Le photographe Bryan Schutmaat est allé à la rencontre des communautés minières de l’Ouest américain. Il signe, avec Grays the Mountain Sends, une fiction poignante, entre lyrisme et désillusion.
Photographe installé au Texas, Bryan Schutmaat se définit comme un vagabond. C’est en voyageant de territoire en territoire qu’il cherche l’inspiration. Il développe ensuite ses idées en explorant les lieux et les personnages qui les habitent. Sa série Grays the Mountain Sends prend racine dans l’Ouest américain. « J’ai toujours été intéressé par cet endroit. J’avais déjà commencé des travaux autour de ce sujet, mais ceux-ci ne comportaient que des paysages, confie le photographe. Lorsque je me rendais dans ces petites communautés de l’ouest, je voyais des jeunes, de mon âge, et je m’interrogeais sur leurs vies. »
Si Bryan Schutmaat a d’abord été charmé par la beauté des paysages et l’histoire complexe des territoires, les rencontres avec les habitants de la région ont terni cette vision idyllique. « Je me suis donc lancé dans le portrait, afin d’interagir avec ces gens, de me familiariser avec leur environnement. C’est la genèse de Grays the Mountain Sends », précise l’artiste.
Un passé plus glorieux
« En 2010, j’ai découvert le poème
Degrees of Gray in Philipsburg de Richard Hugo. Un texte narré par un homme venu d’une ancienne ville minière. Lorsqu’on le lit, il nous semble que l’auteur maudit le présent, parce qu’il ne ressemble pas au passé », explique Bryan Schutmaat. Les mots du poète le bouleversent et transforment ses photographies. Dans les portraits de l’artiste, les regards se font las, nostalgiques. Tous semblent regretter le monde d’autrefois. « Il existe une disparité entre ce qui fut et ce qui est. J’ai donc étudié les vestiges de la “destinée manifeste” [idéologie selon laquelle la nation américaine avait pour mission divine l’expansion de la civilisation vers l’Ouest, ndlr] et du mythe de l’Ouest américain », explique le photographe.
La série construit un récit mélancolique, bercé par la beauté des territoires sauvages et la tristesse des différents portraits. Un univers aux frontières de la fiction. « Le processus photographique ne capture pas la réalité, il enlève des éléments réalistes », précise Bryan Schutmaat. À travers le regard des habitants de villes minières, Grays donne à voir un monde « individualiste, masculin, forgé par l’idée du Far West ». Sur les clichés, les images d’animaux – aigles, chevaux, bisons ou loups – évoquent un passé plus glorieux. Entre lyrisme et désillusion, le photographe dépeint une communauté solitaire, perdue entre deux ères.
© Bryan Schutmaat