Paris Photo 2025 : les incontournables de cette édition

Paris Photo 2025 : les incontournables de cette édition
3 of Cups, de la série This Happened To You, 2025 © Atong Atem, courtesy Mars Gallery
une plante amazonienne appelée reine de la nuit
Berceau de Moïse (Reine de la nuit), Guyane, 2025 © Sylvie Bonnot, courtesy Hangar Gallery, Brussels

Pour son édition 2025, la foire internationale Paris Photo transforme une nouvelle fois le Grand Palais en boulevard incontournable du 8e art. Jusqu’au 16 novembre, 178 galeries venant du monde entier y prennent leurs quartiers pour présenter artistes émergent·es ou établi·es. Afin de naviguer de manière sereine sous le dôme lumineux de cette institution parisienne, la rédaction de Fisheye vous propose de découvrir ses coups de cœur.

Du haut du secteur Émergence, Le Royaume des moustiques de Sylvie Bonnot trône fièrement. Sur l’un des murs, nous découvrons « Berceau de Moïse », qui représente un épiphyte, à savoir une plante non-parasite qui se fixe à un autre organisme. La fleur de celle-ci, appelée « reine de la nuit », a la particularité de ne s’ouvrir que les soirs de pleine lune. Cet univers singulier, constitué d’œuvres uniques et inédites, de grands et plus petits formats, se distingue également par ses jeux de matière. Ils résultent d’un procédé délicat, inventé par l’artiste : la mue. « Il consiste en un soulèvement et un drapé cristallisé de la membrane argentique de mes tirages, explique-t-elle. Il me permet d’augmenter la dimension organique de la photographie. Et, ici, d’enchevêtrer les images sous forme de diptyques, puisque c’est la façon qui m’a paru la plus juste pour appréhender les relations complexes de ce territoire équatorial. » De fait, après avoir porté son regard sur le milieu forestier avec L’Arbre-machine (éd. Loco, 2024), elle s’intéresse désormais aux communautés hmongs et cotticas, « qui ont été déplacées par les mouvements et les soubresauts de l’histoire »« Tous les récits qui sont convoqués par la série évoquent le partage des ressources entre les règnes – animal, végétal, humain – qui se jouent en lisière d’Amazonie, de forêt amazonienne », poursuit-elle. 

Apolline Coëffet

diptyque du fleuve Amazone
Soulèvements (Île Portal), Saint-Jean, Guyane, 2025 © Sylvie Bonnot, courtesy Hangar Gallery, Brussels
diptyque d'un homme penché et du portrait d'une femme
Soulèvements (Clarisse), Mana-Charvein, Guyane, 2025 © Sylvie Bonnot, courtesy Hangar Gallery, Brussels
Une cérémonie au Japon avec une foule de personnes en blanc
Ceremony, 1970 © Kiyokazu Tada, courtesy of MEM, Tokyo

L’Association photographique des étudiants de tout le Japon – MEM (C30)

Sur une cimaise du secteur principal, un mot en lettres capitales, puis en lettres minuscules, et aussi en lettres phonétiques interpelle : Hiroshima. S’il s’agit d’une grande ville au sud de l’île de Honshu, au Japon, elle évoque surtout la tragédie atomique du 6 août 1945. Mais ici, les images présentées à la Galerie MEM ne sont pas celles de la catastrophe. Elles sont le fruit d’un projet, intitulé Hiroshima Day, porté par l’Association photographique des étudiants de tout le Japon (APETJ) – qui fédérait les clubs photos lycéens et universitaires de l’Archipel – à Hiroshima entre 1968 et 1971. Sur les monochromes délicats, on découvre un Japon en mutation – entre ruines et reconstructions, blessures du passé et joies vers l’avenir. La motivation de ce projet : avoir regard nouveau, plus juste, sur la ville dans l’optique de « réexaminer ce qui signifie “Hiroshima” ». Les clichés des étudiant·es se sont matérialisés en livre, HIROSHIMA, Hiroshima, hírou-ʃímə, publié en 1972. Des originaux sont aujourd’hui présentés à Paris Photo et nous invitent à voir Hiroshima autrement.

Marie Baranger

un vélo dans une allée un peu délabrée
Rooftop (Fukushima-chō), 1969 © Kyoko Watanuki, courtesy of MEM, Tokyo
Peinture sur collages d'images de corps nus
Snowberries and Bone, 2025 © Justine Kurland, Courtesy of the artist and Higher Pictures

Justine Kurland – Galerie Higher Pictures (secteur Voices)

Il faut s’approcher pour entrer dans la série de Justine Kurland, à la Galerie Higher Pictures, situé dans le secteur Voices de Paris Photo 2025. On y trouve de petits collages sobres, tenus, où des corps féminins découpés et recomposés forment une architecture de chair et de gestes. Dans chaque image, il y a une intervention picturale – une pomme, une tige, une gousse d’ail – posée comme une balise. Un geste simple, mais décisif : reprendre des images façonnées par un regard masculin et les réécrire, les réassembler pour leur offrir un autre espace. Ici, les corps ne posent plus : ils résistent, se protègent, se multiplient.

Ce travail résulte d’un processus qui consiste à copier les natures mortes peintes par son père sur des toiles constituées de collages extraits de Nudes de Lee Friedlander, à déconstruire un héritage artistique masculin, et à libérer ces corps photographiés pour en proposer un récit plus juste, plus libre, plus à elle. Les collages deviennent une manière d’inverser les rapports de pouvoir, de transformer ce qui était imposé en un espace de solidarité et de réappropriation.

