Si l’exposition Noir & Blanc du Grand Palais n’a jamais pu accueillir de visiteur in situ, la RMN met à disposition du public, jusqu’au 18 juin, des visites virtuelles de l’événement. L’occasion de revenir sur 150 d’histoire de la photographie monochrome.
Initialement prévue d’avril à juillet 2020, puis reportée à deux reprises, l’exposition Noir & Blanc accueillie par le Grand Palais n’a finalement jamais pu ouvrir ses portes, en raison de la crise sanitaire. Une déception pour les passionnés de photographie, puisque l’événement promettait de présenter le monochrome sous toutes ses formes, à travers les regards de plus de 200 auteurs. Malgré tout, une visite virtuelle, disponible sur le site du lieu culturel, permet aux plus curieux d’errer virtuellement dans les couleurs déserts du Grand Palais, et de découvrir plus de 300 tirages – venus tout droit de la collection du département des Estampes et de la photographie de la BnF. Une mosaïque d’images retraçant 150 ans d’histoire, et la constante évolution du noir et blanc, d’un simple outil d’expression, alors unique option pour les artistes, à un véritable parti pris créatif, permettant aux auteurs d’explorer contrastes et lignes graphiques.
Divisée en trois parties – Objectif contraste, Ombre et lumière et Nuancier de matières – elles-mêmes séparées en plusieurs chapitres, l’exposition entend offrir au regardeur un état des lieux de la photographie monochrome. Félix Nadar, André Kertész, Henri Cartier-Bresson, Diane Arbus, Martine Franck, Renato d’Agostin, Jane Evelyn Atwood, Valérie Belin, Martin Parr… Images anciennes et contemporaines se croisent au cœur du Grand Palais et se font les témoins de l’incroyable imaginaire artistique associé au noir et blanc.
André Kertesz 1er janvier 1972 à la Martinique / © BnF – Département des Estampes et de la photographie © Rmn-Grand Palais – Gestion droit d’auteur
Une esthétique en éternelle métamorphose
Car tout au long des 20e et 21e siècles, les photographes expérimentent avec les contrastes puissants qu’offrent ces deux teintes opposées. Utilisé avec intelligence, le noir et blanc s’impose, dès lors, comme une manière d’apporter une identité forte à l’image, des aplats géométriques de Man Ray aux paysages doux de Pentti Sammallathi, évoquant les estampes japonaises, en passant par les astres imaginaires de Sandrine Elberg. Mais aussi comme un moyen judicieux de documenter ses errances – dans la nuit, comme Brassaï, au cœur des rues d’une métropole, à la manière de Daido Moriyama, ou d’interroger, voire de détourner notre monde. Négatifs, surimpression, solarisation… Le monochrome tisse alors des liens entre réel et imaginaire, effaçant des ombres et faisant surgir, sous la forme de halo, des détails dissimulés dans la pénombre de notre monde. Plus taquins, d’autres artistes – comme Joan Fontcuberta – jouent avec les échelles et les artifices propres à l’esthétique pour faire douter le regardeur, et le pousser à remettre en cause la véracité même du médium, et de ce qu’il capture.
Exposition encyclopédique, Noir & Blanc fait finalement l’éloge d’une esthétique en éternelle métamorphose. Partie intégrante de la photographie depuis sa naissance, le monochrome ne cesse de se développer, et d’inspirer les photographes. Si la collection de la BnF plonge, avec bonheur, le regardeur dans les fabuleuses nuances d’un univers sans couleur, elle ouvre également les portes à des centaines de photographes émergents, qui suivent aujourd’hui les traces des auteurs exposés et remettent la technique au goût du jour. De jeunes artistes – comme Roger Bucher, Charlotte Mariën, Yurian Quintanas Nobel ou Lucie Hodiesne Darras – usant des techniques de tirage, des porosités entre les médiums, ou encore du charme graphique du monochrome pour façonner des œuvres splendides, poignantes, inspirantes – le tout en n’utilisant qu’un nuancier de noir, de gris et de blanc.
Vous pouvez visiter l’exposition sur le site de la RMN. Visite autonome : 4€, avec un guide, 8€.
Antoine d’Agata, Vigo, Espagne / © BnF – Département des Estampes et de la photographie Courtesy Galerie Les filles du calvaire, Paris
à g. Flor Garduño, Canasta de Luz, Corbeille de lumière d’époque / © Flor Garduño © BnF – Département des Estampes et de la photographie, à d. Valérie Belin, Trois portraits de femmes noires sur fond blanc / © BnF – Département des Estampes et de la photographie © Adagp, Paris, [2020]
Charles Harbutt, Fonctionnaire, quartier de l’Hôtel de Ville, New-York, de la série The World / © BnF – Département des Estampes et de la photographie © Charles Harbutt
à g. Alexandre Rodtchenko, Jeune fille au Leica / © BnF – Département des Estampes et de la photographie © Adagp, Paris, [2020], à d. Paul Strand, Pot et fruit, Connecticut / © BnF – Département des Estampes et de la photographie © Aperture Foundation, Inc., Paul Strand Archive
Gilbert Fastenaekens, Le Havre de la série Nocturne / © BnF – Département des Estampes et de la photographie © Gilbert Fastenaekens
à g. Michael Ackerman Man 3 / © BnF – Département des Estampes et de la photographie / © Courtesy de l’artiste et de la Galerie Camera Obscura, à d. David Goldblatt Femme sur un banc, Joubert Park, Johannesburg, Afrique du Sud de la série Particulars / © BnF – Département des Estampes et de la photographie © David Goldblatt
Mario Giacomelli, Je n’ai pas de main qui me caresse le visage / © BnF – Département des Estampes et de la photographie © Archivio Mario Giacomelli – Simone Giacomelli
Image d’ouverture : Gilbert Fastenaekens, Le Havre de la série Nocturne / © BnF – Département des Estampes et de la photographie © Gilbert Fastenaekens