Paris Photo 2024 : les stands incontournables de la foire

Paris Photo 2024 : les stands incontournables de la foire
From the 'Strike' series - 2020–2021 © Rafał Milach / Jednostka Gallery

Jusqu’au 10 novembre, Paris Photo reprend ses quartiers habituels au Grand Palais. Cette vaste célébration de la photographie est l’occasion de découvrir des talents émergents comme de grands noms du milieu. Pour vous guider, la rédaction de Fisheye vous présente ses coups de cœur de l’édition 2024 !

Erik Madigan Heck – Christophe Guye (C54)

Située dans un angle de la foire, la galerie Christophe Guye rayonne. De grands tirages signés Erik Madigan Heck habillent l’espace de couleurs riches et profondes qui attirent l’œil et nous transportent dans un univers poétique. Les portraits ont parfois des airs de collages nimbés de flou. Les paysages forment des motifs qui rappellent ceux des toiles abstraites et des arts japonais. Quelques véritables peintures, réalisées par ses soins, viennent d’ailleurs se fondre dans cette harmonie. L’artiste américain, qui se plaît à se définir comme « un peintre qui utilise la photographie », s’est fait connaître pour ses œuvres singulières dans lesquelles la nature et les êtres qui la peuplent se révèlent dans des nuances inattendues. Devant un tel spectacle, les esprits songeurs se laissent aller à la rêverie. Dans ce romantisme réinventé, les clichés se transforment dès lors en des paysages-états d’âme où la beauté et l’élégance du geste prévalent sur le reste.

Apolline Coëffet
© Erik Madigan Heck | Courtesy of Christophe Guye Galerie
© Erik Madigan Heck | Courtesy of Christophe Guye Galerie

© Jack Davison, courtesy of Cob Gallery

Jack Davison – COB (C46)

Les contours d’un visage se détachent telle une ombre dans un ciel aux teintes passées. Son regard, pourtant invisible, a tout l’air de se perdre dans le lointain. Peut-être contemple-t-il ces cygnes qui, dans leur mouvement vague, semblent se démultiplier. Il y a aussi ces nénuphars dont les pétales d’or ou d’un blanc immaculé surgissent à l’image comme des étoiles dans la nuit. Les jeux de flou et de clair-obscur caractérisent les tirages énigmatiques de Jack Davison. Un flottement perpétuel les traverse et éveille les imaginaires qui cherchent à appréhender ces figures à demi cachées, aux traits souvent abscons. Nous voilà alors libres de nous laisser porter par les narrations que nous aimerions nous voir proposer. Dans le brouhaha du Grand Palais, sous cette verrière aux mille reflets, cette escale à la galerie COB s’impose finalement comme une pause des plus appréciables. Elle nous invite à prendre le temps de contempler ces fragments qui pourraient se perdre dans le flux des expositions.

Apolline Coëffet
© Jack Davison, courtesy of Cob Gallery
© Jack Davison, courtesy of Cob Gallery

corps en dérive
© Aapo Huhta Figure # 61 Archival – 2022 /MOMENTUMFigure # 61, 2022 Archival Pigment Print 135×180, Edition 5+2 AP

Aapo Huhta – Momentum (D09)

Au détour d’une allée, une obscurité inattendue attire notre attention. Là, dans un univers sans horizon, dans un noir profond rappelant le calme surnaturel de la Voie lactée, les étranges silhouettes d’Aapo Huhta semblent flotter hors du temps. Dans la chambre noire, s’aidant de divers éléments – des résidus chimiques aux fuites de lumière – le photographe finlandais trouble notre regard, fait dériver ses sujets dans un liquide invisible, grossissant des courbes, en anéantissant des fragments. Partout, dans le monochrome qui englobe la série Gravity, le corps coule, son enveloppe charnelle apparemment sans poids l’ancrant davantage dans cet espace inconnu. Et, dans la foule arpentant les longs couloirs de Paris Photo, on ne peut que sortir du tangible nous entourant pour laisser le surréalisme qui les habite convoquer notre propre imaginaire. Immergé·es nous aussi, il nous faut nous interroger : ces apparitions déclenchent-elles en nous une horreur grotesque, ou la naissance d’une paisible contemplation ?

Lou Tsatsas
corps en dérive
© Aapo Huhta Figure # 53 – 2022 MOMENTUM
corps en dérive
© Aapo Huhta Figure # 71 – 2022 MOMENTUM

From the ‘Strike‘ series – 2020–2021 © Rafał Milach / Jednostka

Rafał Milach – Jednostka (D49)

Sous la verrière gauche du Grand Palais, dans l’espace dédié à la galerie Jednostka, des camaïeux de rose vibrant attirent le regard. Au mur, des visages saupoudrés de fard à paupières et des peaux dessinées d’éclairs rouges ardents. Ces derniers sont le symbole des protestations qui ont éclaté à travers la Pologne le 22 octobre 2020, à la suite de la décision d’interdire l’avortement. Ces images fortes et engagées sont issues de la série Strike (grève, en français) de Rafał Milach, qui depuis 2019 compose avec seize autres photographes l’Archiwum Protestow Publicznych (Archive des protestations publiques, en français), une plateforme de documentation sur l’activisme et les initiatives citoyennes. Au flash, à la même manière que la foudre qui tombe, il documente les nuits de rassemblement, les manifestations et les soulèvements contre l’autorité pendant plusieurs mois. L’insurrection est palpable à travers ses images qui dénoncent les violations des droits humains, en particulier du droit des femmes à disposer de leur corps et qui font particulièrement écho à l’actualité.

