Fisheye Magazine : Comment caractériser la street photography ?
« Le street photographer explore les rues pour capturer la vraie vie. Il est celui qui se trouve au bon endroit, au bon moment, avec la bonne personne. Il n’y a pas de pose, pas de construction, son intention est de capter un instant véridique et d’immortaliser sa cible. La street photography ne se limite pas à une époque ou à un pays. C’est un mouvement culturel issu de la jeunesse, qui tente de se représenter elle-même. »
Quels bouleversements ont provoqués les smartphones ou Instagram dans le champ de la street photography ?
Rien n’a vraiment changé avec l’émergence des réseaux sociaux et des nouvelles technologies. Les street photographers passent désormais d’un médium à un autre, comme le font les DJs avec leurs platines. Certes, les smartphones et Instagram ont rendu la street photography plus démocratique, plus accessible. Aujourd’hui, tout le monde a les outils pour prendre des milliers de photos et les partager instantanément avec des milliers de personnes. La street photography est à la portée des masses. Mais pour être un bon street photographer, on doit toujours être béni. C’est la rue qui décide, pas la technologie !
Comment s’est opérée la sélection des artistes présents dans votre livre The Street is Watching ?
Chez Drago, nous avons grandi en Europe, dans les années 1990, et nous avons commencé par collecter les images qui nous avaient marqués lors de cette décennie dorée. Puis nous avons eu la chance de voyager par-delà l’Europe, et d’élargir notre vision de la photo à l’ensemble du monde. The Street is Watching rend aussi bien hommage aux célèbres icônes qu’aux artistes anonymes, et en propose un mix inédit.
Qu’avez-vous découvert en écrivant ce livre ?
Plus on étudie et moins on en sait ! On prend conscience qu’il est impossible de rassembler les plus grandes images des plus grands photographes. Il y en a trop ! Et quand on croit avoir terminé, on découvre aussitôt un tirage immanquable… Finalement, ce livre parle de la rue, d’endroits délabrés, de rituels, et de la construction d’une nouvelle génération. Nous avons aussi réalisé que nos idoles de la street photography avaient mis en lumière ce que l’on appelle le « courant des minorités ».
Comment voyez-vous évoluer la street photography dans le futur ?
Aujourd’hui, l’histoire de la décadence montre que le malthusianisme est sur le point de triompher, et que la guerre va éclater. La street photography sera le juge de l’histoire. Notre existence, quant à elle, se pliera au credo Photo ergo sum [« Je photographie donc je suis », ndlr].