Installé à Londres, Austn Fischer puise dans les ressorts de la communauté LGBTQIA+ pour interroger les notions traditionnelles de genre. Dans Gaze, le photographe américain entend amorcer un dialogue gravitant autour de l’inclusivité et du regard que nous portons sur les corps.
Dans des portraits en noir et blanc se dévoilent des silhouettes variées, tout droit sorties du réel. En certains aspects, leurs contours rappellent ceux que Claude Cahun et Marcel Moore dépeignaient en leur temps. Malgré quelques récentes évolutions, ces visions demeurent pourtant atypiques. « Gaze est un examen de la manière dont l’image peut exister pour moi, mais dont sa portée peut changer en fonction du public qui s’y intéresse, évoque Austn Fischer. Le regard sert de catalyseur à la façon dont nous nous représentons nous-mêmes et à ce qu’un cliché peut signifier selon la personne qui l’observe. » Originaire de la région du Midwest, aux États-Unis, l’artiste visuel cherche à refléter les expériences et les identités multiples qui s’expriment au sein de la communauté LGBTQIA+.
Mieux appréhender certains rouages de notre époque
Pour ce faire, l’artiste puise notamment dans les théories contemporaines sur la performance de genre, mais aussi dans les essais Sur la photographie (1977) de Susan Sontag et La Chambre claire (1980) de Roland Barthes. « Ces deux ouvrages m’intéressent parce qu’ils offrent une vision de la photographie qui met en balance les expériences individuelles et les implications sociétales plus larges. Ces réflexions m’ont aidé à contextualiser Gaze et à examiner réellement ce qu’est une image et ce qu’elle peut signifier », souligne-t-il. La série s’impose dès lors comme un dialogue permanent, pensé en trois temps, qui évoluera à mesure que le concept des identités queers gagnera en nuances. « Mon travail vise à proposer une conversation inclusive et stimulante qui crée une connexion avec un large public, encourageant à une compréhension plus profonde des questions de genre et de sexualité », assure l’auteur.
Les modèles qui peuplent ses portraits ont été trouvés par l’entremise de Tinder. L’objectif consistait en l’exploration des complexités de la culture du « swipe » et le désir profond de rencontres. En creux se dessine une autre problématique, celle de la manière dont les adeptes de ces plateformes se présentent pour séduire un ou une partenaire. C’est alors que la mode entre en jeu : « C’est un outil. Elle facilite la conversation. Il y a tellement de significations, de la couleur à la forme, que l’on peut se forger une identité sans avoir à prononcer un mot. Je suis dyslexique et j’ai toujours eu du mal à parler et à écrire, et je pense que c’est ce qui m’a attiré vers la photographie. La rapidité avec laquelle on peut explorer un grand nombre d’idées en fait une discipline naturelle. Elle m’a aidé à accepter ma sexualité et je continue à l’utiliser pour approfondir les choses qui me mettent mal à l’aise ou sur lesquelles je veux réfléchir. » À l’aide de son boîtier, Austn Fischer s’approprie ainsi les codes de cet univers pour mieux appréhender certains rouages de notre époque.