Le 14 mars, écran noir pour les cinémas français. Coup dur pour le photographe de rue Hervé Chatel, passionné par le 7e art. Nuit américaine n’est pas qu’une balade dans les rues parisiennes, c’est un véritable hommage au milieu.
« Faire la queue à l’occasion d’une sortie très attendue, et tendre l’oreille pour écouter les discussions à propos du film, se retrouver à l’ouverture d’une salle presque tout seul, manger un plat avec ma chérie avant une projection au Méliès, à Montreuil, ou tout simplement se laisser transporter par une histoire et se couper de la réalité ». Plus que la séance de cinéma, ce sont ces à-côtés qui manquent surtout à Hervé Chatel, photographe de rue installé à Paris. Et depuis Lux æterna, de Gaspar Noé – sa dernière sortie ciné – il patiente, comme tout le monde… « J’ai toujours aimé aller au cinéma. C’est une expérience à vivre avant, pendant, et après la projection. L’ambiance des lieux, liés à leur histoire, la fréquentation différente à chaque fois, et surtout, nos accompagnateurs », poursuit l’artiste attristé par la fermeture des salles sombres. Durant le premier confinement, il a photographié quelques cinémas parisiens à l’aide d’une technique, qui porte le nom de la série : le tournage en « nuit américaine ». « Il s’agit de tourner en plein jour des scènes en extérieur, censées se dérouler la nuit. Ce processus est principalement utilisé pour faire des économies : les équipes de tournages ne sont ainsi mobilisées qu’en journée. Afin de rappeler l’écran, j’ai choisi de faire un panoramique au 16/9e. Concrètement, j’ai pris plusieurs photos à la verticale, puis je les ai assemblés, et j’ai travaillé un aspect de nuit en post production », confie-t-il.
S’imaginer les scènes
Hervé Chatel nous propose avec sa série Nuit américaine un saut dans l’ancien temps. Un temps fait d’instants magiques où nous attendions, nerveusement, notre date, ou la sortie du dernier Star Wars. Et puis, il y a toutes les devantures devant lesquelles nous passons, sans jamais y prêter attention. Au lieu de faire un confinement 100% streaming, Hervé Chatel a choisi d’arpenter les rues de la capitale, en hommage au 7e art. On (re)découvre, entre autres, dans le 2e arrondissement, le Grand Rex dont la façade et les toitures sont inscrites aux monuments historiques, ou encore l’architecture particulière du Louxor, un cinéma situé dans le 10e arrondissement de Paris : « le bâtiment signé par l’architecte Henri Zipcy a été inauguré le 6 octobre 1912 ! », précise le photographe. « Le cinéma est une fiction, tout comme les photos. Pourquoi donc chercher à reconstruire une réalité ? Il faut se laisser happer par ces beaux lieux, et s’imaginer les scènes en train de s’y jouer », conclut Hervé Chatel.
Il est vrai : il ne reste que notre imagination pour s’échapper de ce monde fort étrange…Et bien que les établissements culturels demeurent fermés, ils témoignent de leur utilité… À bon entendeur, salut !
© Hervé Chatel