Réalisé par Laura Poitras et élu Lion d’or au festival de Venise 2022, Toute la beauté et le sang versé retrace avec pugnacité la vie tumultueuse de Nan Goldin. De son approche photographique à la création de l’association P.A.I.N. (Prescription Addiction Intervention Now), ce film documentaire nous immisce dans les tourments d’une photographe engagée dans la lutte contre les opioïdes aux États-Unis. À découvrir en salle dès le 15 mars 2023.
Dès la fin des années 1990, les États-Unis se retrouvent plongés dans une violente pandémie : la crise des opioïdes qui, à ce jour, compte plus de 500 000 victimes décédées. Le déclencheur de ce ravage national ? L’OxyContin, un puissant antalgique similaire à la morphine. Derrière lui se cachent des milliardaires cupides : la famille Sackler, fondatrice de laboratoires pharmaceutiques commercialisant cet antidouleur extrêmement addictif. Après de nombreuses campagnes de marketing démesurées vantant les bienfaits de ce médicament, les États-Unis assistent, impuissants, à une envolée des ventes puis à une augmentation exorbitante du nombre d’overdoses mortelles. Les conséquences sont dévastatrices. Destins brisés, familles endeuillées, les opioïdes laissent une grande partie de la population victime des effets mortels qui leur sont propres.
Nan Goldin, célèbre photographe américaine, est une survivante de cette crise. Après une opération banale, l’artiste se voit prescrire des opioïdes et vit rapidement une descente aux enfers dans l’univers de l’addiction. De trois cachets par jour, elle devient vite accro et avalera jusqu’à 18 comprimés quotidiens. Après une lutte acharnée contre cette dépendance médicamenteuse, Nan Goldin parvient à s’en sortir. Toute la beauté et le sang versé retrace son engagement pour les victimes et familles des victimes avec la création de P.A.I.N., Prescription Addiction Intervention Now. Cette organisation prône la réduction des risques et la prévention des overdoses de drogues et s’attaque directement à la famille Sackler, grande responsable de la crise des opioïdes. « Ma colère contre la famille Sackler est personnelle. Je les hais », déclare l’activiste dans le documentaire.
Des combats artistiques et politiques
« Nan Goldin a raconté sa vie en photo. Ses ami·es étaient pédés, drogué·es, transgenres et elle les photographiait », résume Anne Coppel, sociologue spécialisée dans les drogues et le sexe. L’œuvre entière de l’artiste correspond en tout point à son vécu. Perçu comme extravagant, voire imprudent, ce mode de vie a permis à la photographe de documenter et célébrer les cultures underground bien souvent blâmées par la société traditionnelle. En s’attaquant à la famille Sackler, Nan Goldin risque sa carrière. Mais cela ne la fera pas reculer. « Ils ont réussi à séparer leur empire pharmaceutique de leur réputation dans le monde de l’art. Nous avons donc cherché à mettre un terme à cette hypocrisie, à montrer qui ils sont vraiment et à relier leur nom à la crise des opiacés dans l’opinion de toutes et tous », explique l’activiste.
Par diverses manifestations dans de grands musées où certaines œuvres de Nan Goldin sont exposées dans les collections permanentes, P.A.I.N. dénonce les dons mirobolants de cette famille coupable d’un demi-million de décès et réclame le retrait de la mention « Sackler » dans certaines salles d’expositions. Dans Toute la beauté et le sang versé, la réalisatrice Laura Poitras compose avec brio une partition visuelle des grands combats passés et présents de la vie de Nan Goldin. De sa relation fusionnelle avec sa sœur ainée en passant par sa pratique photographique novatrice et ses combats politiques, le film documentaire permet aux spectatreurices de connaître toutes les facettes, des plus sombres aux plus inspirantes, de cette artiste à la renommée internationale. À découvrir dès le 15 mars dans les salles.
© avec l’aimable autorisation de Nan Goldin