Fisheye Magazine : Pourquoi es-tu devenue photographe ?
Mathilde Magnée : J’éprouve de la satisfaction à créer des images. Et la photographie m’épanouit plus que la peinture. Travailler sur des projets photo me passionne, et me donne une certaine crédibilité je crois. Par contre je n’en vis pas et je pense que c’est pour le mieux. Je ne me vois pas répondre à des commandes alors je suis moi-même submergée par mes propres idées et désirs.
Quelles sont tes inspirations ?
Shana Moulton, Apichatpong Weerasethakul, Harmony Korine… Beaucoup de cinéastes ou bien d’artistes utilisant la vidéo en fait ! Sinon en photographie, mes héros sont Bill Henson, Jeff Wall, Paul Graham, Antoine d’Agata, Justine Kurland.
Comment définirais-tu ton approche de la photographie ?
Cinématographique et sculpturale ! En ce moment, c’est un rapport très souple. Je ne sors pas mon appareil à n’importe quelle occasion, mais je laisse portée par un moment qui me touche, un visage… Tout en réfléchissant à la matière que je pourrais apporter pour que ça ait et donne du sens à mon projet.
Qu’as-tu cherché à travers ta série en cours, « Thoroughbreds » (en français, “pur sang”) ?
Avant tout mon expérience dans ce milieu. Mais aussi mes interrogations sur sur le contrôle des êtres vivants, la coexistence entre l’amour que porte les éleveurs envers l’animal et son exploitation. La valeur de l’héritage, des traditions.
C’est une série très différente de tes travaux précédents, plus sombres et plus abstraits. Pourquoi ?
Ces dernières années, j’avais pour habitude de travailler en studio. Je faisais beaucoup de portraits et de natures mortes sur fonds noir avec des lumières travaillées. J’avais un style définis sur lequel je me reposais. Peu après la fin de mes études en Suisse, j’ai décider de partir à l’autre bout du monde avec un appareil photo argentique petit format et sortir de ma zone de confort. Je travaille maintenant sur le terrain, à l’argentique en lumière naturelle et même sans trépied ! Il y a néanmoins des liens, je pense, avec mes précédents travaux : mon rapport au portrait, une affection pour les animaux… Et j’accorde toujours autant d’attention aux lumières afin d’élaborer une atmosphère.
Qu’est-ce qui te plaît dans la photographie documentaire ?
Le fait d’être en rapport direct avec le réel, tout en créant une vision unique. L’expérience vécue et les choix à faire pour retranscrire au mieux la réalité.
Tu retournes régulièrement en Australie, du coup ? En tant que photographe, quelles sont tes affinités avec ce pays et ses habitants?
Je suis en Australie depuis un ans et demi. Peu de gens me considère comme photographe ici. Pour eux je suis plutôt une globe-trotteuse ou “horse person” (en français, “une amoureuse des chevaux”). Ce qui est bien dans ce pays, c’est que les gens sont très détendus. Par exemple, dans le milieu de la course, on sait vaguement que je poursuis un projet photo mais on me laisse aller et venir sans problème.
Quelle est ton image préférée de la série et pourquoi ?
L’image qui a beaucoup de sens pour moi : celle de la triple exposition de chevaux dans la brume. C’est peut-être la plus abstraite. Elle exprime ce qui se passait dans ma tête durant mes premières semaines dans cet élevage. Il y avait 300 chevaux a nourrir deux fois par jours ! À la fin de la journée, je fermais les yeux et je voyais tous ces chevaux sortant du brouillard et venir à moi.
Propos recueillis par Marie Moglia
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