« Mabel, Betty & Bette » : Yelena Yemchuk décline les archétypes de la féminité

08 mars 2023   •  
Écrit par Apolline Coëffet
« Mabel, Betty & Bette » : Yelena Yemchuk décline les archétypes de la féminité
Dans son ouvrage Mabel, Betty & Bette, Yelena Yemchuk raconte l’histoire de trois femmes de fiction, identifiables par leurs perruques, qui déclinent chacune un archétype de la féminité. Par ce prisme, la photographe ukrainienne entend dévoiler la complexité des différentes facettes que peut avoir une seule et même personne.

« Tout a commencé dans un marché aux puces new-yorkais. J’ai trouvé cette ancienne photographie de deux femmes assises sur un canapé. Par une opération de collage, quelqu’un avait remplacé leur tête par celles de starlettes des années 1950. Pour je ne sais quelle raison, cette vision m’a donné une vague idée, j’ai écrit trois nouvelles qui ont servi de trame narrative et cela s’est concrétisé ainsi. » C’est en ces quelques phrases que Yelena Yemchuk revient sur la genèse de Mabel, Betty & Bette, un ouvrage étonnant dans lequel de simples perruques suffisent à créer trois personnages identifiables en dépit du fait qu’ils soient incarnés par une cinquantaine de femmes différentes, qui déclinent toutes à leur manière un archétype de la féminité. Derrière cette l’idée se cache une envie de révéler un échantillon des innombrables facettes que peut revêtir une même personnalité selon les contextes.

Une multitude de visages

 « Je suis une conteuse d’histoires et j’aime interagir avec les gens. J’adore quand une connexion survient et se transforme en source de création. Plus je photographiais de femmes pour ce projet, plus l’identité de Mabel, Betty et Bette devenait intéressante. Elle évoluait constamment, des couches s’ajoutaient au fur et à mesure », poursuit l’artiste ukrainienne. Inspirée par l’âge d’or hollywoodien et cette conception de la femme idéale portée par le cinéma d’alors, Yelena Yemchuk superpose cette époque lointaine à des espaces contemporains, sauvages ou urbains, qui achèvent de distiller le trouble. « Je voulais créer un endroit où le temps n’existe pas », étaye-t-elle. Ici, les figures féminines agissent « comme un palier entre deux mondes » et cristallisent, en contrepoint, une perte de soi où la vulnérabilité fragile, incombée à la féminité, se heurte à une réelle force de caractère.  

Entre les failles jaillit toute l’essence d’un être pluriel dont la crise suscite la curiosité autant qu’elle interroge. Quoique composé d’une multitude de visages, Mabel, Betty et Bette ne forment finalement qu’un seul et même individu, tiraillé par trois images de la féminité auxquelles il essaye de répondre tant bien que mal. « Parfois, nous entrevoyons quelque chose de mystérieux qui est en nous, mais qui ne nous est pas familier pour autant. On ne saurait dire si cela vient de notre passé ou d’un rêve, on se retrouve dans un espace qui a tout l’air d’un autre monde. Je voulais que ces personnages existent dans cette réalité flottante, entre notre conscience et notre subconscient, dans laquelle un nous parallèle se trouve projeté », conclut Yelena Yemchuk.

 

Mabel, Betty & Bette, Kominek Gallery, 148 pages, 58 €.

 

© Yelena Yemchuk

© Yelena Yemchuk© Yelena Yemchuk

© Yelena Yemchuk

© Yelena Yemchuk© Yelena Yemchuk
© Yelena Yemchuk© Yelena Yemchuk

© Yelena Yemchuk

© Yelena Yemchuk© Yelena Yemchuk

© Yelena Yemchuk

Explorez
Loose Fist : une cartographie de la masculinité par Arhant Shrestha
Adarsh © Arhant Shrestha
Loose Fist : une cartographie de la masculinité par Arhant Shrestha
À la librairie 7L, le photographe népalais Arhant Shrestha présente Loose Fist, livre et exposition issus d’un long travail de...
18 novembre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
5 coups de cœur qui sondent la mémoire
© Madalena Georgatou
5 coups de cœur qui sondent la mémoire
Tous les lundis, nous partageons les projets de deux photographes qui ont retenu notre attention dans nos coups de cœur. Cette semaine...
17 novembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
La sélection Instagram #532 : dans les méandres de la mémoire
© celluloidjournal / Instagram
La sélection Instagram #532 : dans les méandres de la mémoire
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine sondent les mystères de la mémoire. Ils et elles exhument les souvenirs qui...
11 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #565 : Jeanne Narquin et Émilie Brécard
© Jeanne Narquin
Les coups de cœur #565 : Jeanne Narquin et Émilie Brécard
Jeanne Narquin et Émilie Brécard, nos coups de cœur de la semaine, s’intéressent toutes les deux à la féminité. La première photographie...
10 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
À la MEP, Tyler Mitchell joue avec les codes du portrait formel
The root of all that lives, 2020 © Tyler Mitchell. Courtesy de l'artiste et de la Galerie Gagosian
À la MEP, Tyler Mitchell joue avec les codes du portrait formel
Jusqu’au 25 janvier 2026, la Maison européenne de la photographie présente la première exposition personnelle de Tyler Mitchell en...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Au musée des Arts décoratifs, Guénaëlle de Carbonnières exhume la mémoire
© Guénaëlle de Carbonnières
Au musée des Arts décoratifs, Guénaëlle de Carbonnières exhume la mémoire
Jusqu’au 1er février 2026, le musée des Arts décoratifs de Paris vous invite à découvrir Dans le creux des images. Cette exposition...
Il y a 11 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Loose Fist : une cartographie de la masculinité par Arhant Shrestha
Adarsh © Arhant Shrestha
Loose Fist : une cartographie de la masculinité par Arhant Shrestha
À la librairie 7L, le photographe népalais Arhant Shrestha présente Loose Fist, livre et exposition issus d’un long travail de...
18 novembre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
La sélection Instagram #533 : au pays des mots
© Simon Phumin / Instagram
La sélection Instagram #533 : au pays des mots
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine se plongent dans les livres et les univers composés de mots. Ouvrages, magazines...
18 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger