« Precious Things » : une technologie obsédante

03 mars 2020   •  
Écrit par Lou Tsatsas
« Precious Things » : une technologie obsédante

La Galerie Intervalle accueille, jusqu’au 28 mars, l’exposition Precious Things de la photographe portugaise Anabela Pinto. Une collection d’images rétro interrogeant notre relation à la technologie.

C’est à reculons qu’Anabela Pinto, photographe d’origine portugaise installée à Londres, a fait de la photographie son médium de prédilection. D’abord perçu comme un simple outil d’enregistrement du réel, facile à réaliser et à reproduire, le 8e art l’ennuyait. Durant ses études, pourtant, elle découvre la série Hustlers de Philip-Lorca diCorcia et tombe sous son charme. Une œuvre réalisée au début des années 1990 à « Boystown », un quartier d’Hollywood connu pour son activité sexuelle illégale. Motels, ruelles désertes, bar et diners… l’auteur s’immerge dans ces lieux en perdition, proposant aux hommes prostitués qu’il croise en chemin de les payer pour les photographier. Baignés dans une lumière cinématographique, modèles et décors se transforment, faisant d’une réalité sordide un drame sublime.

Precious Things évoque ce même goût pour la mélancolie, ce désir de théâtraliser le quotidien. Tirées en grand format, les images dévorent les murs de la Galerie Intervalle et invitent le visiteur à s’immerger dans les mises en scène d’Anabela Pinto, illuminées par une étrange lumière bleutée – celle des écrans. « C’est finalement ce côté imposant de la photographie – le fait qu’elle symbolise tant de choses et se trouve partout – qui fait sa force », déclare-t-elle.

© Anabela Pinto

Vestiges des années 1980

Née d’une envie d’écrire une ode à la relation entre l’humain et l’inanimé, Precious Things se lit comme un récit intemporel capturant la fascination de l’Homme pour la technologie, et sa dépendance à celle-ci. « Si je ne pouvais pas passer sous silence la dimension matérialiste d’un tel sujet, il était important pour moi de ne pas tomber dans la leçon de morale. Mes sentiments à l’égard de ces outils sont au contraire plutôt neutres, voire positifs », explique la photographe. Au cœur de la série, écrans, câbles électriques et êtres humains se rencontrent, se caressent. Les poses lascives des protagonistes évoquent l’ennui comme la sensualité. « J’ai pris soin de souligner l’émotion : certaines photos renvoient à la mélancolie, d’autres à la comédie, et le reste se trouve quelque part en ces deux contraires », explique-t-elle.

Pourtant, smartphones, tablettes et autres nouvelles technologies demeurent absents des clichés. Dans cet étrange décor, seuls les vestiges des années 1980 subsistent : un vieil écran de télévision, une collection de VHS, des caméscopes… Irrévérencieuse, Anabela Pinto mélange les époques et les repères, pour jouer avec notre mémoire collective. « La nostalgie est bien sûr une stratégie : elle idéalise – pour le meilleur et pour le pire – les thèmes abordés », confie-t-elle. Dans cet antre d’un autre temps, l’artiste semble faire allusion à une autre tendance : le 80’s revival, présent dans de nombreuses œuvres – des films aux séries en passant par la musique. Et si notre obsession pour les nouvelles technologies était finalement aussi insignifiante que notre amour des décennies passées ?

 

Precious Things

Jusqu’au 28 mars

Galerie Intervalle

12 rue Jouye-Rouve, 75020 Paris

© Anabela Pinto

© Anabela Pinto© Anabela Pinto

© Anabela Pinto© Anabela Pinto© Anabela Pinto

© Anabela Pinto© Anabela Pinto

© Anabela Pinto

© Anabela Pinto

Explorez
Les secrets des météorites dévoilés par Emilia Martin
I saw a tree bearing stones in place of apples and pears © Emilia Martin
Les secrets des météorites dévoilés par Emilia Martin
Dans son livre I Saw a Tree Bearing Stones in the Place of Apples and Pears, publié chez Yogurt Editions, Emilia Martin s’intéresse au...
21 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 10 novembre 2025 : ébullition photographique 
Berceau de Moïse (Reine de la nuit), Guyane, 2025 © Sylvie Bonnot, courtesy Hangar Gallery, Brussels
Les images de la semaine du 10 novembre 2025 : ébullition photographique 
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les événements photographiques abondent à Paris. Voici un tour d’horizon des festivals, foires et...
16 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
5 événements photo à découvrir ce week-end
© Boby
5 événements photo à découvrir ce week-end
Ça y est, le week-end est là. Si vous prévoyez une sortie culturelle, mais ne savez pas encore où aller, voici cinq événements...
15 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 3 novembre 2025 : les actualités de Fisheye
© Ian Cheibub
Les images de la semaine du 3 novembre 2025 : les actualités de Fisheye
C’est l’heure du récap ! Entre la parution d’un nouvel ouvrage, la sortie du numéro #74 et celle d’un épisode de Focus, la semaine a été...
09 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
5 événements photo à découvrir ce week-end
© Sandra Eleta
5 événements photo à découvrir ce week-end
Ça y est, le week-end est là. Si vous prévoyez une sortie culturelle, mais ne savez pas encore où aller, voici cinq événements...
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
La Galerie Carole Lambert réenchante l'œuvre de Manuel Álvarez Bravo
Petit cheval de Quito © Archivo Manuel Álvarez Bravo
La Galerie Carole Lambert réenchante l’œuvre de Manuel Álvarez Bravo
Jusqu'au 18 décembre 2025, la Galerie Carole Lambert devient l’écueil des 40 tirages d’exception du photographe mexicain Manuel Álvarez...
21 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les secrets des météorites dévoilés par Emilia Martin
I saw a tree bearing stones in place of apples and pears © Emilia Martin
Les secrets des météorites dévoilés par Emilia Martin
Dans son livre I Saw a Tree Bearing Stones in the Place of Apples and Pears, publié chez Yogurt Editions, Emilia Martin s’intéresse au...
21 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Jonathan Bertin : l'impressionnisme au-delà des frontières
Silhouette urbaine, Séoul Impressionism © Jonathan Bertin
Jonathan Bertin : l’impressionnisme au-delà des frontières
Jusqu’au 20 décembre 2025, Jonathan Bertin présente, à la Galerie Porte B, un dialogue délicat entre sa Normandie natale et Séoul, ville...
20 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger