Les Archives Nationales présentent, jusqu’au 29 avril 2019, l’exposition collective Mobile/Immobile. Une immersion interactive dans notre société, et son désir de mobilité.
La Révolution industrielle du 19e siècle a métamorphosé notre monde. Avec la construction des chemins de fer, pour relier un territoire à un autre, les hommes ont pris goût au voyage, à la mobilité. Mais celle-ci est-elle vraiment bénéfique ? Que deviendra-t-elle, dans plusieurs années ? L’exposition collective Mobile/Immobile, organisée aux Archives Nationales, à Paris, interroge cette notion moderne du transport. Organisé en quatre espaces – « Pétrole, vitesse et modernité », « Une mobilité sous contrôle », « Des vies mobiles entre villes et campagnes », « Et demain… accélérer ou ralentir ? » – l’événement propose une immersion dans une société moderne régie par la mobilité.
Une expérience sensorielle réussie
Une immersion portée par la scénographie étonnante de l’exposition. L’espace est confiné : une bulle moderne, cachée dans le sublime Hôtel de Soubise. Chaque pièce devient un décor, mettant en scène les différentes photographies, vidéos et images d’archives. Mobile/Immobile invite le visiteur à interagir avec les œuvres, et propose une expérience sensorielle réussie. Le premier espace, dédié à la vitesse et à la modernité est rythmé par des bruits de moteur, évoquant la saga Fast & Furious. Plus loin, une scène filmée en caméra subjective reconstruit un crash de voiture saisissant, réalisé par Gaël Peltier. Dans l’espace « Une mobilité sous contrôle », les clichés du photographe Ferjeux van der Stigghel, représentant les NoLand’s men – des hommes à l’existence nomade, qui vivent dans leurs camions et voyagent de territoire en territoire – sont installés dans un décor évoquant l’intérieur de leur « maison à roues ».
L’atmosphère change, d’un espace à l’autre, tantôt apaisante et légère, tantôt bruyante et oppressante. Si l’interactivité plonge le visiteur dans un univers fictif, elle lui rappelle également un quotidien épuisant. L’installation vidéo de l’artiste Wang Gongxin, présente, par exemple, une foule, s’agglutinant dans les espaces urbains. Le silence de la projection est brusquement brisé par des bruits stridents. Diffusé de part et d’autre de la salle, le son irrite le visiteur, le poussant à tourner la tête, en cherchant son origine. Une pollution sonore bien connue des citadins.
© Alain Bublex / Galerie Vallois
Prendre part au débat
S’inspirant de ce flux urbain, Sylvie Bonnot a réalisé ses Promenades à contre-courant à Tokyo. Métros bondés, yeux cernés, corps fatigués. Derrière la beauté des couleurs, l’harmonie des hommes vêtus de costumes bleus et noir, et des femmes couvertes de trench-coats roses, une réalité plus sombre se dessine. Celle d’une culture profondément genrée, lassée par le mouvement incessant des transports et la rigueur d’un travail trop important.
Dans Métropolis, Tim Franco documente la croissance exponentielle de Congqing, une ville de Chine. Un développement qui engloutit les milieux ruraux, en se servant des voies de communication. Capturées avec une lumière blanche et brumeuse, les images brouillent les frontières entre présent et science-fiction, et évoquent les paysages oniriques et dystopiques de Blade Runner.
Enfin, le dernier espace de l’exposition, consacré au futur de la mobilité, abrite l’installation de Caroline Delmotte et Gildas Etevenard, mêlant photographie et création sonore. Comment faire évoluer les moyens de transport ? Les progrès technologiques nous mènent-ils à notre perte ? Ou sommes-nous capables de les utiliser à bon escient ? Sur les clichés, architectures, zones agricoles rongées par le béton, ponts gigantesques se succèdent. C’est en écoutant les bruits, associés aux images, que le visiteur s’oriente vers le rêve ou le cauchemar : un monde paisible, à l’écoute de l’environnement, ou un territoire mourant, saturé par la technologie. Avec poésie, les différents artistes interrogent le spectateur, et l’invitent à prendre part au débat : vers quel futur nous dirigeons-nous ?
© Claire Chevrier
© à g. Ferjeux Van Der Stigghel / Forum Vies Mobiles, à d. Tim Franco
© Jurgen Nefzger
© Olivier Culmann
© Laura Henno / Galerie Les Filles du Calvaire
© à g. Maïté Pouleur, à d. Patrizia Di Fiore
© Laura Henno / Galerie Les Filles du Calvaire
© Tim Franco