La Galerie Intervalle accueille, jusqu’au 28 mars, l’exposition Precious Things de la photographe portugaise Anabela Pinto. Une collection d’images rétro interrogeant notre relation à la technologie.
C’est à reculons qu’Anabela Pinto, photographe d’origine portugaise installée à Londres, a fait de la photographie son médium de prédilection. D’abord perçu comme un simple outil d’enregistrement du réel, facile à réaliser et à reproduire, le 8e art l’ennuyait. Durant ses études, pourtant, elle découvre la série Hustlers de Philip-Lorca diCorcia et tombe sous son charme. Une œuvre réalisée au début des années 1990 à « Boystown », un quartier d’Hollywood connu pour son activité sexuelle illégale. Motels, ruelles désertes, bar et diners… l’auteur s’immerge dans ces lieux en perdition, proposant aux hommes prostitués qu’il croise en chemin de les payer pour les photographier. Baignés dans une lumière cinématographique, modèles et décors se transforment, faisant d’une réalité sordide un drame sublime.
Precious Things évoque ce même goût pour la mélancolie, ce désir de théâtraliser le quotidien. Tirées en grand format, les images dévorent les murs de la Galerie Intervalle et invitent le visiteur à s’immerger dans les mises en scène d’Anabela Pinto, illuminées par une étrange lumière bleutée – celle des écrans. « C’est finalement ce côté imposant de la photographie – le fait qu’elle symbolise tant de choses et se trouve partout – qui fait sa force », déclare-t-elle.
Vestiges des années 1980
Née d’une envie d’écrire une ode à la relation entre l’humain et l’inanimé, Precious Things se lit comme un récit intemporel capturant la fascination de l’Homme pour la technologie, et sa dépendance à celle-ci. « Si je ne pouvais pas passer sous silence la dimension matérialiste d’un tel sujet, il était important pour moi de ne pas tomber dans la leçon de morale. Mes sentiments à l’égard de ces outils sont au contraire plutôt neutres, voire positifs », explique la photographe. Au cœur de la série, écrans, câbles électriques et êtres humains se rencontrent, se caressent. Les poses lascives des protagonistes évoquent l’ennui comme la sensualité. « J’ai pris soin de souligner l’émotion : certaines photos renvoient à la mélancolie, d’autres à la comédie, et le reste se trouve quelque part en ces deux contraires », explique-t-elle.
Pourtant, smartphones, tablettes et autres nouvelles technologies demeurent absents des clichés. Dans cet étrange décor, seuls les vestiges des années 1980 subsistent : un vieil écran de télévision, une collection de VHS, des caméscopes… Irrévérencieuse, Anabela Pinto mélange les époques et les repères, pour jouer avec notre mémoire collective. « La nostalgie est bien sûr une stratégie : elle idéalise – pour le meilleur et pour le pire – les thèmes abordés », confie-t-elle. Dans cet antre d’un autre temps, l’artiste semble faire allusion à une autre tendance : le 80’s revival, présent dans de nombreuses œuvres – des films aux séries en passant par la musique. Et si notre obsession pour les nouvelles technologies était finalement aussi insignifiante que notre amour des décennies passées ?
Jusqu’au 28 mars
Galerie Intervalle
12 rue Jouye-Rouve, 75020 Paris
© Anabela Pinto