Naufrage et renaissance

04 septembre 2020   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Naufrage et renaissance

Comment survivre à l’insurmontable ? Dans In the arms of the void, la photographe russe Natalya Tikhomirova tente de mettre en image ses peines et ses émotions, à la suite d’une fausse couche.

« Il y a six mois, j’ai perdu un enfant. Dès les premières secondes, et jusqu’à maintenant, j’ai surveillé mon état, immortalisé mes sentiments, en essayant de leur donner un nom, de les accepter »

, confie Natalya Tikhomirova, 30 ans. Cette artiste russe réalise des œuvres hybrides, s’inspirant des beaux-arts. Photographies, collages et sculptures se répondent au cœur de ses créations et forment un tout à fleur de peau.

« Je me souviens du jour où je me suis rendue à l’hôpital. Peur. Panique. Le point de non-retour a pris la forme d’un diagnostic dans la salle d’échographie, lorsque les médecins m’ont dit : “toutes mes condoléances, votre grossesse s’est arrêtée il y a trois semaines” », raconte-t-elle. L’opération, puis la tristesse, la réalisation, le deuil… Durant les six jours suivant l’intervention, la photographe ne lâche pas son boîtier et capture chaque détail de sa guérison. « Ces images sont des impressions de ma conscience, des souvenirs figés que je peux tenir dans mes mains », précise-t-elle. Un monologue personnel, l’aidant à combattre le néant qui grandit en elle.

© Natalya Tikhomirova© Natalya Tikhomirova

Donner du sens à ses émotions

Puissante et symbolique, In the arms of the void s’impose comme une suite d’allégories, le récit déchirant d’une femme blessée, qui cherche à donner du sens à sa vie. Inspirée par l’art classique, Natalya Tikhomirova fait de chaque cliché un tableau. Portraits, natures mortes, paysages mornes illustrent ses états d’âme. Des abîmes dans lesquels sombrent ses frayeurs et ses peines. Une création après l’autre, l’artiste remonte lentement la pente, puise dans ses espoirs, sa créativité pour réussir à représenter ce que les mots ne peuvent décrire. « Durant mes études à l’Académie de la photographie documentaire et du journalisme Fotografica, j’ai appris qu’un artiste peut se libérer en parlant plusieurs langages visuels en même temps. J’aime raconter des histoires qui s’assemblent pour former une mosaïque », précise-t-elle.

Parmi ces fragments de récits, l’un d’eux, Petrified Butterfly, est fondamental. La photographe nous raconte : « Dans cette image, j’ai combiné la symbolique du papillon – qui évoque l’immortalité, la renaissance et la résurrection – à mes souvenirs intimes. Juste avant mon opération, j’ai vu l’un de ces insectes entrer par la fenêtre, il a tourbillonné au plafond, et j’ai immédiatement songé qu’il s’agissait de l’âme de mon enfant. C’est la dernière chose dont je me souvienne avant l’anesthésie ». Tragique, la série met brillamment en images la détresse causée par un drame effroyable.

© Natalya Tikhomirova

© Natalya Tikhomirova© Natalya Tikhomirova

© Natalya Tikhomirova

© Natalya Tikhomirova© Natalya Tikhomirova

© Natalya Tikhomirova

© Natalya Tikhomirova© Natalya Tikhomirova

© Natalya Tikhomirova

© Natalya Tikhomirova

Explorez
La sélection Instagram #452 : la danse sous toutes ses formes
© Aleksander Varadian Johnsen / Instagram
La sélection Instagram #452 : la danse sous toutes ses formes
Cette semaine, les photographes de notre sélection Instagram capturent les corps – et même les éléments – qui dansent à en perdre...
30 avril 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #490 : Guillaume Nedellec et Simona Pampallona
© Guillaume Nedellec
Les coups de cœur #490 : Guillaume Nedellec et Simona Pampallona
Nos coups de cœur de la semaine, Guillaume Nedellec et Simona Pampallona, nous plongent tous·tes deux dans une esthétique en...
29 avril 2024   •  
Isabelle Vaillant : récits d’une construction intime
© Isabelle Vaillant
Isabelle Vaillant : récits d’une construction intime
Jusqu’au 19 mai 2024, la photographe Isabelle Vaillant investit L’Enfant Sauvage, à Bruxelles, en proposant une exposition rétrospective....
26 avril 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Elie Monferier : le filon au bout de l’échec
© Elie Monferier
Elie Monferier : le filon au bout de l’échec
Imaginé durant une résidence de territoire au cœur du Couserans, en Ariège, Journal des mines, autoédité par Elie Monferier, s’impose...
25 avril 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Ultra-violence, bodybuilding et livre d’artiste : nos coups de cœur photo du mois
© Kristina Rozhkova
Ultra-violence, bodybuilding et livre d’artiste : nos coups de cœur photo du mois
Expositions, immersion dans une série, anecdotes, vidéos… Chaque mois, la rédaction Fisheye revient sur les actualités photo qui l’ont...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Lou Tsatsas
BMW ART MAKERS : les dégradés célestes de Mustapha Azeroual et Marjolaine Lévy
© Mustapha Azeroual / BMW ART MAKERS
BMW ART MAKERS : les dégradés célestes de Mustapha Azeroual et Marjolaine Lévy
Le programme BMW ART MAKERS, initiative de soutien à la création, accueille cette année le duo d’artiste/curatrice composé par Mustapha...
30 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill
La sélection Instagram #452 : la danse sous toutes ses formes
© Aleksander Varadian Johnsen / Instagram
La sélection Instagram #452 : la danse sous toutes ses formes
Cette semaine, les photographes de notre sélection Instagram capturent les corps – et même les éléments – qui dansent à en perdre...
30 avril 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
3 questions à Juliette Pavy, photographe de l’année SWPA 2024
En plus de la douleur et des saignements, ces “spirales“ sont également à l’origine de graves infections qui ont rendu leurs victimes définitivement stériles. © Juliette Pavy
3 questions à Juliette Pavy, photographe de l’année SWPA 2024
À travers son projet sur la campagne de stérilisation forcée au Groenland entre 1966 et 1975, la photographe française Juliette...
29 avril 2024   •  
Écrit par Cassandre Thomas