Dans le flux dense de Paris Photo, ces images suspendent le rythme. Elles rappellent que le collage peut être un acte politique autant qu’un geste intime, et que Justine Kurland impose ici un langage clair, précis, impossible à ignorer.

Fabrice Laroche

Collage de corps nus noir et blanc et peinture de pommes
Two Mac Apples and Garlic Clove, 2025 © Justine Kurland, Courtesy of the artist and Higher Pictures
Une femme nue à l'envers avec des dessins de fleurs
The Hanged Woman (Red Cesarian), de la série This Happened To You, 2025 © Atong Atem, courtesy Mars Gallery

Atong Atem – MARS (G02)

Sur les balcons du secteur Émergence, quatre grands tissus colorés sont suspendus sur une cimaise blanche. Pour les adeptes de l’occulte, les images qui y sont imprimées sont évocatrices : elles semblent tout droit sorties d’un jeu de tarot. Mêlant les répertoires de la taromancie et de la chrétienté, Atong Atem, une artiste sud-soudanaise installée en Australie, compose This Happened to You, un récit poignant et surréaliste qui sonde les liens de filiations, la famille et la mythologie. Ses photographies de femmes, qui dansent ou qui sont couvertes d’épées tranchantes, sont imprimées sur du velours, ce qui leur confère une dimension mystique, presque insaisissable. Elle poursuit ainsi son exploration des expériences postcoloniales dans la diaspora africaine, tout en interrogeant le rôle des photographes comme conteur·rice d’histoires.

Marie Baranger

Un corps part terre avec des épées plantées dedans. Au fond un couché de soleil
10 of Swords, de la sérieThis Happened To You, 2025 © Atong Atem, courtesy Mars Gallery
Trois femmes qui dansent en cercle
3 of Cups, de la série This Happened To You, 2025 © Atong Atem, courtesy Mars Gallery
À lire aussi
Paris Photo 2025 célèbre la photographie au Grand Palais
© Chloé Azzopardi / Fisheye Gallery
Paris Photo 2025 célèbre la photographie au Grand Palais
Du 13 au 16 novembre 2025, les yeux des amateurs de photographie seront tournés vers Paris Photo. La foire internationale se tiendra de…
05 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
28 artistes à (re)découvrir à Paris Photo 2025
Liulitun, Beijing 2002 No.13 © RongRong & inri
28 artistes à (re)découvrir à Paris Photo 2025
La foire internationale Paris Photo investit le Grand Palais du 13 au 16 novembre 2025. Pour cette occasion, la rédaction de Fisheye vous…
11 novembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Explorez
Trophées Photos Jeunes D’Avenirs : quand les jeunes s’emparent de l’image 
Les avenirs vacants, Grand Prix du Jury © Victor Arsic
Trophées Photos Jeunes D’Avenirs : quand les jeunes s’emparent de l’image 
Le Groupe AEF info a annoncé les lauréat·es de la première édition de son concours Trophées Photos Jeunes D’Avenirs. Six jeunes artistes...
23 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
La rétrospective de Madeleine de Sinéty, entre France et États-Unis
© Madeleine de Sinéty
La rétrospective de Madeleine de Sinéty, entre France et États-Unis
L’exposition Madeleine de Sinéty. Une vie, présentée au Château de Tours jusqu'au 17 mai 2026, puis au Jeu de Paume du 12 juin au 27...
15 décembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
À la MEP, les échos de vie urbaine de Sarah van Rij
© Sarah van Rij
À la MEP, les échos de vie urbaine de Sarah van Rij
Jusqu’au 25 janvier 2026, Sarah van Rij investit le Studio de la Maison européenne de la photographie et présente Atlas of Echoes....
12 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Guénaëlle de Carbonnières : creuser dans les archives
© Guénaëlle de Carbonnières
Guénaëlle de Carbonnières : creuser dans les archives
À la suite d’une résidence aux Arts décoratifs, Guénaëlle de Carbonnières a imaginé Dans le creux des images. Présentée jusqu’au...
11 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Vuyo Mabheka : de brouillon et de rêve
Indlela de la série Popihuise, 2021 © Vuyo Makheba, Courtesy AFRONOVA GALLERY
Vuyo Mabheka : de brouillon et de rêve
Par le dessin et le collage, l'artiste sud-africain Vuyo Mabheka compose sa propre archive familiale qui transcrit une enfance solitaire...
À l'instant   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Concours de beauté, métropoles et intimité : nos coups de cœur photo de décembre 2025
© Carla Rossi
Concours de beauté, métropoles et intimité : nos coups de cœur photo de décembre 2025
Expositions, immersion dans une série, anecdotes, vidéos… Chaque mois, la rédaction de Fisheye revient sur les actualités photo qui l’ont...
24 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Trophées Photos Jeunes D’Avenirs : quand les jeunes s’emparent de l’image 
Les avenirs vacants, Grand Prix du Jury © Victor Arsic
Trophées Photos Jeunes D’Avenirs : quand les jeunes s’emparent de l’image 
Le Groupe AEF info a annoncé les lauréat·es de la première édition de son concours Trophées Photos Jeunes D’Avenirs. Six jeunes artistes...
23 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
La sélection Instagram #538 : le grand manteau blanc
© Christie Fitzpatrick / Instagram
La sélection Instagram #538 : le grand manteau blanc
À l’approche des fêtes de fin d’année, les artistes de notre sélection Instagram de la semaine capturent la poudreuse, les chutes...
23 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger