Pourquoi la photographie t’a-t-elle attirée ?
Je me sers de la photographie comme d’un langage, je n’ai pas de talent pour le chant, l’écriture ou encore la peinture donc j’ai tenté à travers l’image de transmettre ce qui me tenait à cœur. Un besoin pressant d’exprimer quelque chose de viscéral.
Comment est née cette série ?
Je suis partie au Maroc durant l’été 2014. Un matin, mon oncle m’a proposé de partir avec lui dans l’Atlas afin d’assister au mariage de sa cousine. Je n’ai pas hésité une seule seconde et nous avons voyagé à la fraiche afin de supporter les températures désertiques. C’était la première fois que je voyais l’Atlas, un environnement aux allures lunaires avec quelque chose de très mystique. Après plusieurs heures de voiture au milieu de nulle part, des maisonnettes de pierres et de terre commencèrent à apparaitre. C’est impressionnant de se retr ouver au milieu du désert et de se dire que des personnes vivent en ces lieux. Une prise de conscience s’effectue et nos conceptions occidentales sont remises en questions.
Combien de temps es-tu restée dans les montagnes de l’Atlas ?
Nous sommes partis le matin et sommes revenus à Agadir dans la nuit. J’ai assisté aux différentes étapes d’un mariage berbère. La rencontre fut brève mais intense.
Que cherchais-tu à exprimer à travers ce travail ?
Lorsque j’ai appris que nous allions quitter la ville afin de rejoindre les terres désertiques du Caucase, loin de tout, j’ai été à la fois inquiète et très excitée. Mais la beauté des paysages et l’accueil chaleureux de nos hôtes ont eu raison de mes appréhensions. Ce sont des gens d’une authenticité rare. Ils ont tout d’abord été gênés par l’appareil photo. Je voulais immortaliser ces instants et, en même temps, je cherchais à conserver cette pureté qui émane d’eux. J’ai dû me mettre en retrait pour parvenir à leur faire accepter l’objectif. Ce sont ces instants d’échanges muets que j’ai décidé de préserver.
Cette série est assez éloignée de tes autres travaux, plutôt axés autour de la mode. C’était un challenge pour toi ?
Oui, il y avait un enjeu à faire partager cette expérience bien loin de mes habitudes photographique avec des modèles rompus aux séances de poses. Tout a commencé avec le silence, puis un dialecte, si différent, aux consonances inconnues qui ne permettait pas d’échanger avec mes hôtes. De ces regards silencieux est née une complicité. Les textiles multicolores portés par les femmes contrastes avec le soleil d’or de ces terres désolées. Ils préservent leur identité, la protègent et en même temps aiment partager leur vie simple. J’ai délicatement capté leurs regards remplit d’émotions en respectant leur intimité et leur vérité. C’était une expérience unique pour moi de découvrir et de saisir le dénuement et la simplicité de ce peuple pudique.
Quel souvenir gardes-tu de cette rencontre ?
Je pense que j’arrive à l’âge où découvrir la culture orientale était un réel besoin. Ce fut une surprise. J’ai trouvé confortable de d’être le témoin discret d’une situation à laquelle j’étais conviée. J’ai été submergée d’émotions. C’était une rencontre spontanée d’une rare beauté.
En tant que photographe, qu’as-tu appris au contact des Berbères ? Comment t’ont-ils reçue ?
Fondamentalement, le respect d’autrui. Il faut obtenir leur consentement avant de déclencher l’appareil, c’est une approche délicate mais le regard en dit long sur le confiance accordée ou non et qu’il faut respecter. Ils ont un inégalable sens de l’hospitalité et leur dépouillement donne encore plus de valeur à leur accueil.
Quelle est, dans cette série, ta photo favorite ?
Je pense que c’est le visage marquée de cette femme à l’étoffe bleue. J’aime beaucoup le contraste froid de sa tenue avec l’environnement mordoré des murs de la pièce.
Enfin, qu’est-ce que cette série t’évoque, en trois mots ?
Documentaire. Face à face. Partage.