Du 12 au 14 mai, le temps d’un week-end, la Halle des Blancs Manteaux de Paris se fait hôte de la photographie documentaire française et internationale.
La thématique de cette nouvelle édition, l’autoportrait, incluse dans ce genre très particulier qu’est l’œuvre documentaire, pose comme problématique le rapport des photographes au monde qu’iels capturent, et dans lequel, par ce geste sur soi, iel viennent s’intégrer.
« Est-ce donc la vie d’un homme ? Oui, et la vie des autres hommes aussi. Nul de nous n’a l’honneur d’avoir une vie qui soit à lui […] Prenez ce miroir, et regardez-vous y », disait Victor Hugo aux lecteurs des Contemplations. C’est bien ce dont il s’agit ici, à la fois dans les autoportraits des photographes, qui disent quelque chose de leur rapport à la société, et dans les portraits d’inconnu·es pris par ces mêmes artistes, destinées individuelles qui les traversent, auxquelles iels se confrontent, et qui façonnent leur engagement. De plus en plus conscient·es du pouvoir des images sur la construction de nos mémoires collectives, et du biais qu’iels peuvent induire, iels s’inscrivent parfois dans une attitude co-créatrice avec les figures qu’iels rencontrent, et dont iels racontent l’histoire.
© Laurent Reyes
Traversées de soi à l’autre et de l’autre à soi
Dans cet optique, Hiroh Kikaï, figure emblématique de la photographie japonaise, disparu en 2019, a été choisi comme invité d’honneur de cette nouvelle édition. Le salon expose son regard affectueux sur les passant·es du quartier populaire d’Asakusa à Tokyo, auxquels il s’identifie, et qui lui rappellent sa ville natale. Dans cette série de photographies, loin de toute volonté de représentation fidèle de la vie japonaise, l’artiste élit consciencieusement les visages et les corps à capturer, tantôt pour leur excentricité, tantôt pour leur simplicité, tentant de parvenir à une beauté indéfinissable, pour nous saisir universellement.
Parmi les nombreuses galeries et collectifs présentant les œuvres de leurs artistes, on trouve la série The Locks of Lockdown de Claudio Ahlers, au procédé surprenant. C’est en se servant d’un corps étranger, et non du sien propre, que l’auteur met en scène ses angoisses du confinement, façonnant ainsi, non un autoportrait, mais un portrait autobiographique. De corps individuel, le modèle devient corps collectif : le photographe l’enrobe de cheveux ramassés chez son coiffeur la semaine suivant la fin du confinement de l’été 2020, résidus communs personnifiant alors les sentiments vécus par tous et toutes : insécurité, solitude, introspection ou espoir.
Hiro Kikai / Courtesy Inbetween Gallery
© Dana Cojbuc / Courtesy Galerie Écho119
© à g. Claudio Ahlers, à d. Cleo Nikita Thomasson / Larvoratoire
© Isabel Perez del Pulgar / Larvoratoire
Image d’ouverture : © Laurent Reyes