Paradis perçus

20 janvier 2022   •  
Écrit par Eric Karsenty
Paradis perçus

Dans sa série Transcendent Country of the Mind, la photographe finlandaise Sari Soininen nous raconte son voyage hallucinatoire sous LSD. Une œuvre qui retrace une étrange période de sa vie, au moment où sa perception de la réalité s’est altérée à jamais. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.

Sari Soininen

, jeune photographe finlandaise née en 1991, a consommé du LSD de manière régulière et excessive au début de la vingtaine. Une expérience qui l’a conduit à un épisode psychotique prolongé avec de graves conséquences sur sa vie, mais qui a aussi changé sa façon de percevoir le monde et la réalité. Une période qui l’a profondément transformée : « J’ai affronté les démons de l’enfer et on m’a montré les merveilles du paradis, j’ai voyagé dans le temps et l’espace, j’ai jeté un coup d’œil derrière le rideau de cette dimension et – même aujourd’hui, après m’être complètement rétablie – ma compréhension de la réalité a changé à jamais », explique-t-elle.

Étudiante en photographie à l’université de Bristol, Sari Soininen a décidé de consacrer son projet de maîtrise à l’expérience de sa psychose « car j’avais l’impression d’avoir acquis une nouvelle façon de voir, et la psychose m’a fait retrouver la photographie, précise-t-elle. Au début, j’ai fait beaucoup de recherches sur le paganisme et le folklore finlandais, car ma psychose était vraiment religieuse ; elle empruntait des éléments au christianisme et au paganisme finlandais. » L’artiste a également effectué de nombreuses recherches dans les revues médicales des années 1960 qui étudiaient la relation entre LSD et expériences mystiques.

© Sari Soininen

© Sari Soininen

« Je n’avais pas vraiment d’images en tête au préalable,

précise Sari Soininen pour expliquer sa manière de travailler. Je me contentais de remarquer les choses qui m’entouraient. Je photographie généralement des choses très banales, qui se transforment en quelque chose d’autre lorsque je les photographie. Pour ce projet, ces choses m’ont rappelé le monde étrange que j’ai rencontré un jour : elles étaient comme des dimensions différentes de la perception. (…) J’ai également lu le livre d’Aldous Huxley, Les Portes de la perception, où il parle de son expérience de la mescaline. Transcendent Country of the Mind, le titre de la série, est d’ailleurs extrait de cet essai. » Un travail qui est devenu une méthode d’autothérapie extrêmement importante pour elle : « C’était un moyen de me libérer de cette expérience traumatisante mais révélatrice », précise l’artiste.

Plusieurs personnes ayant vécu des psychoses lui confient avoir vécu la même expérience et s’identifient à son travail. Dans le livre qu’elle prépare, Sari Soininen livre un long texte en flux de conscience, « décrivant [s]es sentiments pendant la psychose et racontant toutes les choses les plus folles qu’[elle] a faites pendant ces quelques mois ». Ce sont des extraits de ce flux de conscience que nous vous proposons de découvrir en regard de ses images hallucinées. Transcendent Country of the Mind sera par ailleurs exposé au festival Circulation(s) au printemps avec une scénographie imaginée par l’artiste.

© Sari Soininen© Sari Soininen

« Le ciel a commencé à changer lentement. Je pouvais voir et sentir sa rage dans les mouvements des nuages qui commençaient à devenir de plus en plus sombres.© Sari SoininenC’était comme si j’étais entré dans l’histoire de l’Apocalypse. J’ai enfin compris que le monde était vraiment comme ça : Nos esprits étaient connectés à la nature et à l’univers entier lui-même. »

© Sari Soininen© Sari Soininen

© Sari Soininen« J’ai arraché la croix de mon cou et l’ai brisée sur le plancher de la voiture en pleurant amèrement. La porte s’est ouverte et quatre policiers ont attrapé chacun un de mes membres et ont commencé à porter mon corps nu à l’intérieur pendant que je criais comme si j’allais être abattu.

© Sari Soininen© Sari Soininen

© Sari SoininenIls m’ont jeté dans une salle blanche capitonnée. Le temps a disparu alors que les murs autour de moi ont fondu et que je suis tombé dans un vide de lumière sans fin où je l’ai rencontré, lui et toutes les autres créatures de l’horreur. »

© Sari Soininen© Sari Soininen

© Sari Soininen« Quelques jours plus tôt, j’avais réalisé que le monde était une boîte. Vérité insensée mais rationnelle sur la vraie nature du monde. Tout, ensemble et séparément, n’était qu’une boîte. Une boîte avec huit coins dedans. Rien de plus, rien de moins. »

© Sari Soininen

Cet article est à retrouver en intégralité dans Fisheye #51, disponible ici

Explorez
Les images de la semaine du 3 novembre 2025 : les actualités de Fisheye
© Ian Cheibub
Les images de la semaine du 3 novembre 2025 : les actualités de Fisheye
C’est l’heure du récap ! Entre la parution d’un nouvel ouvrage, la sortie du numéro #74 et celle d’un épisode de Focus, la semaine a été...
09 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Paris Photo 2025 célèbre la photographie au Grand Palais
© Chloé Azzopardi / Fisheye Gallery
Paris Photo 2025 célèbre la photographie au Grand Palais
Du 13 au 16 novembre 2025, les yeux des amateurs de photographie seront tournés vers Paris Photo. La foire internationale se tiendra de...
05 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #564 : Lycien-David Cséry et Ana da Silva
© Ana da Silva
Les coups de cœur #564 : Lycien-David Cséry et Ana da Silva
Lycien-David Cséry et Ana da Silva, nos coups de cœur de la semaine, prêtent attention aux détails. Le premier observe les objets et les...
03 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 27 octobre 2025 : communautés et rétrospectives
Jennifer et Saba, de la série We're Just Trying to Learn How to Love © Hamza Ashraf
Les images de la semaine du 27 octobre 2025 : communautés et rétrospectives
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, nous vous parlons de différentes communautés, de sentiments amoureux et de rétrospectives...
02 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Paris Photo 2025 : atteindre sa montagne intérieure avec Suwon Lee
© Suwon Lee, Pico Bolívar I, 2025 / Courtesy of Sorondo Projects
Paris Photo 2025 : atteindre sa montagne intérieure avec Suwon Lee
Présentée cette année par Sorondo Projects (Barcelone) à Paris Photo, la série The Sacred Mountain de Suwon Lee raconte une quête...
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Milena III
Yves Samuel : Objets en résistance
© Yves Samuel courtesy CLAIRbyKhan
Yves Samuel : Objets en résistance
Dix ans après les attentats perpétrés à Paris en novembre 2015, le photographe Yves Samuel publie aux Éditions Fisheye un livre tout en...
13 novembre 2025   •  
Écrit par Eric Karsenty
La précieuse fragilité selon le festival FLOW#1
Les Fossiles du futur, Synesthésies océaniques © Laure Winants, Fondation Tara Océan
La précieuse fragilité selon le festival FLOW#1
Du 20 septembre au 30 octobre 2025 s’est tenue la première édition de FLOW, un parcours culturel ambitieux imaginé par The Eyes...
13 novembre 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche
Une fable collective au cœur du béton, par Alexandre Silberman
© Alexandre Silberman, Nature
Une fable collective au cœur du béton, par Alexandre Silberman
Exposée à la galerie Madé, dans le cadre de PhotoSaintGermain, jusqu’au 30 novembre 2025, la série NATURE d'Alexandre Silberman...
12 novembre 2025   •  
Écrit par Milena III