Immergé dans la culture italienne, à Rome, le photographe Shane Lavalette s’est intéressé à la notion de rénovation. Il signe, avec New Monuments, une étude philosophique, inspirée par l’art, l’architecture, et le désir humain de garder en mémoire nos biens les plus précieux.
« Mon approche photographique est en constante évolution. J’ai toujours été touché par les images qui capturent et transcendent le réel. Celles qui poussent le regardeur à contempler un sujet d’un œil nouveau »
, confie Shane Lavalette. C’est avec un Polaroïd que l’artiste a découvert le 8e art, alors qu’il est encore enfant. Dès le lycée, il suit des cours de photographie qu’il poursuit à l’École du Musée des Beaux-Arts de Boston. En 2015, il est nommé « artiste invité » de l’Académie américaine de Rome et passe plusieurs semaines dans la capitale italienne, s’immergeant dans son histoire et sa culture.
Là-bas, il prend contact avec des chercheurs, des conservateurs et des institutions qui lui permettent d’observer la ville d’un œil nouveau. « Durant mon séjour, de nombreux sites architecturaux étaient en pleine rénovation, et ces réparations m’ont rapidement fasciné », ajoute-t-il. Comment les édifices les plus emblématiques survivent-ils à l’épreuve du temps ? L’art est-il destiné à se flétrir, à s’effacer ? De ces déambulations romaines émerge alors un projet photographique : New Monuments.
La dimension physique de la rénovation
Dans l’ouvrage de Shane Lavalette, les bâtiments, les sculptures et les œuvres d’art les plus populaires de Rome dialoguent avec le flux constant de touristes, et les gestes précis des artisans restaurant ces différents éléments. Du coup de pinceau d’un peintre, à l’équipement d’un ouvrier, le photographe révèle l’envers du décor, célèbre la minutie d’un emploi dédié à prolonger la durée de vie d’un artefact ancien. « J’étais intéressé par l’idée d’explorer le désir humain de préserver. Par notre manière de donner du sens à certains éléments, d’imaginer leur aura. Il s’agit d’un besoin qui s’étend au-delà de l’architecture, de l’art, ou des simples objets, et qui tisse des liens avec la mémoire, les émotions, les espaces, les gens et nos propres corps », explique-t-il.
D’une fissure cassant le blanc d’un mur au le regard pensif d’une jeune femme… Avec New Monuments l’artiste s’intéresse aux dimensions physique et philosophique de la rénovation. Notre esprit conserve-t-il précieusement certaines données, de la même manière que la Galerie Borghese collectionne les tableaux du Caravage ? Les souvenirs qui nous marquent doivent-ils être régulièrement ranimés ? En capturant la ville italienne de manière abstraite, minimaliste, Shane Lavalette invite le regardeur à questionner sa propre vision de la préservation. À prendre conscience de cette volonté humaine de soigner les fissures – visibles comme invisibles – qui abîment nos trésors.
New Monuments, Éditions Libraryman, 35 €, 32 p.
© Shane Lavalette