Marie Baranger
From the ‘Strike‘ series – 2020–2021 © Rafał Milach / Jednostka Gallery
From the ‘Strike‘ series – 2020–2021 © Rafał Milach / Jednostka Gallery

Lip Wax – 2014 © Alix Marie / Ncontemporary

Alix Marie – Ncontemporary (A06)

Sur le sol de la galerie milanaise Ncontemporary, installée au fond de l’aile droite du Grand Palais, gît un petit escalier, à la structure en bois, fait de carreaux en céramique blancs. Dessus, on aperçoit des kaléidoscopes de photographies de jambes et de bras. Il s’agit de la sculpture Iris de l’artiste française Alix Marie. Ces petites marches guident la vue jusqu’aux cimaises composées d’une série de sept photographies aux couleurs et textures étonnantes. Chaque image est un plan resserré d’une partie de corps féminin, imprimé, couvert de cire qui est craquelée et puis re-scanné. Ces deux travaux révèlent avec audace les recherches de l’autrice sur la figure féminine et la perception du corps des femmes dans la société. La cire sèche marbre les fragments de peaux, dévoilant avec subtilité ce qu’ils représentent ou ce qu’ils pourraient représenter, et happe les spectateurices dans un voyage au plus proche de l’épiderme.

Marie Baranger
Iris – 2024 © Alix Marie / Ncontemporary
Orpheus – 2014 © Alix Marie / Ncontemporary

À lire aussi
Paris Photo 2024 : Capitale en ébullition
© Claudia Andujar
Paris Photo 2024 : Capitale en ébullition
Rendez-vous incontournable de la scène photographique internationale, Paris Photo fait son retour au Grand Palais du 7 au 10 novembre….
07 novembre 2024   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Le réseau Lux, nouvel acteur de la photographie, lance son premier évènement
© Robin Lopvet
Le réseau Lux, nouvel acteur de la photographie, lance son premier évènement
Du 6 novembre au 8 décembre 2024, le réseau Lux inaugure son premier évènement. À cette occasion, une vingtaine de foires et de…
04 novembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Explorez
Motel 42 : Eloïse Labarbe-Lafon peint le décor d’un road trip
© Eloïse Labarbe-Lafon
Motel 42 : Eloïse Labarbe-Lafon peint le décor d’un road trip
Composé d’une quarantaine de portraits pris dans des chambres durant un road trip, Motel 42 d’Eloïse Labarbe-Lafon s’impose comme un...
06 décembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Marie Le Gall : photographier un Maroc intime
© Marie Le Gall
Marie Le Gall : photographier un Maroc intime
Absente depuis vingt ans, lorsque Marie Le Gall retourne enfin au Maroc, elle découvre un territoire aussi étranger que familier....
22 novembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Visions d'Amérique latine : la séance de rattrapage Focus !
© Alex Turner
Visions d’Amérique latine : la séance de rattrapage Focus !
Des luttes engagées des catcheuses mexicaines aux cicatrices de l’impérialisme au Guatemala en passant par une folle chronique de...
20 novembre 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Richard Pak tire le portrait de l’île Tristan da Cunha
© Richard Pak
Richard Pak tire le portrait de l’île Tristan da Cunha
Avec Les îles du désir, Richard Pak pose son regard sur l’espace insulaire. La galerie Le Château d’Eau, à Toulouse accueille, jusqu’au 5...
20 novembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Nicolas Serve : en cure et à cri
© Nicolas Serve
Nicolas Serve : en cure et à cri
Dans Les Abîmés, Nicolas Serve poursuit son travail sur la dépendance à certaines substances. Ici, il raconte la cure de désintoxication...
À l'instant   •  
Écrit par Gwénaëlle Fliti
Harmony Korine et agnès b., une amitié hors norme
© Harmony Korine
Harmony Korine et agnès b., une amitié hors norme
Agnès b. présente la nouvelle exposition de son fonds artistique à La Fab. Celle-ci est dédiée à l'œuvre d’Harmony Korine dont elle...
11 décembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Batul : Transitionner pour se retrouver
© Paul Mesnager
Batul : Transitionner pour se retrouver
Portrait intimiste, Batul suit le voyage initiatique d’une protagoniste dans sa transformation radicale – de genre et de religion – suite...
11 décembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Julien Lombardi remporte le prix Photographie & Sciences 2024
© Julien Lombardi, Planeta, UV 395 nm, 2024
Julien Lombardi remporte le prix Photographie & Sciences 2024
Le jury de la quatrième édition du prix Photographie & Sciences a récompensé Julien Lombardi. Sa série primée, Planeta, prend pour...
10 décembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet