broder la mémoire, photographier la révolte
© Maryam Firuzi
Maryam Firuzi : broder la mémoire, photographier la révolte
Photographe et artiste iranienne, Maryam Firuzi explore la mémoire collective et les silences imposés aux femmes à travers une œuvre où...
18 octobre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Goliarda Sapienza regardée par Francesca Todde
Francesca Todde, IUZZA. Goliarda Sapienza, Fiordo di Furore (SA), house built into the cliff rock, 2024
Goliarda Sapienza regardée par Francesca Todde
Avec IUZZA. Goliarda Sapienza, Francesca Todde propose un livre qui explore l’imaginaire de l’autrice sicilienne, sans chercher à...
17 octobre 2025   •  
Écrit par Milena III
Dans l'œil de Nathalie Champagne : la résilience de Ludivine
Ludivine, attente avant la compétition, Championnat de France, Reims, 2022 © Nathalie Champagne
Dans l’œil de Nathalie Champagne : la résilience de Ludivine
Nathalie Champagne signe sa première publication aux éditions Photopaper. Figures imposées, figures libres retrace le parcours de...
13 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Jeu de Paume : Luc Delahaye, le monde en suspens
© Luc Delahaye
Jeu de Paume : Luc Delahaye, le monde en suspens
Luc Delahaye, ancien grand reporter devenu artiste, transforme le regard documentaire en une méditation silencieuse sur le monde. De ses...
11 octobre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 13 octobre 2025 : parcours photographique 
© Sander Vos
Les images de la semaine du 13 octobre 2025 : parcours photographique 
C’est l’heure du récap ! En ce premier week-end des vacances de la Toussaint, les pages de Fisheye vous présentent des expositions à...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Maryam Firuzi : broder la mémoire, photographier la révolte
© Maryam Firuzi
Maryam Firuzi : broder la mémoire, photographier la révolte
Photographe et artiste iranienne, Maryam Firuzi explore la mémoire collective et les silences imposés aux femmes à travers une œuvre où...
18 octobre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Rachel Seidu : être queer à Lille et à Lagos, une fierté émancipatrice
Peas in a Pod II, Emma et Maë, Lille, 2025. © Rachel Seidu
Rachel Seidu : être queer à Lille et à Lagos, une fierté émancipatrice
Dans le cadre du programme hors les murs de l’Institut pour la photographie de Lille, l’artiste nigériane Rachel Seidu expose Peas in a...
17 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Goliarda Sapienza regardée par Francesca Todde
Francesca Todde, IUZZA. Goliarda Sapienza, Fiordo di Furore (SA), house built into the cliff rock, 2024
Goliarda Sapienza regardée par Francesca Todde
Avec IUZZA. Goliarda Sapienza, Francesca Todde propose un livre qui explore l’imaginaire de l’autrice sicilienne, sans chercher à...
17 octobre 2025   •  
Écrit par Milena III